« Pourquoi ne devrions-nous pas manger d’insectes? » Conversation avec le chef Joseph Yoon

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« Pourquoi ne devrions-nous pas manger d’insectes? » Conversation avec le chef Joseph Yoon

Temps de lecture estimé: 6 minutes

Joseph Yoon est un chef cuisinier coréen-américain et un fervent défenseur des insectes… dans nos assiettes. En 2017, il a fondé Brooklyn Bugs, une organisation ayant vocation à normaliser la consommation d’insectes par des programmes culinaires délicieux, créatifs et éducatifs. Il voit sa participation à ce mouvement culinaire mondial comme le prolongement de son engagement en faveur de sa communauté et de l’environnement.

Dans notre entretien avec le chef cuisinier Joseph Yoon, nous avons cherché à comprendre pourquoi et comment faire plus de place aux insectes dans nos vies.

Pourquoi devrions-nous manger des insectes?

Je n’aime pas répondre à une question par une autre, mais j’ai envie de vous rétorquer: pourquoi ne devrions-nous pas manger des insectes?

Saviez-vous qu’il existe plus de 2 000 types d’insectes comestibles, de différentes saveurs, textures et fonctionnalités? Il existe aussi 1 001 façons de les incorporer à nos plats. Les insectes sont un aliment nutritif, durable, délicieux et riche en macronutriments et micronutriments, alors pourquoi ne mangeons-nous pas des insectes?

Comment avez-vous commencé à cuisiner des insectes comestibles?

Tout est parti d’un projet artistique. Une artiste, Miru Kim, m’a demandé si je pouvais l’aider à surmonter sa peur des insectes, en lui en préparant à manger.

Cela a réveillé ma curiosité, et après quelques recherches, j’ai trouvé un rapport de la FAO consacré aux insectes comestibles, entre autres articles scientifiques et ressources de haute volée. En réalité, il existe énormément d’éléments probants qui démontrent et expliquent le caractère durable, les bienfaits nutritionnels et financiers et, plus généralement, l’immense potentiel, de l’élevage entomologique et de l’entomophagie (le fait d’élever et de manger des insectes).

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que pour beaucoup de monde, en particulier en Occident, la perspective de manger des insectes provoque une réaction sans nuances. L’idée de pouvoir changer cette perception (amener les gens à ne plus considérer les insectes comme des nuisibles dégoûtants, mais plutôt comme un produit d’élevage durable, un produit transformé dans des installations approuvées par la FDA [l’administration américaine en charge des aliments et médicaments], un produit nutritif), l’idée de véritablement la transformer, est un défi que je ne pouvais tout simplement pas refuser de relever.

Qu’est-ce que Brooklyn Bugs, et qu’y faites-vous?

Brooklyn Bugs est une organisation qui cherche à sensibiliser le public à la consommation d’insectes et à la mettre en valeur, dans le but d’en normaliser la consommation. Nous voulons aider les personnes à surmonter leur peur de l’inconnu et leur montrer que la seule limite quand il s’agit de cuisiner des insectes est notre propre imagination.

Notre démarche est écologique, mais ça ne veut pas dire que la consommation d’insectes est la solution miracle au problème des changements climatiques. C’est pourquoi nous avons mis en place une approche interdisciplinaire pour assurer l’intégration culturelle de notre travail. Nous voulons exposer de plus en plus le public à cette idée, et montrer qu’il peut s’agir de l’une des solutions à intégrer dans notre mode de vie pour atténuer les changements climatiques.

Quels avantages nutritionnels présentent les insectes par rapport aux animaux d’élevage « traditionnels » comme le bœuf, le porc ou le poisson?

Les insectes sont extrêmement nutritifs. Ils peuvent être constitués de 60 à 80% de protéines en moyenne par rapport à leur poids corporel, loin devant le bétail traditionnel. Ils sont riches en protéines, contiennent peu de matières grasses et de glucides et regorgent de vitamines et de minéraux.

Quels sont les insectes que vous cuisinez le plus, et comment décririez-vous leur goût et leur texture par rapport à d’autres protéines animales et végétales?

Les grillons sont souvent considérés comme « l’insecte passerelle », donc j’aurais tort de me priver de les cuisiner de manière exhaustive. Mais mon insecte préféré, de loin et sans hésitation, est la cigale.

Chaque insecte a un goût et une texture différente. Même le goût de la nymphe se distingue de celui de la cigale adulte. La nymphe a un léger goût d’amande et possède de la chair couverte par un exosquelette croustillant, tandis que la cigale adulte a un goût végétal et de noisette très prononcé.

Le grillon a lui aussi un goût de noisette qui rappelle la terre, mais tout dépend de la façon dont il a été transformé. A-t-il été déshydraté, rôti, lyophilisé? Tous ces facteurs influeront sur le goût.

Vous pouvez aussi réduire des grillons entiers en poudre, jusqu’à obtenir une sorte de farine, qui vous donnera un ingrédient très versatile à ajouter à vos soupes, à vos smoothies, à vos sauces, à vos gâteaux… Je l’ai déjà dit et je le répète, les possibilités sont infinies.

Avez-vous des conseils spéciaux ou détails à partager concernant la cuisine d’insectes?

  1. Lorsque vous voulez travailler avec un nouvel ingrédient, commencez par l’incorporer à quelque chose de déjà très versatile que vous cuisinez déjà. J’adore cuisiner mes plats préférés selon les saisons et y ajouter des protéines d’insectes.
  2. N’oubliez pas de sentir les ingrédients; si vous achetez quelque chose comme des grillons rôtis, goûtez-les avant de les cuisiner, juste pour en comprendre la texture et la saveur. Cela vous donnera une idée de comment les intégrer à votre cuisine.

Une fois que les gens ont réussi à affronter leur peur, n’y a-t-il pas d’autres obstacles à l’intégration d’insectes dans leur régime alimentaire? Par exemple, trouver des recettes, savoir comment les cuisiner, les acheter?

Tout ce qu’on doit faire, c’est éveiller la curiosité du public. Vous vous rendrez compte, juste en cherchant sur Internet, que les livres de cuisine proposant des recettes à base d’insectes ne manquent pas, tout comme les endroits où acheter des produits à base d’insectes. Il suffit juste de s’intéresser à la question.

L’accessibilité est un autre facteur important. Je pense que quand les magasins proposeront des aliments prêts à la consommation, tels que lasagnes ou macaronis au fromage et au grillon, riz cantonais au grillon, sauté de grillon, alors le secteur explosera.

Mais la première étape consiste à surmonter les obstacles culturels. Les exemples de personnes qui n’en font pas tout un plat ou ne considèrent pas les insectes comme une nourriture apocalyptique, mais plutôt comme un plat de circonstance, se multiplient. Et plus nous le verrons présenté de cette façon, plus le public s’ouvrira à cette nourriture nutritive, durable et délicieuse.

Découvrez une recette du chef et consultez le site de Brooklyn Bugs pour voir des produits à base d’insectes et des ressources supplémentaires.

Retrouverez l’intégralité de la conversation ci-dessous (en anglais).