Opinions & Idées | 24 octobre 2024

L’Afghanistan montre comment les périodes de crise peuvent susciter de véritables changements

Temps de lecture estimé: 4 minutes

Par Jerry E. Pacturan

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Le village isolé de Gularam se situe dans les contreforts de l’imposante chaîne de montagnes Hindou Kouch, en Afghanistan. Pour y parvenir depuis la grande ville la plus proche, Laghman, il faut parcourir 15 kilomètres de routes accidentées.

Les 1 500 personnes qui vivent à Gularam dépendent de 20 000 têtes de bétail, à la fois pour se nourrir et pour gagner leur vie dans cet endroit isolé et difficile d’accès. Leurs céréales sont en grande partie importées.

Mais lorsqu’un village tout entier dépend d’une seule et même source pour sa survie, ses habitants sont particulièrement exposés en cas de crise. Et c’est exactement ce qui s’est passé avec l’envolée des prix alimentaires due à la guerre en Ukraine.

Une aide lorsque survient la crise

L’Initiative de riposte à la crise du FIDA vise à résoudre ce problème. Créée en réponse à une série de crises simultanées, l’Initiative fournit un appui supplémentaire aux populations rurales dans 16 des pays les plus vulnérables du monde. Grâce à elle, le FIDA peut poursuivre son travail de développement transformateur à long terme tout en répondant aux besoins immédiats engendrés par les chocs.

Lorsque je me suis rendu en Afghanistan il y a peu, j’ai vu comment ce soutien permettait aux populations rurales d’améliorer leur sécurité alimentaire, en dépit de l’effet domino de la crise en Ukraine et de la pandémie de COVID-19. Ici, l’Initiative a protégé les actifs (comme le bétail), organisé des formations, amélioré la production, facilité l’accès aux marchés et fourni des financements à plus de 165 000 ménages.

Des vétérinaires sur le terrain

Grâce aux projets appuyés par l’Initiative de riposte à la crise, les agriculteurs locaux de Gulnaram n’ont plus besoin d’entreprendre le voyage coûteux et périlleux jusqu’à Laghman lorsque leurs animaux tombent malades. Ils peuvent désormais se rendre dans l’une des 40 unités vétérinaires de terrain qui ont récemment vu le jour.

Ces unités sont créées et gérées par des paravétérinaires communautaires, qui sont formés à la vaccination, à la vermifugation et à d’autres services vétérinaires. Ils reçoivent par ailleurs un ensemble de fournitures vétérinaires de base, un réfrigérateur à énergie solaire et une moto. Ils ont alors tout ce dont ils ont besoin pour créer leur propre unité vétérinaire de terrain dans un lieu facilement accessible depuis plusieurs villages.  

Depuis la création d’une unité de ce type à Gularam, le taux de mortalité animale y a drastiquement baissé, passant de 14% à seulement 6%. Pour la première fois de leur vie, les villageois ont désormais un paravétérinaire capable de prodiguer des soins accessibles, y compris financièrement, à leurs animaux.

Réunion avec les membres de la communauté et les anciens à Gularam. © FIDA/Dutch Committee for Afghanistan

Plus de lait, plus d’argent

Par ailleurs, les agriculteurs locaux ont désormais accès à des aliments de meilleure qualité pour leurs animaux, grâce à des banques communautaires d’aliments pour animaux fondées grâce aux fonds de l’Initiative de riposte à la crise. Celles-ci sont gérées par la communauté, à qui elles appartiennent, ce qui a des retombées positives. Non seulement les animaux sont en meilleure santé, mais la production de lait s’est aussi accrue. Cela signifie que les agriculteurs ont plus de lait à vendre et duquel tirer un revenu. 

Outre l’agriculture, l’Initiative de riposte à la crise crée aussi des opportunités pour les entreprises rurales. Abobakar a combiné les fonds de l’Initiative avec ses propres économies pour fonder une usine de transformation du lait et transformer ainsi les excédents en yaourt. J’ai goûté à ses produits, et c’est délicieux!

Son usine peut produire 500 litres de yaourt par heure. Le yaourt se conserve plus longtemps que le lait, et la transformation permet ainsi de ne pas en gaspiller une seule goutte. Les éleveurs locaux sont par ailleurs désormais formés à la production de lait de qualité, et Abobakar peut donc vendre les produits les plus savoureux à sa clientèle.

À l’avenir, il est prévu de créer un guichet unique pour l’unité vétérinaire de terrain, la banque communautaire d’aliments pour animaux et l’usine de transformation du lait, afin que les éleveurs puissent accéder plus facilement à ces trois services vitaux.

Qui plus est, un nouveau centre de collecte du lait, élément essentiel de la chaîne de valeur des produits laitiers, met en lien les éleveurs et les producteurs de lait pour garantir la collecte, l’agrégation et la transformation d’un lait frais de qualité.

Administration de vaccins et de vermifuges à une chèvre, province de Kaboul, Afghanistan © FIDA/Dutch Committee for Afghanistan

Des réponses à court terme pour des progrès à long terme

Selon une étude récente du FIDA, 9 personnes sur 10 en Afghanistan estiment que l’Initiative de riposte à la crise les a aidées à faire face à la crise ukrainienne, et 7 personnes sur 10 ont remarqué une hausse de leur production. Cela montre que l’Initiative a non seulement protégé, mais aussi amélioré, leur production agricole.

Gularam en est la preuve, l’Initiative ne se contente pas de satisfaire aux besoins immédiats engendrés par les crises. Au contraire, les réponses à court terme peuvent avoir des impacts positifs qui s’inscrivent dans le temps.

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