Des femmes retournent vivre à la campagne grâce aux projets appuyés par le FIDA

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Des femmes retournent vivre à la campagne grâce aux projets appuyés par le FIDA

Temps de lecture estimé: 6 minutes
© Juan Manuel Rada

La vie n’est pas toujours facile dans les zones rurales, notamment pour les femmes, qui n’ont que depuis peu la reconnaissance qu’elles méritent pour leur contribution et leurs réussites.

Toutefois, les femmes rurales sont fortes et résilientes et, pourvu qu’on leur en donne l’occasion et qu’on leur fournisse le soutien nécessaire, elles peuvent prouver – à elles-mêmes et au monde entier – qu’elles sont capables de prospérer, de montrer la voie et d’apporter une contribution utile non seulement pour elles et leurs familles, mais aussi pour des communautés tout entières.

Eliza et Irma en sont la preuve vivante. Leurs histoires sont différentes à bien des égards, et pourtant si semblables. Originaires de la campagne bolivienne, ces deux jeunes femmes ont vécu quelque temps en ville avant de retourner dans leur village natal et, grâce au Programme d’intégration économique en faveur des familles et des communautés rurales dans le territoire de l’État plurinational de Bolivie (ACCESOS), elles sont chacune à la tête d’une entreprise florissante.

Accompagnée de deux de ses enfants, Eliza fait une promenade sur les terres de l’association Rocamero (© Juan Manuel Rada )

Faire refleurir la forêt tropicale: l’histoire d’Eliza

Âgée de 28 ans, Eliza Roca est une mère de trois enfants qui vient de Filadelfia, petit village niché dans la forêt amazonienne, dans le nord de la Bolivie. Elle fait partie de Rocamero, une association composée de cinq familles qui s’emploient à restaurer des terres dégradées en appliquant de bonnes pratiques agroforestières.

Il y a quelques années, elle a quitté Filadelfia pour suivre des études dans la ville de Santa Cruz, qu’elle a dû abandonner à 20 ans, à l’arrivée de son premier enfant. Elle est ensuite restée à Santa Cruz pendant trois ans, faisant la plonge dans des restaurants, mais elle a fini par s’en lasser et a décidé de rentrer chez elle. "C’était trop de sacrifices pour si peu d’argent", se souvient-elle.

Aujourd’hui, elle se concentre sur ses activités avec Rocamero. À ses yeux et à ceux de ses collègues, l’agroforesterie qu’ils pratiquent représente bien plus qu’un travail. Leur plantation de 37 hectares est remplie d’arbres dont la culture est rentable et permet de reconstituer l’écologie locale. La restauration des barbechos (nom donné aux terres dégradées) est essentielle dans cette partie de la forêt amazonienne. "Les gens sont impressionnés de voir tous ces arbres et ces fruits sur notre terrain, on dirait vraiment une forêt", explique-t-elle.

Ils cultivent la banane et le yucca, des arbres mara (variété d’acajou), le sinini (plante médicinale), l’açaï (variété de palmier), le cacao et le café. Les cycles de plantation et de production sont soigneusement planifiés: le yucca est récolté au bout de sept mois, le sinini et l’açaï au bout de deux ou trois ans, et le cacao au bout de quatre ans. Ainsi, ils ont toujours des produits à vendre qui leur rapportent un revenu.

Le père d’Eliza a toujours cultivé de cette manière. Aujourd’hui, le Projet ACCESOS permet à la jeune femme et à ses partenaires commerciaux de développer ce modèle et de l’améliorer. En reconnaissance de son savoir traditionnel, elle a également reçu une certification de cultivatrice de cacao dans le cadre du projet.

Ce type de qualification pourrait lui permettre de décrocher un bon poste hors de Filadelfia, mais aujourd’hui, elle n’échangerait sa place pour rien au monde.

"Ici, à la campagne, je vis mieux qu’en ville", affirme-t-elle. "Je gagne ma vie par mes propres moyens et surtout, mes enfants grandissent dans un environnement sain. Je suis heureuse, parce qu’en vivant ici, je peux continuer à développer le système agroforestier mis en place par mon père."

Dans leur cuisine professionnelle flambant neuve, Irma et les membres de l’association laitière présentent quelques-uns de leurs yaourts (© Juan Manuel Rada )

Un nouveau départ pour les producteurs laitiers: l’histoire d’Irma

À la fin du secondaire, Irma Guarachi a quitté son village rural de Jatita Este pour étudier à l’université dans les environs d’Oruro, ville de l’ouest de la Bolivie. Toutefois, elle a vite compris qu’elle n’était pas faite pour l’agitation de la ville et a décidé de rentrer à Jatita Este il y a cinq ans, résolue à s’engager davantage à l’échelon local.

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Jatita Este a toujours été pris dans un cercle vicieux. La plupart des familles, celle d’Irma y compris, élevaient des vaches pour produire de la viande et du lait. Elles fabriquaient aussi du fromage pour le vendre dans les villes avoisinantes, mais sans jamais parvenir à en tirer un bon prix: en général, leur production leur rapportait seulement trois bolivianos pièce (environ 0,5 USD). Bien sûr, il existe de nombreux produits laitiers dérivés autres que le fromage – qui pourraient se vendre à un meilleur prix – mais le village n’avait pas les bonnes machines pour les fabriquer, ni assez d’argent pour se les procurer.

En 2016, un an après son retour au village, Irma a entendu parler du Projet ACCESOS avec un groupe d’amies, et elles ont décidé d’établir un plan d’investissement pour financer la modernisation des machines au titre du projet. Leur plan approuvé, elles ont constitué ensemble une association locale de production de lait et de produits laitiers, dont Irma est la présidente fondatrice. Grâce au projet, elles ont enfin pu financer une cuisine professionnelle et l’achat de casseroles, de réfrigérateurs, de yaourtières, de cuves et de thermomètres – tout l’équipement nécessaire pour fabriquer des yaourts. Au bout d’un an, toujours dans le cadre du projet ACCESOS et avec l’aide de la municipalité, elles ont investi dans de nouvelles améliorations afin de se conformer aux normes d’hygiène.

"C’est à partir de ce moment-là que nos vies ont vraiment changé", affirme Irma, aujourd’hui âgée de 27 ans.

À l’heure actuelle, l’association produit toujours du fromage, mais son activité principale est la fabrication de yaourts: lors d’une journée normale, elle produit 50 bouteilles de 2 litres. Sa grande spécialité est le bolos, un dessert traditionnel qui ressemble à du yaourt glacé, décliné en une dizaine de parfums différents.

"Nous ne sommes plus obligés de vendre uniquement du fromage et de nous séparer des vaches, car nous pouvons à présent fabriquer des produits laitiers de qualité", ajoute Irma. "Il nous reste des choses à améliorer, mais nous savons que ce modèle fonctionne, parce que la valeur du lait est multipliée par trois quand il est transformé."

Les bénéfices s’étendent au-delà de leur petite entreprise: en période de pointe, l’association doit acheter du lait aux producteurs voisins parce que les vaches ne peuvent plus satisfaire la demande. Cela apporte un revenu supplémentaire à ces producteurs, sans occasionner les habituels frais de transport.

Irma est convaincue que son travail dans l’association lui a ouvert plus de perspectives que si elle était restée en ville.

"Depuis que j’ai fondé le groupe, j’ai beaucoup évolué", affirme-t-elle. "J’ai eu la chance de voyager et de connaître de nombreuses personnes que je n’aurais pas eu l’occasion de rencontrer autrement. J’ai beaucoup appris et je cherche toujours à m’informer et à essayer de créer de nouveaux produits. Je n’en reviens pas du chemin que j’ai parcouru – que nous avons parcouru.

"Je ne regrette pas d’être revenue", poursuit-elle. "En ville, la plupart des emplois sont très fatigants et demandent beaucoup de sacrifices. Mais ici, nous avons tout ce dont nous avons besoin."

 

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