Continuer à mettre du pain sur la table et prévenir les pertes alimentaires quand tout ne tourne pas rond

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Continuer à mettre du pain sur la table et prévenir les pertes alimentaires quand tout ne tourne pas rond

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©FIDA/Francesco Cabras

Nous vivons des temps difficiles. En raison de la pandémie de COVID-19 et de toutes ses conséquences, rien n'est aussi facile qu'avant – à moins, bien sûr, de pouvoir le faire confortablement de chez soi, pour peu qu'on ait un smartphone et une bonne connexion internet. Nous avons appris à improviser et à travailler dans des situations complexes. Nous nous sommes inquiétés pour nos parents et nos proches, où qu’ils se trouvent.

Cette année, les médias ont abondamment décrit les rayons dévalisés des supermarchés en Europe et en Amérique du Nord, mais fait peu de cas des petits exploitants, des populations rurales et des perturbations, bien réelles, qui ont entravé la production alimentaire, les récoltes et la disponibilité alimentaire dans les pays du Sud.

Or, d’après de récentes estimations, avant la pandémie, 14% de la production alimentaire mondiale était perdue avant l’étape de la consommation finale. Ce point mérite de retenir toute notre attention. Alors que les ressources naturelles s’amenuisent et deviennent d’autant plus précieuses, nous ne pouvons pas nous permettre d’utiliser des sols, de l’eau et du carburant pour produire des aliments que personne ne consommera.

Les acteurs du développement rural se sont particulièrement inquiétés à l’idée que, partout dans le monde, des millions d’exploitants et de travailleurs agricoles aient été contraints de rester confinés chez eux (et le soient encore, dans certains cas). Le problème ne se résume pas au fait qu’un confinement empêche les travailleurs de gagner un salaire quotidien ou que leur domicile manque de confort ou d’espace.

Dans les 500 millions de petites exploitations aux quatre coins de la planète, il faut labourer, irriguer et cultiver des champs de grande superficie et récolter, trier et mettre sur le marché des tonnes de produits. Les agriculteurs ne disposent que d’une période très courte pour mener à bien chacune de ces étapes et mettre des aliments frais et nutritifs à la disposition des populations des environs ou d’ailleurs. De plus, dans l’accomplissement de ces travaux indispensable à la sécurité alimentaire mondiale, ils se heurtent à de nombreuses difficultés autres que la COVID-19 qui perturbent le cycle de production alimentaire: les changements climatiques et les conditions climatiques irrégulières, les inondations, la sécheresse et la multiplication des ravageurs.

Nous savons qu’une grande partie des denrées alimentaires produites dans le monde est cultivée sur des millions de petites parcelles situées dans des zones rurales isolées. Si les agriculteurs ne sont pas en mesure d’acheter des semences, ils ne peuvent pas cultiver leurs terres. Si les travailleurs ne peuvent pas aller aux champs, les denrées alimentaires ne sont pas récoltées. Si les transports sont paralysés, les produits n’arrivent pas jusqu’aux marchés. Si les marchés ne peuvent pas ouvrir ou si l’on ne peut pas s’y rendre, les denrées alimentaires ne trouvent pas acheteur et sont souvent jetées.

Dans les pays dans lesquels il investit, le FIDA ne ménage aucun effort pour que les petits exploitants reçoivent tout l’appui dont ils ont besoin pour continuer de produire et de vendre à des prix abordables des aliments nutritifs tout en gagnant leur vie correctement. À cette fin, il peut être utile d’incorporer des technologies numériques aux procédures qu’utilisent habituellement les agriculteurs et d’élaborer des politiques publiques qui assurent des conditions de travail sûres aux petits exploitants et aux travailleurs ruraux.

Au Bangladesh, l’équipe du FIDA a collaboré avec le Gouvernement pour mettre au point un système certifié de transport et de logistique permettant la circulation sans risques des intrants agricoles (semences, engrais, etc.), des produits agricoles et du bétail au départ et à destination des zones rurales. Grâce à ce système, rapidement adopté, l’acheminement de fournitures agricoles vers les zones rurales et de produits agricoles vers les marchés urbains et semi-urbains n’a été que très peu perturbé.

Le FIDA œuvre depuis longtemps aux côtés des groupes et des associations d’agriculteurs pour les aider à regrouper leurs produits, à se mettre en rapport avec des acteurs des filières et à défendre et promouvoir leurs intérêts. L’union faisant la force, les groupes d’agriculteurs ont pu négocier de meilleurs prix, de meilleures règles et de meilleures pratiques agricoles qui préservent l’environnement. L’un des groupes d’agriculteurs les plus efficaces en Asie est l’Association des agriculteurs d’Asie pour le développement rural durable, qui reçoit l’appui du FIDA dans le cadre d’un don régional important. Ce collectif a mis en œuvre plusieurs initiatives innovantes, dont les marchés de légumes en ligne aux Philippines. Cette solution aménagée face à la crise liée à la pandémie a permis aux Manillais d’acquérir les produits alimentaires qu’ils achetaient normalement sur leurs marchés locaux, fermés par mesures de confinement.

Au Cambodge, la mise en ligne de renseignements essentiels à l’intention des agriculteurs et des consommateurs a contribué à pallier certaines des défaillances de la chaîne d’approvisionnement entre les champs et l’assiette. Le pays établit actuellement une "plateforme de mégadonnées agricoles" et le FIDA, en collaboration avec le Ministère de l’agriculture, a créé et lancé une application conçue spécialement pour les agriculteurs, qui comprend un module d’assistance technique en matière de méthodes agricoles et répartit les récoltes sur les marchés disponibles.

En Inde, plusieurs programmes appuyés par le FIDA mettent à profit des plateformes numériques pour rapprocher les agriculteurs des consommateurs. Dans le Jharkhand, les agriculteurs vendent leurs produits en ligne via une application mise au point à l’échelle locale. Dans le Maharashtra, des groupes de producteurs vendent des produits frais sur WhatsApp.

Dans certains pays, notamment dans les îles du Pacifique, la pandémie a interrompu l’activité touristique et ainsi causé du jour au lendemain la suppression de nombreux emplois. Aux Fidji, face au manque de revenus, de nombreux habitants se tournent vers la culture potagère pour nourrir leur famille. Le Gouvernement s’est associé à une entreprise de technologie pour établir une plateforme numérique consacrée à l’agriculture. Celle-ci met en relation les populations locales produisant un excédent de fruits et légumes frais dans leurs potagers avec des consommateurs potentiels résidant à proximité.

Il n’existe aucune solution toute faite pour s’assurer que les petits producteurs vivriers de la région Asie et Pacifique travaillent en toute sécurité, subviennent à leurs besoins alimentaires et approvisionnent les populations avoisinantes en aliments frais, sains et nutritifs. Il est primordial que nous maintenions notre appui aux petits producteurs et aux travailleurs agricoles et que nous prévenions les pertes alimentaires en préservant le bon fonctionnement des filières alimentaires locales.