Objectif zéro gaspillage alimentaire chez les communautés de pêcheurs en Indonésie

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Objectif zéro gaspillage alimentaire chez les communautés de pêcheurs en Indonésie

Temps de lecture estimé: 7 minutes
©FIDA/Roger Arnold

Parmi les communautés côtières d'Indonésie, où vivent près du tiers des personnes les plus démunies du pays, de nombreux pêcheurs artisanaux ont bien du mal à gagner leur vie. Ce n’est pas faute de se donner du mal: la pêche indonésienne occupe le troisième rang mondial en volume de production, soit quelque 6 millions de tonnes de poisson par an. Mais beaucoup de ces communautés n'ont jusque-là pas eu accès aux technologies et aux ressources qui leur permettraient de conserver correctement leur pêche jusqu'à l’arrivé sur les marchés, qui sont généralement éloignés des criques situées en milieu rural où vivent ces pêcheurs. Par conséquent, jusqu’à 35% des produits de la mer sont avariés ou perdus et ne peuvent être consommés.

Toutefois, à partir de 2013, les choses ont enfin commencé à prendre une autre tournure. Avec l’aide du Projet de développement des communautés côtières, un projet appuyé par le FIDA et cofinancé par le Ministère indonésien des affaires maritimes et de la pêche, les habitants de ces villages ont constitué des groupes d’entreprises, ont amélioré la qualité de leurs captures et ont accédé aux technologies dont ils avaient besoin et à des marchés plus larges, tout en réduisant spectaculairement les pertes de produits alimentaires.

Glace et esprit d'entreprise: développer l’activité, glacière après glacière

Dans un pays équatorial comme l’Indonésie, la glace est une ressource étonnamment précieuse. L’accès à la glace ou, plus exactement, aux outils qui empêchent la glace de fondre faisait cruellement défaut aux Indonésiens ruraux qui souhaitaient conserver leurs captures.

Grâce à l’appui du projet, de nombreuses communautés ont enfin pu profiter des techniques de réfrigération. Le projet a permis d’investir dans des fabriques de glace et dans des chambres froides implantées dans des districts soigneusement choisis, et ces infrastructures ont ensuite été complétées par du petit matériel de transport isotherme. Des pêcheurs aux vendeurs, les travailleurs de l’ensemble de la filière n’ont pas tardé à tirer avantage de ces moyens de conservation considérablement améliorés. Rapidement, le volume quotidien des captures avariées a diminué au profit de la part de produits commercialisable.

Une fois en mesure de transporter leur pêche sur de plus longues distances, les participants au projet ont aussi pu accéder à de nouveaux marchés. Avec l'aide du projet, de nombreuses communautés se sont mises à constituer des groupes d’entreprises et à établir des plans d’activité afin de valoriser davantage le produit de leur pêche.

Comme bien des denrées, le poisson peut être transformé, ce qui en augmente considérablement la valeur. Dans cette optique, l’équipe du projet a appris à plusieurs groupes d’entreprises comment transformer une partie des captures de leur communauté, et leur a fourni, si besoin, les outils et le matériel nécessaires. Des simples produits traditionnels fumés et séchés au soleil à la pâte de poisson, en passant par les en-cas saveur poisson tels que les crackers ou l’abon (miettes de poisson), tout au long de la côte les groupes d’entreprises se sont mis à proposer un large éventail de produits emballés.

Le mérite de cette réussite revient en grande partie aux femmes qui travaillent dans ces entreprises et en assurent le fonctionnement. Auparavant, bon nombre des femmes habitant dans la zone d'intervention dépendaient totalement de leur mari. Elles attendaient qu’il rentre à terre avec sa pêche et ne pouvaient accéder à un emploi rémunéré. Toutefois, les femmes ont rejoint les groupes d’entreprises avec enthousiasme à mesure qu'ils se constituaient; dans ce cadre, elles ont appris les techniques de transformation et ont assumé des responsabilités de direction. Elles disposent à présent d’une source de revenus supplémentaire, et elles ont acquis de nouvelles compétences et noué de nouvelles relations.

Les produits halieutiques emballés présentent plusieurs avantages. Ils attirent la clientèle des marchés de niche, ce qui signifie qu’ils peuvent être vendus avec une marge très importante. Étant donné qu’il est inutile de les réfrigérer, ils sont faciles à transporter et se conservent longtemps. Avec l'aide du projet, les groupes d’entreprises ont pu obtenir des certificats de conformité aux normes internationales relatives à la santé et à la sécurité sanitaire et mettre au point des stratégies d’image de marque et de commercialisation efficaces, ce qui a rendu ces produits compétitifs non seulement à Jakarta, la capitale, mais aussi sur des marchés internationaux aussi éloignés que le Japon. La possibilité de transformer une fraction de la pêche du jour permet de libérer une partie des moyens de stockage réfrigéré et contribue à réduire les pertes de produits alimentaires.

Par ailleurs, bon nombre des autres pratiques adoptées par les participants au projet permettent de réduire encore le gaspillage alimentaire. À titre d’exemple, il a suffi que les pêcheurs de la région accèdent aux technologies de réfrigération pour qu'ils cessent la surpêche, qu’ils pratiquaient délibérément afin de compenser la perte prévisible d’une part importante de leurs captures. Cependant, l’équipe du projet est allée encore plus loin: elle a enseigné aux participants des pratiques de pêche plus durables, ce qui a permis de diminuer le nombre de prises accessoires et de poissons rejetés à la mer. Elle leur a aussi appris à transformer des parties du poisson qui n’étaient généralement pas utilisées, telles que les abats et les arêtes, pour fabriquer des aliments pour animaux, ce qui permet d’éviter tout gaspillage.

Dans le sillage du projet: de nouvelles relations et des améliorations durables

Entre 2013 et 2017, période de son exécution, près de 10 000 foyers vivant dans 180 villages indonésiens ont pris part au Projet de développement des communautés côtières. Grâce aux activités du projet, des dizaines de milliers de personnes ont bénéficié d’une amélioration durable de leurs revenus et de leur santé ainsi que de l’environnement et des liens entre membres des communautés.

Durant cette période, les revenus et les actifs des ménages ont augmenté de 132%. La valeur des produits vendus par chaque foyer s’est appréciée de 30% en moyenne, en grande partie du fait du démarrage d’activités de fabrication de produits transformés. À elle seule, la vente d’en-cas emballés rapporte jusqu’à 5 millions de rupiahs indonésiennes par mois (environ 340 USD) pour les groupes d’entreprises, en particulier ceux dirigés par des femmes. Grâce à l’aide au démarrage apportée dans le cadre du projet, presque tous ces groupes sont désormais en mesure de commercialiser leurs produits assez facilement.

L’augmentation des revenus a également contribué directement au renforcement de la sécurité alimentaire et au recul de la malnutrition. Les pêcheurs de ces communautés ont davantage d’argent, ce qui leur permet d’acheter des aliments plus nutritifs et, grâce à la diminution du volume de produits perdus, ils peuvent garder pour leur consommation une part plus importante de chaque capture. La consommation de poisson a augmenté dans de nombreuses communautés côtières et la malnutrition infantile a reculé de 40%.

Toutefois, le principal facteur de réussite des participants a peut-être été la vigueur de l’esprit de solidarité avec lequel ils ont abordé le projet. Dès les premiers jours, alors que l’équipe de projet commençait à peine à installer les équipements de réfrigération dans les premiers villages, les communautés côtières se sont montrées fermement résolues à mener à bien le projet et à s'entraider. Les participants ont adopté une approche axée sur la demande et ont mené les diverses activités du projet en fonction des principaux besoins de leur communauté. Ils ont maintenu des liens de collaboration et de communication étroits entre eux, notamment à l’aide d’applications mobiles comme WhatsApp, Facebook et Twitter. Ils disent éprouver un fort sentiment d’appropriation et de fierté à l’égard de leur activité et des progrès qu’ils ont accomplis.

Aujourd'hui, ces petites communautés rurales de pêcheurs sont plus connectées que jamais. Élément vital des marchés régionaux et internationaux, elles contribuent à la croissance rapide de l’économie du pays. Leur dur labeur leur apporte à présent la stabilité financière et la qualité de vie qu’il aurait toujours dû leur procurer. Ces communautés sont capables de réussir tout cela en gaspillant bien moins et, à cet égard, elles sont un modèle de réussite sur le plan économique et environnemental qui peut servir d’exemple à d'autres communautés qui leur ressemblent, un peu partout dans le monde.

 

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