Au Kirghizistan, les pâturages ancestraux sous la houlette des nouvelles technologies

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Au Kirghizistan, les pâturages ancestraux sous la houlette des nouvelles technologies

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Urmatbek Omurbekov se souvient d’un temps où faire paître ses bêtes était une activité pratiquée exclusivement hors ligne. Chaque printemps, des bergers tels que lui conduisaient leur bétail au pied des majestueuses montagnes du Tianshan, où ils le laissaient engraisser en prévision de l’hiver suivant.

Dans cette région du monde, la plupart des familles ont un troupeau. Il est commun de voir des chèvres et du bétail courir librement au côté des chevaux et des yaks, et les habitants se préviennent entre eux s’ils aperçoivent un mouton ou une vache appartenant à l’un de leurs voisins égaré dans la montagne.

Mais au cours des dernières années, des tensions sont venues troubler ce cadre idyllique. Souvent, elles sont liées à l’appauvrissement croissant des pâturages. 

Les générations de bergers kirghizes qui ont précédé celle d’Urmatbek étaient nomades, migrant avec leurs bêtes dans les montagnes et les plaines. Cependant, aujourd’hui, la plupart des éleveurs sont installés à faible altitude et ne se déplacent plus pour nourrir leurs animaux. Par conséquent, les pâturages à proximité des communautés sont exploités à outrance, tandis que les pâturages riches situés plus loin restent immaculés. Cette asymétrie a des conséquences négatives à la fois sur l’environnement (par exemple, en favorisant l’érosion et d’autres dégâts localisés) et sur la santé et la productivité des animaux.

C’est pourquoi le FIDA collabore avec le Gouvernement kirghize afin de financer des programmes, tels que le Programme de développement de l’élevage et des marchés (également désigné sous son acronyme en anglais LMDP) qui donnent aux communautés les moyens d’exploiter de manière plus efficace les terres disponibles. Une partie du processus a consisté à intégrer la télédétection dans le système de gestion des pâturages du Kirghizistan et à mettre cette technologie numérique directement entre les mains d’éleveurs tels qu’Urmatbek.

« Grâce à Google Earth, nous avons appris à décrypter les cartes électroniques qui nous permettent d’élaborer des plans de gestion des pâturages », explique-t-il.

Urmatbek est à la tête du comité de Cholpon Zhayit, l’un des quelque 70 comités de gestion des pâturages que compte Naryn, la plus grande région administrative du pays, mais aussi la plus pauvre. Depuis des décennies, ces comités de gestion des pâturages, composés de bergers et d’éleveurs locaux, sont chargés d’administrer le droit de pâture. Grâce à un système de billetterie, ils déterminent qui a le droit de faire paître ses bêtes et à quel endroit. Les prix sont fixés par la communauté, et les recettes servent à financer les dépenses locales, comme la réparation des abreuvoirs.

Cette structure de gouvernance des pâturages était déjà en place, mais les comités comme celui d’Urmatbek manquaient des outils nécessaires pour déterminer si les terres étaient trop peu ou trop utilisées et lesquelles étaient susceptibles de s’appauvrir. De plus, ils n’avaient aucune vue d’ensemble de la manière dont la qualité des parcelles évoluait au fil des saisons. 

Grâce à ce Programme de développement de l’élevage et des marchés, tout cela a changé. En effet, dans le cadre du programme, les comités de gestion des pâturages ont eu accès à des technologies et des formations afin de numériser les cartes des zones de pâturage et d’utiliser les systèmes d’information géographique en ligne.

À l’aide d’appareils GPS acquis dans le cadre du programme, ils ont pu établir les coordonnées géographiques des lieux de pâturage. Cela leur a permis de mener à bien plusieurs tâches, comme recenser les zones nécessitant de nouvelles infrastructures (telles que des ponts et des routes) ou consacrer certaines zones à des activités de recherche (par exemple, sur les techniques d’amélioration des rendements).

Par ailleurs, les images obtenues grâce aux systèmes d’information géographique leur ont permis de définir un seuil de référence concernant l’état des différents pâturages de la région. Ils peuvent ainsi comparer les rendements et la santé de ces pâturages d’une année et d’une saison à l’autre et, si besoin, intervenir et les protéger d’une utilisation excessive. Ces comités peuvent, par exemple, délimiter des portions de pâturages devant être restaurées et n’accorder de billets que pour les pâturages en bonne condition.

Grâce à ces mesures, les éleveurs d’Issyk-Kul, de Naryn et d’Osh, régions bénéficiaires du programme, ont constaté une hausse des rendements laitiers et une diminution des conflits. Une étude réalisée au terme de la première phase du programme a montré que le poids moyen du bétail avait augmenté jusqu’à 50% et que le nombre de différends avait diminué de plus de 20%. 

Parallèlement, le réensemencement des pâturages appauvris est en cours grâce à la collaboration entre l’Association des unions des usagers des pâturages et l’Institut de recherche scientifique sur l’élevage et les pâturages du Kirghizistan, avec le concours du FIDA.

De plus, le programme a permis de financer la mise en place d’un système d’alerte rapide en cas de phénomène météorologique extrême, afin de prévenir les bergers même dans les zones les plus reculées et de les aider à mieux choisir leur lieu de pâturage.

« Ce système permet de facilement connaître les prévisions météorologiques pour les 10 jours à venir », explique Karybek Karabaev, à la tête du comité de gestion des pâturages de Zhoosh, dans la région d’Osh. « Par exemple, l’un de nos pâturages se trouve dans une zone reculée des montagnes de l’Alai et, cette année, nous avons pu communiquer des données météorologiques aux utilisateurs de cette zone. » 

Depuis son téléphone ou son ordinateur, Karybek se rend désormais sur un site Web spécialisé dans les données météorologiques relatives aux pâturages et y cherche les zones sous la juridiction du comité. Il communique ensuite les informations recueillies aux pasteurs en les appelant directement sur leur téléphone mobile, ce qui leur permet de planifier leur parcours en restant à distance de tout événement météorologique extrême.

Le site Web que Karybek utilise et plusieurs autres aspects du système d’alerte rapide sont désormais gérés par le Département kirghize des pâturages et du bétail.

De prime abord, les choses sont restées les mêmes qu’il y a dix ans: les vaches, les chevaux, les moutons et les yaks paissent librement dans les collines verdoyantes et les pâturages vallonnés. Mais en réalité, cela repose désormais sur un système numérique sophistiqué qui permet d’élaborer des plans de gestion des pâturages et de prendre des décisions appuyées sur des prévisions, et de préserver la santé et la productivité des terres et des bêtes pour les décennies à venir.

Découvrez l’action du FIDA au Kirghizistan.