Les promesses de l’oliveraie - L’histoire de Fadieh

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Les promesses de l’oliveraie - L’histoire de Fadieh

Temps de lecture estimé: 6 minutes
©FIDA/Giulio Napolitano

Fadieh Almaaya sait le poids de l’eau.

Depuis plus de 10 ans, Fadieh et sa famille cultivent des oliviers sur un petit terrain à Alfayha, un village du gouvernorat de Madaba en Jordanie. Les olives et l’huile d’olive qu’ils vendent constituent une part essentielle du revenu mensuel de la famille, car la pension de son mari, d’un montant mensuel de seulement 360 dinars jordaniens (environ 500 USD), ne leur permet pas de joindre les deux bouts.

Cultiver des oliviers en Jordanie, l’un des pays les plus secs au monde, n’est pas chose facile. Chaque jour, Fadieh, 53 ans, son mari et leurs quatre enfants passent chacun des heures à préparer le sol et à s’occuper des arbres, mais la tâche la plus exigeante est sans doute de veiller à ce que les oliviers aient suffisamment d’eau. Jusqu’à récemment, la famille Almaaya irriguait l’oliveraie avec de l’eau stockée dans de grands réservoirs qu’il fallait remplir manuellement deux fois par semaine. En Jordanie, l’eau est très rare et très chère. La famille dépensait environ 450 dinars (635 USD) par saison uniquement pour l’eau, soit une part importante de ses bénéfices.

De nombreuses personnes sont dans la même situation. La Jordanie compte environ 800 000 ruraux, dont beaucoup dépendent de la production agricole à petite échelle qui constitue une source importante de revenus. Pourtant, il reste difficile de vivre décemment de l’agriculture. Outre la pénurie chronique d’eau, de nombreuses ressources naturelles de la région se dégradent en raison, d’une part, des effets des changements climatiques et, d’autre part, de l’afflux de réfugiés en provenance des zones de conflit voisines. Les rendements agricoles restent faibles, ce qui réduit également le volume des ventes. Bien que l’agriculture soit largement pratiquée, le secteur agricole ne représente encore que 5,6% du PIB de la Jordanie, et les taux de pauvreté atteignent 17% dans certaines régions.

L’action du FIDA en Jordanie vise à accroître la contribution du secteur agricole au PIB national en élargissant les débouchés et en donnant aux populations rurales – en particulier aux femmes et aux jeunes – les moyens de transformer leurs activités agricoles en petites entreprises durables et rentables. Pour atteindre ces objectifs, les programmes menés dans la région visent à renforcer la résilience des petits exploitants face aux effets des changements climatiques et aux autres risques pesant sur leur production, ainsi qu’à faciliter leur accès aux services financiers et aux marchés.

Fadieh met elle-même ses olives en conserve © FIDA/REGEP

Le Projet d’appui à la croissance économique et à l’emploi en milieu rural (également connu sous son acronyme anglais REGEP), appuyé par le FIDA et lancé en 2015, a été le premier de son genre à utiliser cette approche. La collaboration avec la fondation locale Jordan River pour créer des groupes d’épargne et de crédit y a joué un rôle stratégique déterminant. Ces groupes permettent aux membres de bénéficier de services financiers – en particulier de lignes de crédit – qui leur seraient autrement inaccessibles. Les membres profitent également d’un encadrement et d’un appui technique sur une grande variété de sujets : connaissances et gestion financières, élaboration et mise en œuvre de plans d’affaires, amélioration de la qualité des produits, renforcement des compétences en commercialisation ou création de liens avec les marchés locaux et régionaux.

Compte tenu de la rareté de l’eau en Jordanie, le projet visait notamment à aider les petits exploitants à adopter des solutions techniques économes en eau, notamment des systèmes d’irrigation. Grâce à ces technologies, les exploitations agricoles économisent de l’eau et gagnent en efficacité, augmentant ainsi leurs rendements et leurs bénéfices.

En 2019, l’équipe du REGEP a contacté Fadieh et l’a invitée à intégrer un groupe d’épargne et de crédit avec 15 autres femmes. Lorsque l’exploitante a eu l’occasion de solliciter un don, elle a immédiatement saisi cette chance, d’autant qu’elle savait exactement comment utiliser ces fonds. L’équipe du REGEP l’a aidée à élaborer sa demande et, très vite, elle a obtenu un don de 2 124 dinars (environ 3 000 USD). Elle a utilisé cet argent pour installer un système d’irrigation au goutte-à-goutte sur 1,5 dunum (0,15 hectare) de son oliveraie.

Fadieh et sa famille ont immédiatement commencé à économiser du temps, de l’argent et de l’énergie. Le nouveau système d’irrigation est bien plus efficace, les réservoirs d’eau ne sont remplis qu’une fois par semaine au lieu de deux. Leur facture d’eau est en outre réduite, surtout pendant la saison de croissance. Leurs charges sont passées d’environ 450 dinars (635 USD) à 150 dinars (environ 210 USD) par saison.

Dans le même temps, la production agricole de la famille a augmenté grâce non seulement à l’amélioration de l’irrigation et aussi à l’appui technique fourni par la ferme-école qui participe au projet. Avec le soutien du REGEP, Fadieh a reçu une formation grâce à laquelle sa famille a augmenté sa récolte d’olives de 20% et sa production d’huile d’olive de 55%. La saison dernière, elle a produit 352 kilogrammes d’huile d’olive, soit un revenu de 1 870 dinars (2 638 USD).

Elle a également trouvé des débouchés stables à proximité, en vendant sur commande à des écoles, des banques et des transformateurs d’huile dans son village et dans les régions voisines.

« J’ai pu réduire ma consommation d’eau et d’énergie tout en maintenant le niveau d’humidité nécessaire aux plantes », explique-t-elle. « Je me réjouis de pouvoir à la fois augmenter ma production et économiser de l’eau et de l’énergie. »

Fadieh a récemment étendu ses activités à la conservation et au marinage des aliments. Elle avait entendu parler des formations de la ferme-école sur la conservation des aliments suivies par d’autres femmes de la région en vue de développer leur entreprise, et a décidé d’en faire autant. Au terme de la saison de culture de 2019, elle a mis de côté 50 kilogrammes de sa récolte d’olives et les a conservés en utilisant les méthodes qu’elle avait apprises. Peu après, elle a vendu cette partie de la récolte en réalisant un bénéfice de 250 dinars (environ 350 USD). 

Les gains d’efficacité et de production ainsi réalisés ont fait plus qu’augmenter ses bénéfices: ils lui ont permis d’améliorer les conditions de vie de sa famille. Ils ont également renforcé sa confiance en elle.

Cette confiance nouvelle l’a aussi aidée, assurément, à faire face aux contraintes de la pandémie. Fadieh nous raconte que la saison de 2020 a été compliquée en comparaison de celle de 2019. En raison des mesures de lutte contre la COVID-19 mises en place par les autorités jordaniennes, elle n’a pu vendre qu’environ la moitié de sa récolte. Face à cette situation, elle a néanmoins déjà commencé à chercher d’autres moyens de vendre ses produits. Ces derniers mois, elle a exploré les possibilités du commerce en ligne. Elle a créé avec plusieurs femmes de la région un groupe WhatsApp dédié à la commercialisation de leurs produits en conserves. Le groupe a également pour objectif de prospecter d’autres marchés en ligne. Ainsi, même si les difficultés n’ont pas disparu, la détermination de Fadieh et ses collègues participant au REGEP reste intacte.

Découvrez l’action du FIDA en Jordanie.