Opinions & Idées | 16 mai 2024

6 façons dont le FIDA aide à prévenir la prochaine pandémie

Temps de lecture estimé: 7 minutes

Par Anne Mottet, Abdoulaye Gonde, Charles Odhong'

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La COVID-19 a mis brutalement en évidence l’impact que les pandémies peuvent avoir sur chaque aspect de notre vie, de la santé à l’économie. Depuis, les investissements dans la prévention de futures pandémies se sont accrus, mais nous pouvons toujours aller plus loin.

L’approche «Une seule santé» est essentielle pour que ces efforts portent leurs fruits. Elle rappelle que la santé humaine est étroitement liée à la santé animale, mais aussi à celle des écosystèmes. À mesure que la population mondiale s’accroît et que la crise climatique s’aggrave, ces liens sont de plus en plus marqués.

60% des maladies infectieuses sont d’origine animale, et 70% d’entre elles proviennent d’espèces sauvages, comme la dengue et la maladie de Lyme. Les 30% restants trouvent leur source dans les animaux d’élevage ou domestiques. Il est donc fort probable que la prochaine pandémie sera de nouveau transmise à l’humanité par des espèces sauvages ou domestiquées. Et l’activité humaine ne fait qu’accroître cette probabilité.

Les changements climatiques, par exemple, augmentent le nombre de tiques et de moustiques dans les zones où l’on retrouve ces vecteurs de maladies. Il ne s’agit là que de l’un des processus environnementaux à grande échelle qui ont un impact considérable à la fois sur la santé animale et humaine.

En parallèle, alors que les systèmes alimentaires évoluent pour faire face à une demande en pleine croissance, les écosystèmes peuvent subir des dégradations involontaires, ce qui peut entraîner une hausse des risques de maladies infectieuses. Par exemple, l’expansion des champs de riz irrigués dans les pays à revenu faible et intermédiaire crée de nouveaux habitats pour les moustiques porteurs de paludisme. De même, l’expansion de la production animale améliore la nutrition mais augmente aussi le risque de transmission d’infections entre animaux et êtres humains, comme la tuberculose, transmise par le bétail.

Compte tenu des connexions complexes entre santé des animaux, santé des personnes et santé de la planète, comment nous préparer à la prochaine pandémie? Voici six façons dont les investissements du FIDA y contribuent:

1. Réduire les risques pour la santé animale

Depuis 2010, le FIDA a investi 6,4 milliards d’USD dans plus de 100 projets d’élevage. Bon nombre de ces projets visent à maintenir la santé des animaux, par exemple en proposant des vaccinations et des services vétérinaires, et protègent ainsi la santé des personnes qui travaillent avec ces animaux.

Au Kirghizistan, par exemple, les vétérinaires à moto soignent les animaux dans les zones rurales isolées, et l’octroi de bourses multiplie le nombre de vétérinaires et d’autres agents de santé animale.

En Tanzanie, les agents de santé animale se sont substitués aux services publics manquants dans les communautés rurales, contribuant ainsi à une hausse de 69% des revenus issus de l’élevage des participants au projet.

Et en Afghanistan, le Programme d’appui à la microfinance rurale et au secteur de l’élevage a donné accès à des services de santé animale à 235 000 propriétaires de bétail, divisant ainsi par deux le taux de mortalité des animaux.

Dr Maksat Usupbaeva, vétérinaire itinérante au Kirghizistan, rend visite à un agriculteur © LMDP

 

2. Renforcer les systèmes de prévention et de réponse aux maladies

Une surveillance et un diagnostic rigoureux peuvent aider à identifier rapidement les maladies avant qu’elles ne se propagent dans les troupeaux. Des plans d’urgence assurent par ailleurs une réaction immédiate si une maladie se déclare.

Ces systèmes de prévention et de réponse sont particulièrement importants pour les maladies animales transfrontalières comme la peste des petits ruminants, de même que pour les maladies qui peuvent se transmettre aux humains. Mais ils nécessitent des investissements dans les laboratoires, dans les équipements et dans le développement des capacités.

Au Rwanda, le Programme de partenariat en faveur de marchés du petit élevage résilients et inclusifs a répondu à ce besoin en construisant 15 laboratoires vétérinaires de proximité. Il élabore en parallèle un plan d’urgence accompagné d’exercices de simulation et d’un fonds spécifique pouvant être déclenché pendant une crise sanitaire.

3. Prévenir la résistance aux antimicrobiens et aux antiparasitaires

La santé animale et la santé humaine souffrent de la résistance aux médicaments que développent les bactéries et les parasites. Par exemple, la mauvaise utilisation d’acaricides sur le bétail peut rendre les tiques plus résistantes et entraîner des infections, comme la theilériose chez les animaux et la maladie de Lyme chez les humains.

Pour éviter cela, nous devons informer les agriculteurs sur l’utilisation appropriée des antimicrobiens et des insecticides, et devons mettre en place des systèmes de suivi et une coordination entre eux et les autorités sanitaires.

En Tanzanie, le Projet de transformation climato-compatible de la filière laitière formera et équipera plus de 200 agents de santé animale au renforcement du suivi et de la prévention de la résistance microbienne et parasitique.

4. Protéger les écosystèmes pour empêcher les pandémies

À mesure de la destruction de leurs habitats, les vecteurs de maladie comme les chauves-souris et les rongeurs sont forcés de vivre plus près des ménages ruraux. C’est pourquoi la protection de la biodiversité limite l’exposition des personnes aux maladies. Depuis 2010, le FIDA a financé près de 200 projets sur la gestion des ressources naturelles, dont un sur cinq comprenait des activités relatives à l’élevage.

Par exemple, au Brésil, le Projet de gestion durable de l’Amazonie aide les personnes rurales à adopter des pratiques de gestion durable des forêts. Cela entraîne non seulement une meilleure productivité, mais protège également la biodiversité et les services écosystémiques essentiels.

Au Lesotho, le Projet d’appui à la production de laine et de mohair a formé plus de 8 000 membres de groupes communautaires à la gestion des ressources naturelles, à la gestion des risques climatiques et à la conception de plans de gestion environnementale.

5. Lutter contre les facteurs sociaux des risques de pandémie et y apporter des réponses

Les maladies liées à l’alimentation sont responsables de 400 000 morts chaque année, dont un tiers sont dues à des aliments de source animale. Bon nombre de projets du FIDA comprennent des formations à la nutrition et à la sécurité sanitaire des aliments pour éviter les contaminations, par exemple en améliorant les techniques de stockage et de préparation des aliments.

Grâce à l’installation de cuves de refroidissement dans 89 villages de la Türkiye, les petits producteurs et productrices agricoles ont désormais une solution fiable pour conserver leur lait au frais. Le lait non pasteurisé est désormais analysé et stocké correctement avant d’être vendu, protégeant ainsi son goût et sa sécurité sanitaire, et producteurs et productrices gagnent de meilleurs revenus grâce à leur lait de qualité.

Les projets du FIDA luttent également contre les obstacles à l’utilisation des meilleures pratiques en matière de santé animale, par exemple dans le cadre du Projet de transformation climato-compatible de la filière laitière en Tanzanie.

Des producteurs laitiers en Türkiye versent du lait dans l’une de leurs toutes nouvelles citernes de stockage réfrigérées. © Yelda Yenal

 

6. Financer les approches « Une seule santé »

Plus important que tout, nous devons nous rappeler que les animaux, les humains et tous les êtres vivants partagent un seul et même foyer, et que leur état de santé à tous est intrinsèquement relié. L’investissement dans une approche « Une seule santé » est la meilleure façon de tous les protéger et donc d’empêcher les pandémies futures.

Cette approche globale appelle des mesures systémiques et coordonnées, plutôt que de mobiliser uniquement des fonds dans des domaines spécifiques liés au risque de pandémie et à la réponse à y apporter. Les gouvernements, les ONG, les organisations de financement du développement et le secteur privé doivent tous jouer leur rôle pour en assurer l’efficacité.

En tant qu’assembleur de financements, le FIDA appuie cet investissement coordonné, par exemple en accréditant le Fonds de lutte contre les pandémies. Des événements conjoints comme l’atelier de lancement sur écosystèmes, financement et santé, organisé l’année dernière au Kenya, auquel ont participé 40 spécialistes issus des mondes scientifique et financier, de la sphère publique, d’ONG et de communautés rurales, appuient davantage cette action collective.

Nous avons tous une seule et même planète en commun, mais aussi une seule et même santé. Pour éviter la prochaine pandémie, il est temps d’agir en conséquence.

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