Envois de fonds et argent mobile: un produit de choix à la disposition des femmes

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Envois de fonds et argent mobile: un produit de choix à la disposition des femmes

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Les femmes constituent, au niveau mondial, la majorité des bénéficiaires des envois de fonds, et ces envois ont un impact à la fois sur le revenu effectif des femmes et sur les normes sociales 

On estime que les envois de fonds ont un impact direct sur la vie d'un milliard de personnes dans le monde, et qu'ils maintiennent des millions de familles bénéficiaires au-dessus du seuil de pauvreté, grâce à des fonds qui constituent souvent au moins 60% des revenus du ménage. Au niveau mondial, les femmes représentent près de la moitié des 258 millions de migrants et, dans leurs pays d'origine, elles constituent la majorité des bénéficiaires. Ainsi, une recherche du Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU) a montré que 60% des bénéficiaires des envois de fonds au Cambodge, en République démocratique populaire lao et au Myanmar sont des femmes, et que 75% de ces femmes vivent en milieu rural. Au Népal, les femmes représentent 58% des bénéficiaires. On peut observer la même tendance en Amérique latine, où les femmes sont les principales bénéficiaires des envois de fonds et jouent un rôle central dans la gestion quotidienne des dépenses du ménage. Au Guatemala, elles constituent 63% des bénéficiaires des envois de fonds, chiffre qui peut atteindre 70% en Colombie.

Les migrations ont aussi un impact direct sur les normes sociales du pays d'origine, et spécialement pour les femmes: c’est ce que l’on appelle en anglais les « social remittances », ou transferts à caractère social. Outre l'argent, les migrations entraînent également la circulation d'idées, de pratiques, de compétences, d'identités et de capital social entre les communautés d’origine et d’accueil.

En fonction des sexes, une approche différente des envois de fonds

Selon une nouvelle recherche présentée par le Centre d'études de politique internationale (CeSPI) à la table ronde d'experts internationaux organisée au siège du FIDA le 24 janvier 2019, les femmes migrantes gagnent en moyenne 24% de moins que les hommes (étude menée pour l’Italie). Bien que cela n'affecte pas leur propension à envoyer des fonds (les femmes envoient en moyenne, chaque mois, 12% de leurs revenus; les hommes, 13%), cela va quand même peser sur leurs envois. Ainsi, la valeur moyenne des envois de fonds des femmes était de 425 EUR, et celle des hommes de 469 EUR. Ces résultats rappellent les conclusions d'une recherche antérieure qui avait montré que les travailleuses migrantes tendaient à envoyer plus souvent des montants plus faibles mais pendant des périodes plus longues que les hommes. Par rapport à leur revenu, les femmes peuvent envoyer jusqu’à 20% de plus que les hommes.

Dans les pays bénéficiaires, les femmes et les hommes tendent aussi à utiliser différemment l'argent qu'ils reçoivent. Les femmes bénéficiaires d'envois de fonds tendent à consacrer davantage d'argent à la santé de leur famille, à l'alimentation et à la nutrition, au logement et à l'éducation que les hommes. Toutefois, les envois de fonds ne servent pas seulement à répondre aux besoins fondamentaux des familles dans le pays d'origine; chez les femmes migrantes aussi, les visées d'investissement sont importantes, bien qu'à un moindre degré que chez les hommes. Il existe également des différences significatives entre les différents groupes de migrants. Ainsi, la recherche du CeSPI révèle que les migrantes sénégalaises jouent un rôle important dans la création et le développement d'entreprises de production dans leur pays d'origine (9% des femmes interrogées dans l'enquête y consacrent leurs envois de fonds); tandis que 29% des migrantes philippines consacrent leurs fonds à des investissements dans l’immobilier.

Depuis le lancement réussi du système M-PESA, en 2007, le secteur de l'argent mobile s'est développé et il existe aujourd'hui plus de 866 millions de comptes d'argent mobile, dans 90 pays. Initialement élaboré comme un outil pour les transferts et les paiements nationaux, l'argent mobile a révolutionné la manière dont les personnes envoient de l'argent d'un pays à l'autre. En 2018, l'argent mobile pouvait être utilisé pour des transferts internationaux – expédition ou réception – dans 56 des 90 pays où le service est disponible. L'argent mobile présente un certain nombre de caractéristiques spécifiques qui le rendent particulièrement attrayant pour les femmes par rapport à d'autres moyens de transfert de fonds. En fait, dans certains pays, les femmes ont rapidement adopté l'argent mobile comme moyen de recevoir des fonds. Ainsi, les chiffres de WorldRemit montrent qu'en 2014 20,46% de leurs clientes utilisaient l'argent mobile comme mécanisme de paiement, ce qui était le cas de seulement 13,99% des hommes. En 2018, la proportion était de 28,24% des femmes recevant des fonds par l'intermédiaire de WorldRemit contre 28,16% des hommes.

  • Premièrement, l'argent mobile est beaucoup moins coûteux que les services d'envoi de fonds utilisant les espèces. Selon la publication de la Banque mondiale comparant le coût des envois de fonds à travers le monde, le coût moyen était de 6,84% en juin 2019. Cette moyenne mondiale masque toutefois de fortes différences entre les régions, et l'Afrique subsaharienne demeure la région vers laquelle ces opérations sont les plus coûteuses, dépassant les 15% dans de nombreux corridors d’envoi de fonds. Une étude de l'Association des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA) d'août 2017 a montré que le coût moyen de l'envoi de 200 USD grâce au système d'argent mobile était de 1,7% de la transaction. Cela illustre le rôle que l'argent mobile peut jouer dans la réalisation de l'objectif de développement durable (ODD) 10.c. Même en incluant les commissions au point de versement, le coût de l'envoi de 200 USD est de 3,9%, il est donc significativement inférieur au coût moyen des envois de fonds par d'autres prestataires du système officiel, notamment les banques et les organismes de virements de fonds. En augmentant la somme que reçoivent effectivement les familles dans les pays de réception, l'argent mobile a un impact direct sur la réduction de la pauvreté. En effet, dans les pays où les envois de fonds représentent 5% ou plus du PIB, une augmentation de 10% des envois de fonds réduit d'environ 3,1% le taux de pauvreté.
  • L'argent mobile est particulièrement attractif pour les envois de petites sommes, où l'économie réalisée par rapport aux autres modes de transfert est la plus significative. De ce fait, la valeur moyenne des envois de fonds internationaux utilisant le système de l'argent mobile tend à être bien inférieure à celle des envois utilisant d'autres canaux, et les transactions tendent aussi à être plus fréquentes. Alors que la taille moyenne des envois de fonds est d'environ 500 USD au niveau mondial, la valeur moyenne des envois utilisant le système de l'argent mobile est d'environ 80 USD. C'est ce qui fait de l'argent mobile l'outil idéal pour les travailleuses migrantes.
  • L'argent mobile offre également davantage de commodité, de discrétion et de sécurité, ce qui présente d’autant plus d’intérêt pour les femmes. Avec l'argent mobile, les transferts peuvent être effectués de n'importe où et n'importe quand, sans qu'il soit nécessaire de se déplacer jusqu'à l'agence d'un organisme de virements de fonds ou d'une banque, et ils sont instantanés. Cette caractéristique est très importante pour les femmes dans les pays en développement, qui ont généralement peu de temps disponible et sont moins mobiles que les hommes. Grâce à l'argent mobile, les femmes peuvent envoyer et recevoir des fonds de manière indépendante, dans la sécurité de leur foyer, sans devoir craindre que des intermédiaires ne manquent de discrétion et informent leur mari, par exemple, de la fréquence et du montant de leurs transactions. Avec plus de commodité et de respect de la vie privée, l'argent mobile offre aux femmes une plus grande maîtrise de leur vie financière et contribue à leur autonomisation. 
  • Un des résultats intéressants du recours à l'argent mobile comme canal d’envoi de fonds semble aussi que davantage de femmes reçoivent directement les fonds qui leur sont envoyés, par rapport aux canaux d'envoi basés sur des espèces. Les personnes utilisant les canaux traditionnels d’envois en espèces procèdent généralement à un envoi important, une fois par mois, à seul destinataire, habituellement un homme, qui répartit ensuite le montant reçu entre plusieurs personnes. Avec l'argent mobile, les utilisateurs envoient plus fréquemment des montants plus faibles à un plus grand nombre de bénéficiaires, notamment des femmes. Ce point est important parce que recevoir l'argent directement permet aux femmes de beaucoup mieux maîtriser le budget du ménage et renforce les possibilités pour les femmes d’accéder à une certaine autonomie économique et de voir leur rôle décisionnel accru.

©FIDA/GMB Akash

L'argent mobile peut contribuer à une inclusion financière, une autonomisation économique et une réduction de la pauvreté plus rapides pour les femmes

Recevoir des fonds sur un compte d'argent mobile, c’est aussi faire partie de l'écosystème financier numérique et avoir accès à une large gamme de services financiers numériques ultra-modernes, au-delà des envois de fonds. Les femmes qui reçoivent des fonds sur leur compte d'argent mobile peuvent soit conserver en toute sécurité les fonds sur leur compte, soit les utiliser de différentes manières, par exemple en utilisant le paiement numérique pour acheter du lait chez un commerçant local, ou pour payer les frais de scolarité de leurs enfants, ou encore pour régler les factures des services publics. Au Kenya, les fonds reçus sur un compte M-PESA peuvent aussi être directement réinvestis en obligations d'État par l'intermédiaire de M-Akiba.
 

Dans de nombreux pays, l'écart entre les sexes est moins important lorsque c'est l'argent mobile qui est utilisé plutôt que les services financiers classiques, et l'argent mobile contribue à combler l'écart entre les sexes. Au niveau mondial, 65% des femmes possèdent un compte (auprès d’une banque ou dans le cadre d’un service d’argent mobile); pour les hommes, le chiffre est de 72%. Cela signifie que la probabilité qu'une femme possède un compte permettant d’accéder à des services financiers est de 10% inférieure à celle d'un homme. Le chiffre correspondant est de 24% en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Dans de nombreux pays, toutefois, le déséquilibre entre les sexes est moindre dans la possession d'un compte d'argent mobile que dans celle d'un compte bancaire. En Côte d'Ivoire, par exemple, les hommes détenteurs d'un compte auprès d'une institution financière sont à peu près deux fois plus nombreux que les femmes (19% contre 10%), alors que 30% des femmes ont un compte d'argent mobile, contre 38% des hommes. Au Kenya, le sexe n'est pas une variable significative dans l'accès aux comptes d'argent mobile  alors qu’il l’est pour les comptes auprès des institutions financières classiques.

Au-delà de l'inclusion financière, l'argent mobile contribue à la réduction de la pauvreté des femmes. Une recherche conduite par Tavneet Suri et William Jack au Kenya a constaté que, depuis 2008, l'accès aux services d'argent mobile avait accru de 2% les niveaux quotidiens de consommation par habitant dans les ménages kényans, contribuant de façon significative à les faire échapper à l'extrême pauvreté. Dans les ménages dirigés par une femme, la consommation a augmenté deux fois plus que dans les ménages dirigés par un homme, ce qui donne à penser que l'argent mobile bénéficie de manière bien plus importantes aux femmes.

À l'avenir, la création d'un contexte réglementaire favorable autour des envois de fonds rendus possibles par l'argent mobile sera essentielle pour permettre aux femmes de tirer pleinement parti des avantages offerts par les canaux numériques d'envoi de fonds. La GSMA est prête à appuyer les parties intéressées pour qu’elles agissent de concert en vue d'atteindre cet objectif et d'accélérer l'utilisation par les femmes de l'argent mobile pour les envois de fonds.

Claire Scharwatt est Directrice des politiques et du plaidoyer à la GSMA – une organisation professionnelle qui représente les intérêts des opérateurs de réseaux mobiles au niveau mondial.

Cet article a été publié, à l'origine, sur le site web de la GSMA.