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Programme de redressement agricole I - Projet Oasis (1992)

30 April 1992

Résumé du rapport d'évaluation intermédiaire

La zone du projet comprend un vaste espace constitué par 5 régions (wilayas) sur les 12 que compte le pays. Les oasis, environ 350, sont éparpillées, éloignées des principaux centres urbains, à l'écart des voies de communication et souvent inaccessibles. La mise en valeur des oasis est inégale selon les régions. Elle est relativement intense dans l'Adrar et le nord Tagant et encore timide dans l'Assaba et les deux Hodhs. La production oasienne (dattes, céréales, légumineuses) représenterait 30% de la production agricole du pays, occupant plus de 10.000 familles et contribuant ainsi à la subsistance d'une population évaluée à 230.000 personnes. Plusieurs années de sécheresse, dans les années 70, ont décimé le bétail, accru de façon dramatique l'exode rural et profondément perturbé le système oasien du fait de l'abaissement des nappes phréatiques. Les oasis ont été l'objet d'un regain d'intérêt de la part des populations nomades affectées par la perte du cheptel.

Conception et objectifs du projet

Groupe cible

Le groupe cible du projet est constitué par les populations oasiennes (230.000 personnes, près de 11.000 exploitations). Cette population est essentiellement constituée d'éleveurs nomades ayant perdu leur cheptel, de petits agriculteurs et de paysans sans terre.

Objectifs et composantes

Le projet a pour objectif principal la réhabilitation du secteur agricole après la longue sécheresse des années soixante dix.

Ses objectifs spécifiques sont:

  • l'accroissement de la production agricole, production de dattes, de henné et de légumes;
  • la lutte contre la désertification en arrêtant la dégradation des ressources dans les oasis;
  • l'amélioration des conditions de vie des populations et l'appui à la sédentarisation des nomades;
  • le renforçement des institutions qui fournissent des services aux exploitants et qui interviennent dans la prise de décision et la planification (FND et service du MDR).

Les principales composantes du projet sont:

  • des investissements à l'exploitation: fourniture à crédit de produits (ciment, fer, tuyaux PVC) pour le creusement de 3.100 puits et leur équipement de 710 motopompes et de système d'exhaure à traction animale.
  • la protection des oasis: fourniture à crédit de 200 km de grillage en vue de la protection de 1.660 ha d'oasis, protection de 16 oasis contre l'ensablement par la stabilisation des dunes et leur fixation biologique par la plantation de 1.200 ha d'espèces forestières;
  • la fourniture d'intrants aux exploitations: placement au comptant ou à crédit de semences, engrais, produits phytosanitaires;
  • la commercialisation: fourniture à crédit à des coopératives de 2 chambres froides et 4 camionettes pick-up;
  • le renforcement des institutions par le financement de constructions, d'équipements, de moyens de transport et de frais de fontionnement;
  • la formation et l'équipement d'artisans puisatiers et la formation d'agriculteurs;
  • une assistance technique sous forme de 200 mois/homme d'expert et 18 mois/homme de techniciens;
  • la réalisation d'études et d'expérimentations intéressant le développement oasien.

L'exécution des diverses composantes devait être confiée aux organismes existants (FND, DA, DPN, DH) dont la coordination devait être assurée par l'unité de gestion du projet. Le FND, à travers la Direction du crédit agricole, devait gérer le crédit agricole et l'approvisionnement en intrants, la DPN exécuter le volet protection contre l'ensablement, la DH le suivi des nappes et la DA tout ce qui se rapporte au développement agricole (études, essais, expérimentation, formation, vulgarisation, protection phytosanitaire). Un comité consultatif présidé par le Secrétaire général du MDR devait superviser l'exécution du projet.

Effets attendus et hypothèses

Les bénéficiaires du projet étaient estimés à environ 4.000 familles dont les revenus devaient augmenter entre 130 % et 240 % grâce à une production additionnelle de 3.300 t de dattes, 7.260 t de fourrages, 64 t de céréales, 30 t de légumineuses et 1.000 t de légumes. Les autres bénéfices du projet portaient sur l'amélioration des performances des institutions participant à la mise en oeuvre du projet.

L'hypothèse à la base du projet était que la mobilisation des populations permettrait de mieux tirer profit des ressources que renferment les oasis et qui sont notoirement sous-exploitées.

Évaluation

Evolution du contexte en cours d'exécution

L'exécution du projet s'est déroulée dans une conjoncture particulière marquée essentiellement par:

  • des ajustements structurels au niveau macro-économique;
  • une relative amélioration des conditions climatiques par rapport à la sécheresse qui a sévi dans le pays depuis le début des années 70;
  • l'invasion acridienne de 1987, 1988 et 1989;
  • le conflit entre la Mauritanie et le Sénégal en avril 1989;
  • la crise du golfe en 1990-91.

Réalisations du projet

Ont été fournis des crédits pour le creusement de 2.212 puits soit 105 millions d'UM, des crédit pour 662 motopompes soit 25 millions d'UM, des crédits pour 340 km de grillages. Le nombre de crédits consentis n'est pas forcément égal à celui du nombre de puits effectivement creusés ou de motopompes effectivement acquises.

Les quantités d'intrants agricoles cédées aux agriculteurs ont été très limitées (2,3 millions d'UM).

La protection contre l'ensablement à concerné 32 oasis. Cela a été permis par l'aide alimentaire du PAM (175,75 millions d'UM). Le succès de cette opération est attesté entre autre par une demande croissante des populations.

La protection phytosanitaire est restée rudimentaire: lutte chimique avec utilisation de soufre sur les palmiers et lutte biologique par le lacher de 800 coccinelles.

Ont été formés: 115 puisatiers qui n'ont pas reçu de crédit d'équipement, 1164 agriculteurs qui n'ont pas été suivis par la suite, 47 agents d'encadrement, 140 femmes (conservation et stockage des légumes, techniques culinaires).

La vulgarisation a consisté en la formation de 26 associations féminines et l'implantation de 56 parcelles de démonstration pour les cultures sous palmiers.

Le suivi des nappes s'est limité à la préparation de l'installation de 125 points de mesures répartis sur 95 oasis et à l'inventaire des points d'eau dans les oasis de la zone d'intervention du projet.

L'appui aux institutions a porté sur des investissements (construction, acquisition de véhicules et d'équipement de bureau) et sur le financement de frais de fonctionnement de la Cellule de Coordination et des organismes d'intervention.

Il n'y a eu ni étude ni expérimentation. Aucune réalisation dans le domaine de l'exhaure animale.

L'unité de suivi évaluation (USE) a effectué 5 missions sur le terrain et a participé à l'évaluation à mi parcours. Dans un cas comme dans l'autre les résultats pourtant pertinents n'ont pas été pris en compte par la CC.

Appréciation des effets du projet et de leur pérennité

Il n'existe pas de données qui permettent d'évaluer l'impact du projet. Cependant un accroissement de la production de dattes et de la production maraichère est perceptible. L'impact économique peut aussi être apprécié à travers le regain d'intérêt pour les oasis et pour les transactions sur la terre et les palmiers.

Socialement, le développement des oasis parait avoir permis d'améliorer les conditions de vie de groupes sociaux autrefois dominés. Le dynamisme des groupements précoopératifs est prometteur.

Effets sur les revenus et les conditions de vie des femmes: le regain d'intérêt pour les oasis a eu pour effet d'accroitre la participation des femmes aux activités de production et de protection des oasis. Cette participation plus grande a renforcé le rôle des femmes comme agents de développement. On ignore cependant dans quelle mesure ce surcroit d'activité a permis aux femmes un meilleur accès aux résultats.

Effets sur l'environnement et sur la base de ressource: les travaux de lutte contre l'ensablement et la protection de 32 oasis ont eu un impact écologique positif sur le milieu naturel. L'utilisation importante des motopompes présente un risque d'abaissement de la nappe.

Appréciation de la durabilité du projet: sur le plan institutionnel, l'impact du projet est décevant. La DCA, le CAT et le centre de formation de Sani n'apparaissent pas viables (voir para 29).

Principaux problèmes rencontrés

Une faible prise en compte des besoins des bénéficiaires et des livraisons de matériels inadaptés

Les motopompes fournies, de qualité médiocre ne sont pas adaptées aux conditions difficiles de cette région: oasis dispersés et d'accès difficile, température élevée, vents de sables fréquents, milieu très sec et poussiéreux, etc.. De plus, ce matériel est livré sans formation préalable des utilisateurs. L'entretien est donc très mal assuré, les pannes fréquentes et l'usure du matériel prématurée. Les mailles du grillage livré étaient souvent trop larges et le nombre de piquets insuffisant. Les "paquets" de produits fournis (ciment, fer, tuyaux PVC) se sont avéré inadaptés aux besoins. l'approvisionnement en intrants n'a pas bénéficié d'une vulgarisation préalable et n'a pas tenu compte des besoins des utilisateurs ; les trois quarts des produits acquis par la DCA en 1990 seraient encore en stock.

Les actions de développement agricole (vulgarisation, formation, protection phytosanitaire) n'ont pas bénéficié d'une conception d'ensemble. Elles auraient pâti d'une certaine improvisation, de l'imprécision des objectifs et des messages techniques, de la faible qualification du personnel et de l'ignorance des systèmes de production oasiens. Leur impact est très modeste;

27. Un taux de recouvrement des crédits très faible: 26%

Plusieurs explications peuvent être avancées:

  • l'UBD n'assume aucun risque. Elle n'est pas incitée à recouvrer les crédits oasis;
  • les agences régionales ne sont pas convenablement outillées pour le recouvrement (personnel, matériel, formation);
  • la dispertion des oasis, les difficultés d'accès, la concentration des recouvrements durant une période très courte rendent à la fois difficiles et couteuses les campagnes de recouvrement;
  • l'altération de l'image de l'UDB et de sa crédiblité à partir 1988/89 et l'assimilation par certains bénéficiaires du crédit à un don;
  • la mauvaise qualité de certains matériaux fournis, des coûts parfois très élevés et des délais de livraison parfois trop longs ont découragé beaucoup de gens.

Les faibles performances des institutions

La cellule de coordination (CC) s'est heurtée à de grandes difficultés pour maîtriser la gestion et la comptabilité du projet. Elle n'est pas parvenue à assurer correctement la coordination entre les intervenants ni à inscrire dans l'action de ceux-ci la préoccupation d'exécution des actions du projet comme un tout cohérent. Les efforts faits pour instaurer un système de suivi-évaluation sont méritoires mais se sont avérés insuffisants. La CC n'a pas été à même d'utiliser les résultats du suivi et de l'évaluation à mi-parcours pour améliorer la gestion et la connaissance du groupe cible. Les structures créées au sein de la Direction de l'agriculture (DA) destinées au développement oasien, (le Centre d'appui technique CAT et le Centre de formation de Sani) ne paraissent pas viables.

Les espoirs mis dans la création de la Direction du crédit agricole (DCA) comme instrument de gestion et de développement du crédit agricole pour les oasis et pour l'ensemble du pays ont été déçus. Malgré les efforts d'équipement et de fonctionnement consentis depuis 6 ans (197 millions d'UM), la DCA n'est toujours pas viable. Ses frais de fonctionnement (162 millions d'UM) sont disproportionnés par rapport à ses performances (234 millions d'encours). Elle a pâti de la faible qualification de son personnel, de son absence d'autonomie au sein du FND puis de l'UBD et des problèmes de trésorerie et autres qu'affronte cette dernière institution. La DCA n'a pas été en mesure enfin d'adopter et de mettre en pratique une organisation appropriée et, notamment une structure comptable conforme aux exigences d'une saine gestion administrative et financière. Tout cela pourrait expliquer,dans une certaine mesure, les performances médiocres du recouvrement du crédit.

Les réalisations financières font apparaître un coût institutionnel élevé avec 54% du total déboursé dont 16% pour les investissements et 38% pour le fonctionnement (personnel,carburant et pièces détachées); les investissements pouvant être considérés comme productifs (développement agricole) représenteraient 39% dont seulement 17% seraient directement destinés aux populations oasiennes.

Recommandations et leçons à tirer

Il est recommandé que des actions futures soient orientées vers l'organisation des populations oasiennes de manière à ce que chaque oasis d'intervention puisse être représentée par une structure qui serait l'interlocuteur du projet pour le développement de l'oasis comme unité de référence pour la conception et la mise en oeuvre des actions de développement. C'est à travers la création de ces structures, leur fonctionnement et avec leur collaboration que devrait être entreprise de façon systématique l'étude du milieu oasien.

L'intervention du projet se ferait sur une base contractuelle où tout apport de celui-ci serait conditionné par une contrepartie des oasiens qui, avec l'assistance du projet, définiraient leurs besoins, programmeraient dans le temps leurs actions et les modalités de leur réalisation (dans le domaine du développement agricole mais aussi dans ceux de la santé, de l'éducation et des services).

Les actions de développement seraient conçues oasis par oasis de manière cohérente. L'efficience de certaines actions comme par exemple, la protection phytosanitaire en serait accrue. Si une plus grande initiative de proposition, d'organisation et d'action est laissée aux populations oasiennes et à leurs organisations, l'exécution du projet devrait se faire selon "l'approche programme" susceptible de mieux tenir compte des contraintes et des réalités locales mais aussi, de mieux capter les initiatives locales. Cette approche permettra ainsi de mieux tenir compte des diverses vocations régionales (agricoles dans l'Adrar, pastorales et agricoles dans l'Assaba et les deux Hodhs).

Comme il est apparu que les formes classiques de crédit agricole ne sont pas adaptées aux conditions oasiennes, d'autres formes de collecte et de mobilisation des ressources seraient à explorer. Le projet pourrait par exemple, consentir un fonds de roulement à chacune des oasis d'intervention à charge pour celle-ci de mobiliser les ressources existantes dans l'oasis et de réalimenter le fonds,dans le cadre d'un programme annuel de développement de l'oasis.

D'une manière générale, un plus grand travail d'adaptation des techniques à proposer aux oasiens est nécessaire aussi bien pour l'exhaure à traction animale, la protection phytosanitaire, l'utilisation des motopompes que pour l'économie de l'eau ou les techniques culturales. Ce travail d'adaptation devra permettre de renforcer l'autonomie des oasiens, réduire leur dépendance à l'égard des services extérieurs (éloignés, incertains et coûteux) et de mieux valoriser les compétences locales.

La viabilité à long terme du développement oasien dépendra de la capacité des populations à gérer, mettre en valeur et sauvegarder leurs ressources de manière relativement autonome. L'intervention des services publics dans ce domaine devrait être prudente et limitée dans le temps. C'est ainsi, par exemple, que le suivi des nappes devrait être assuré par les oasiens qui l'intégreront progressivement à leurs préoccupations.

Pour le FIDA, deux leçons de portée générale peuvent être tirées de cette évaluation. La première concerne la démarche de programmation et d'intervention à adopter vis-à-vis des communautés bénéficiaires. Dans les projets à composantes multiples exécutés par des institutions différentes et comportant des actions d'aménagement de terroirs, le développement de services collectifs et du crédit, il y a souvent de gros risques d'interventions non coordonées et parfois contradictoires des différents partenaires institutionnels. Seule une démarche de programmation participative et contractuelle au niveau local permet d'éviter ces inconvénients. C'est pourquoi il est nécessaire d'identifier au niveau de chaque communauté des interlocuteurs représentatifs (désignés par les villageois), d'élaborer avec eux des programmes d'activité intégrés et cohérents au niveau local (pour l'ensemble des composantes du projet), d'exécuter ces actions sur la base d'un contrat passé entre la communauté (ou le groupement) et le projet. Ces programmes d'activités localisés et ces contrats doivent constituer la base du processus de programmation annuel et trimestriel du projet et de l'ensemble de ses partenaires institutionels.

La deuxième leçon, déjà bien connue du FIDA, est relative au mode de financement des investissements et de la production dans les régions enclavées et trés peu développées. Dans de telles région le "tout à crédit" est une solution trés risquée qui peut compromettre par son échec la viabilité de l'ensemble du processus de développement engagé par le projet. La politique d'allocation de crédits devrait être beaucoup plus prudente, se limiter aux activités dont la rentabilité financière et la sécurité sont clairement établies et à la condition préalable qu'un service bancaire opérationnel et efficace soit mis en place. Des taux d'impayés de l'ordre de 75%, comme ceux qu'a connu le projet oasis ne compromettent pas seulement la survie du service de crédit instauré par le projet, mais tout développement futur du marché financier rural dans la région.

 

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