Mobiliser l'intelligence artificielle: le "Big Data" au service de décisions plus éclairées

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Mobiliser l'intelligence artificielle: le "Big Data" au service de décisions plus éclairées

Temps de lecture estimé: 6 minutes

Le FIDA est la seule institution multilatérale de développement qui s’attache exclusivement à transformer les économies rurales et les systèmes alimentaires pour les rendre plus inclusifs, plus productifs, plus résilients et plus durables. Dans le cadre de notre contribution au  programme du FIDA d’appel à l’innovation baptisé Innovation Challenge, nous avons récemment mené une étude sur les possibilités qu'offre l'intelligence artificielle pour appuyer son action en fondant davantage les décisions sur les données. L'étude portait en particulier sur la manière dont les données scientifiques pouvaient nous aider à renforcer les mécanismes visant à concevoir des projets réussis et à accorder une plus grande priorité aux résultats. Si elle est pleinement mise en œuvre, cette méthode pourrait permettre au FIDA de jouer un rôle moteur pour ce qui est d'évaluer et d'attribuer l'impact des projets de développement dans l'optique de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).

De manière générale, l'intelligence artificielle s’appuie sur l'informatique pour automatiser les processus de prise de décision. L'apprentissage automatique (ou "machine learning"), une des nombreuses applications et approches de l'intelligence artificielle, offre une série de solutions qui permettent aux ordinateurs de détecter des constantes dans les données et d'en tirer des prédictions. Cette modalité novatrice de production de connaissances s'appuie sur le "Big Data" (qu’on traduit en français par le terme de "mégadonnées"): de vastes ensembles de données trop complexes pour être traités à l'aide des méthodes traditionnelles mais qui peuvent être agrégés et analysés par des algorithmes d'apprentissage automatique. 

Afin d'exploiter ce potentiel, une équipe pluridisciplinaire composée d'économistes, de spécialistes de la science des données et de sociologues a récemment utilisé les techniques de l'apprentissage automatique pour extraire des informations de l'ensemble du portefeuille de placements du FIDA, qui comprend des projets mis en œuvre de 1981 à 2019. Les résultats ont été très encourageants.

Le projet avait trois objectifs principaux:

  1. Utiliser l'apprentissage automatique pour obtenir une vue d'ensemble de la répartition et des résultats de nos investissements, par la classification de notre portefeuille historique, qui représente près de 40 ans de projets.
  2. Extraire des éléments d'information sur les effets de certains investissements clés, afin de renforcer et de dynamiser la gestion des savoirs et de mieux évaluer l'impact des projets appuyés par le FIDA dans les zones où peu d'évaluations ont été faites.
  3. Étudier les possibilités de l'analyse prédictive pour concevoir des algorithmes à l'appui du cycle des projets.

Tout d'abord, nous avons recueilli une masse critique de données structurées, telles que des données financières et des données recueillies auprès de ménages dans le cadre d'évaluations de l'impact, et de données non structurées (par exemple, texte extrait des documents de projet). Ensuite, l'équipe a appliqué une approche analytique associant différentes méthodes (exploration de texte, traitement automatique du langage naturel, examens systématiques, méta-analyses et analyses prédictives) pour regrouper les deux types de données et repérer des constantes. 

Par exemple, il ressort de l'exploration de texte de plus de 2 000 documents de projet qu'au fil du temps, une place croissance a été accordée aux thèmes prioritaires du FIDA (changements climatiques, question du genre, jeunesse et nutrition) dans les rapports sur les projets, ce qui montre que les interventions ont été davantage axées sur ces thèmes. En outre, la réalisation d'une exploration de texte concernant des termes clés relatifs aux ODD a montré que les documents de projet contenaient une part croissante d'informations liées aux 17 objectifs et que l'ODD 2 (Faim "zéro") était l'objectif le plus souvent cité.

Par ailleurs, en collaboration avec l'Université Cornell, nous avons utilisé un modèle d'apprentissage automatique de pointe, spécialement conçu pour l'agriculture, afin d'examiner des rapports de projets. Le modèle a mis en évidence les grandes catégories d'intervention par projet, le type d'activités menées dans le cadre de ces interventions et les principaux résultats escomptés. Au total, 2 200 activités différentes ont été répertoriées dans les documents de projet. Les interventions socioéconomiques représentaient 37% de l'ensemble de données, et, au titre de ces interventions, les activités financières et les activités en lien avec les autorités nationales étaient les plus fréquemment citées. Les interventions techniques arrivaient juste derrière (36%) et englobaient principalement des activités relatives à la culture et à l'irrigation.

Enfin, la troisième étape du projet consistait à prendre en compte les éléments d'information obtenus au moyen de l'apprentissage automatique pour concevoir des modèles capables de prédire les résultats et le succès des projets. L'analyse prédictive utilise différentes techniques statistiques issues de l'apprentissage automatique, de l'exploration de données et de la modélisation prédictive pour analyser des données actuelles et historiques, et prédire de futurs résultats ou tendances. L'objectif est d'exploiter les indications générées automatiquement pour orienter les débats et les analyses critiques, plutôt que de les considérer comme un "absolu" applicable à un dispositif décisionnel.

Dans le cas présent, nous nous sommes attachés à élaborer des algorithmes destinés à soutenir les cycles de projets au moyen de prédictions de résultats ex ante et de la probabilité que les politiques de développement entraînent des effets positifs, compte tenu de caractéristiques précises relatives au portefeuille et aux bénéficiaires. À cette fin, l'équipe de projet a conçu deux grands modèles de prédiction. Le premier – un modèle de prédiction au niveau des projets – a été élaboré pour définir les éléments caractérisant une performance de portefeuille satisfaisante, servant à déterminer les projets susceptibles de donner de bons résultats. L'équipe a créé le second – un modèle de prédiction au niveau des ménages – pour guider le ciblage des ménages au niveau de la conception du projet, en déterminant les caractéristiques relatives aux bénéficiaires et aux projets qui favorisent un impact positif.

Jusqu'à présent, le projet d'intelligence artificielle du FIDA a permis d'établir une vue d'ensemble des types d'investissements et des résultats, de lancer deux examens systématiques destinés à répertorier les effets des principales interventions et de concevoir des modèles permettant de prédire la performance future des projets et la probabilité d'obtenir des retombées positives, en fonction de certaines caractéristiques relatives au ciblage et aux projets.

Cette possibilité d'expérimenter des techniques novatrices de gestion des connaissances a été, pour le FIDA, l'occasion d' intégrer celles-ci dans son travail quotidien et de faciliter l'application d'une approche intégrée et fondée sur l'apprentissage automatique en ce qui concerne l'analyse des documents de projet et la prédiction de l'impact. En ayant une vision d'ensemble de notre portefeuille, nous aurons les informations nécessaires pour atteindre notre objectif stratégique, à savoir réaliser des investissements plus importants et mieux ciblés, tout en réduisant leur nombre, le but étant de doubler l'impact et la viabilité de nos projets dans les pays bénéficiaires. Surtout, cette expérience montre que l'apprentissage automatique et les autres solutions d'intelligence artificielle permettent d'utiliser les données existantes pour réfléchir à de nouvelles questions, et d'obtenir les connaissances supplémentaires dont nous avons besoin pour mettre davantage l'accent sur les résultats, renforcer les mécanismes visant à concevoir des projets fructueux, et mieux évaluer et attribuer l'impact des projets. Accroître l'efficacité des investissements permettra de contribuer plus activement à la réalisation des ODD.

Quelles sont les prochaines étapes? Perfectionner les algorithmes et effectuer la validation croisée des modèles et des résultats avec des ensembles différents de mégadonnées. Restez connectés!

 

Consulter le rapport ici.

Pour plus d'information, veuillez contacter la responsable du projet, Alessandra Garbero, Économiste principale de la Division recherche et évaluation de l'impact (RIA).