5 investissements pour nourrir le monde
Investir dans l'agriculture à petite échelle et les systèmes alimentaires locaux dans les pays à revenu faible et intermédiaire pour la sécurité nutritionnelle de tous.
Peu de plantes prospèrent dans les sols présentant de forts taux de salinité. La plupart des cultures commencent à faner, même si elles sont bien arrosées. Leur croissance est limitée, leurs feuilles tombent et leur rendement est faible. Or on estime que 10% des terres cultivées dans le monde se salinisent, un chiffre d’autant plus alarmant qu’il ne fait qu’augmenter.
L’irrigation par exemple, si c’est un outil parfois indispensable à l’agriculture, son utilisation irresponsable peut aussi entraîner une surexploitation des aquifères, ce qui peut à son tour provoquer une salinisation des eaux souterraines. Lorsque les petits exploitants utilisent ces eaux pour irriguer leurs terres, le sel peut alors venir se déposer dans le sol. Les sols mal drainés eux aussi peuvent aussi accumuler des sels.
L’élévation du niveau de la mer elle aussi entraîne le sel vers les sols et les aquifères, les sécheresses de plus en plus graves l’empêchent d’être emporté par les eaux et la hausse des températures entraîne l’extraction d’une plus grande quantité d’eau souterraine pour l’irrigation ou à d’autres fins.
Dans les pays les plus affectés par la salinité des terres cultivées, la FAO a estimé des pertes s’élevant à 72% pour le riz, à 68% pour les haricots et à 37% pour le maïs. Ceci a de graves conséquences pour la sécurité alimentaire, en particulier dans les communautés déjà fragiles.
C’est pourquoi le RESADE, un projet récemment clôturé financé par le FIDA et mis en œuvre par le Centre international pour l’agriculture biosaline, visait à renforcer la résilience face à la salinité des petits exploitants d’Afrique de l’Ouest et australe. En partenariat avec des instituts de recherche agricole de sept pays, le projet a introduit des approches innovantes pour améliorer la productivité agricole, renforcer la sécurité alimentaire et stimuler les rendements économiques pour permettre aux agriculteurs de sortir de la pauvreté.
Grâce aux fermes-écoles appuyées par le RESADE en Afrique de l’Ouest et australe, les agriculteurs et agricultrices ont appris à utiliser des unités bon marché et produites localement qui réchauffent les déchets agricoles dans un environnement pauvre en oxygène pendant une journée au maximum. On crée ainsi du biochar, une forme stable de carbone qui est ensuite appliquée au sol pour l’amender, c’est-à-dire le traiter et le protéger contre les dégradations.
L’enrichissement du sol avec du biochar permet non seulement de séquestrer du carbone, mais aide aussi le sol à retenir l’eau et les nutriments et renforce la tolérance des cultures à l’irrigation avec une eau salée. En Gambie, le biochar a augmenté le taux de germination du sorgho irrigué à l’eau légèrement salée et du mil chandelle respectivement de 25% et de 62,5%.
Le couscous fait partie de l’alimentation quotidienne de nombreux Togolais, mais l’augmentation du coût des importations de blé met cet aliment de base bien-aimé hors de la portée de nombreux ménages. C’est pourquoi, avec l’aide du RESADE, les agriculteurs ont appris à faire du couscous avec du sorgho, ce qui a renforcé leur sécurité alimentaire et réduit leur exposition aux fluctuations du marché.
Le sorgho est une culture nouvelle pour les agriculteurs et agricultrices d’Atti-Apédokoè, dans le sud-ouest du Togo, mais ils en perçoivent déjà les avantages. Les sécheresses plus longues et les températures plus élevées ont considérablement réduit les rendements du maïs et du blé.
Le sorgho, en revanche, est une céréale forte qui a besoin de peu d’eau et qui résiste à la chaleur. Il est aussi plus tolérant au sel que le maïs. Il peut être utilisé pour le fourrage, être fermenté pour fabriquer de la bière ou être moulu en farine. Et transformé en couscous, il s’intègre facilement dans l’alimentation locale.
Nutritif et tolérant aux sécheresses, le sorgho est l’une des cultures introduites dans les pays couverts par le RESADE. Le projet a mis en place six banques de semences communautaires pour permettre aux agriculteurs et agricultrices d’accéder à ces nouvelles variétés et d’apprendre à les utiliser.
Emefa, une agricultrice qui a participé à la session relative à la fabrication de couscous de sorgho, a hâte de planter cette culture dans son champ. « Après en avoir fait du couscous, nous voyons qu’il peut tout à fait remplacer blé et nous aider à améliorer nos revenus familiaux », explique-t-elle.
Le RESADE a aussi travaillé avec les populations locales pour réfléchir à de nouvelles façons de transformer les aliments qu’elles cultivent, leur donner de la valeur ajoutée, les commercialiser efficacement et améliorer leurs propres revenus.
L’un de ces aliments est le lerotse, une pastèque indigène du Botswana, qui absorbe l’eau lorsqu’il pleut puis produit des fruits et des fleurs par temps sec. Or avec la multiplication des sécheresses, de nombreux agriculteurs se sont retrouvés avec un excédent de lerotse, qu’ils laissent souvent pourrir dans les champs.
Grâce au RESADE, le lerotse constitue aujourd’hui une source de revenus précieuse pour les agriculteurs et agricultrices comme Masego vivant dans des zones affectées par le sel. Lors d’une formation organisée par le RESADE, elle a découvert que le lerotse était bien plus qu’un simple melon de cuisson, et qu’il pouvait être utilisé pour fabriquer un délicieux jus. Elle a appris comment obtenir des certificats de production alimentaire et des analyses nutritionnelles, puis a enregistré son entreprise, Makaba Lerotse Juice Product.
La petite entreprise de Masego vend aujourd’hui du jus à des organisateurs d’événements, ce qui lui rapporte jusqu’à 10 250 pulas (750 USD) par mois. Elle a recruté deux assistantes pour faire face à la demande, et elle est optimiste quant à l’avenir de son entreprise. « Je pense que le Botswana plantera plus de melons maintenant qu’un nouveau marché est disponible », déclare-t-elle. « Cela garantira aussi la pérennité de mon entreprise, puisque les matières premières seront plus facilement disponibles. »
Tandis que les petits exploitants d’Afrique subsaharienne stimulent durablement la production alimentaire, il est essentiel de veiller à ce qu’ils connaissent les approches novatrices qui protègent leur activité contre les difficultés nouvelles, comme la salinité et la modification des conditions météorologiques. Ainsi, ils pourront renforcer leur résilience face aux chocs et garantir leur sécurité alimentaire, tout comme celle de leurs communautés, partout sur le continent.
Pour en savoir plus sur le RESADE, consulter la page consacrée à la Recherche agricole pour le développement.