Opinions & Idées | 4 février 2025

Sabrina Elba, la résilience rurale et son engagement auprès du FIDA

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Ce texte est extrait d'un entretien réalisé avec Sabrina Elba, Ambassadrice de bonne volonté auprès du FIDA, dans le cadre de la série consacrée aux ambassadeurs et ambassadrices de bonne volonté (Goodwill Ambassador Series), coanimée par Adil Cader (Talking Foreign Affairs) et l'Association pour les Nations Unies du réseau Australia Young Professionals (UNAA YPN). Cette série a pour but de faire connaître les causes mondiales en faveur desquelles les ambassadeurs et ambassadrices de bonne volonté sont engagés dans le cadre des objectifs de développement durable, et d'inciter les jeunes à s’approprier les questions internationales.

Pourquoi avez-vous décidé de devenir ambassadrice de bonne volonté auprès du FIDA?

D'origine somalienne, je fais partie de la première génération de ma famille à avoir grandi au Canada. Ma mère était une femme fière pour qui nous a toujours appris à nous méfier des stéréotypes autour des personnes rurales, et en particulier autour des personnes rurales d'Afrique. À la télévision, les ruraux étaient très souvent représentés sous un angle peu flatteur. Ils n'étaient pas dépeints comme des personnes qui travaillaient dur, ce qui est le cas. Il était plutôt suggéré qu'ils attendaient des subventions.

Quand j'ai découvert le travail du FIDA et la manière dont celui-ci s'efforçait de donner aux populations rurales voix au chapitre et de les guider vers l'indépendance économique, j'ai pensé: c'est exactement ce qu'il faut faire. L'investissement est la clé de tout.

Les gens veulent travailler et pouvoir subvenir à leurs propres besoins. C’est la fameuse formule: « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour, mais si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie ». J'aime l'idée d'une agriculture pourvoyeuse d'indépendance et de liberté. Quand on y réfléchit, c'est l’évidence même. Par ailleurs, le FIDA touche à des thématiques qui me tiennent à cœur, comme l'égalité de genre ou les questions climatiques.

Avec des femmes rurales touchées par les changements climatiques à Motabas en Égypte. © FIDA/Aly Hazza © FIDA/Aly Hazza

Quelles sont, selon vous, les problématiques les plus pressantes des petits producteurs et productrices des zones rurales?

Pour moi, aujourd'hui, il s'agit du climat. Sans aucun doute. Je me suis rendue en Zambie en début d'année. Alors que nous roulions en voiture, j'ai constaté que certaines cultures étaient complètement brûlées. J'ai demandé au chauffeur: « Oh, il y a eu un incendie? ». Il a répondu: « Non, c'est simplement qu'il n'a pas plu cette année ».

Aujourd'hui, les pays du Sud sont frappés de plein fouet par les changements climatiques et des organisations comme le FIDA aident les agriculteurs et agricultrices à s'adapter à ces bouleversements grâce des techniques telles que les semences résilientes. L'adaptation devrait être aussi importante que l'atténuation mais je pense qu'elle est souvent négligée. C’est pourtant là l'un des plus grands obstacles et défis auxquels se heurtent les populations rurales.

Il y a peu, en tant qu'ambassadrice de bonne volonté, vous avez visité des villages ruraux au Kenya. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos impressions?

Les visites de terrain que j'ai pu effectuer ont eu une incidence considérable sur ma vie. Elles l'ont même changée. Tout d'abord, j'ai énormément appris. Mais le fait de rencontrer les populations vous touche différemment.

C'était un honneur de rencontrer des personnes comme Dionisia, une femme remarquable qui travaille comme prévisionniste météo. Avec sa mallette et ses outils de mesure, elle communiquait chaque jour des données météorologiques aux personnes compétentes. Elle prenait sa mission très au sérieux car elle savait combien de personnes dépendait de son travail.

Je me suis notamment rendue dans le village de Njukiri, où les agriculteurs et agricultrices locaux entretiennent une forêt de jeunes arbres, bâtissant ainsi une relation qui bénéficie à tous puisque les arbres créent de l'ombre pour les cultures. J'ai également eu le privilège de voir une barrière de protection des espèces sauvages et d'en apprendre davantage sur le lien entre les ruraux et les animaux dans cette région.

À chacun de mes voyages, je me rends compte que ces questions sont autrement plus complexes qu'on ne l'imagine. Tout est lié et le fait de pouvoir recueillir le témoignage direct des ruraux – sur les obstacles et les embûches qu'ils rencontrent – non seulement me permet de m'informer mais permet également au FIDA de constamment disposer d'informations.

Les paysans sont véritablement les gardiens de notre planète. En plus de maîtriser des questions comme la biodiversité d'une région donnée, ils comprennent, plus que quiconque, ce qui manque à cette région pour être prospère, tant sur le plan humain qu'environnemental.

Avec Dionisia dans le comté d'Embu, au Kenya © FIDA/Muchura Mwangi

Quelles sont les qualités d'une bonne ambassadrice de bonne volonté?

Il faut savoir relayer comme il se doit la voix de celles et ceux que nous représentons et qui ne peuvent être avec nous. Il faut toujours s'imaginer qu'ils sont dans la même pièce que nous, à la même table que nous. C'est ce qui compte le plus.

Être ambassadrice, c'est prendre la parole, sensibiliser et, surtout, maîtriser ces questions dont nous parlons constamment. Si chaque jour, je sensibilise ne serait-ce qu'une personne à ce sujet dont elle ignorait tout, ou que je la fais changer d'avis sur cette question, alors j'ai rempli ma principale mission.

En tant qu’ambassadrice, j’espère avoir contribué à ce que davantage de personnes connaissent le FIDA et son action. Le FIDA est l'un des secrets les mieux gardés au monde.

Cet entretien a été partiellement adapté pour plus de concision et de clarté.

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