Accorder aux peuples autochtones la reconnaissance qu’ils méritent. Table ronde sur la mise à jour de la politique du FIDA

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Accorder aux peuples autochtones la reconnaissance qu’ils méritent. Table ronde sur la mise à jour de la politique du FIDA

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Notre climat évoluant rapidement, nous nous devons de changer la manière dont nous gérons et protégeons nos écosystèmes et nos ressources naturelles. C’est ce que font les peuples autochtones, de manière durable et depuis plusieurs générations.

Les modifications récemment apportées à la Politique d’engagement du FIDA aux côtés des peuples autochtones y inscrivent la reconnaissance de la valeur de leur savoir traditionnel et renforcent le rôle clé qu'ils jouent dans ce monde en évolution.

Afin de mieux saisir l’importance de ces modifications, nous nous sommes entretenus avec Yun Mane, juriste et militante autochtone originaire de Mondulkiri dans le nord-est du Cambodge et Directrice exécutive de la Cambodia Indigenous Peoples Organization,  Wolde Tadesse, membre des anciens de la communauté autochtone des Dere Chencha dans le sud de l’Éthiopie et professeur invité à l’Université d’Oxford, et Ilaria Firmian, Spécialiste technique principale des peuples autochtones et des questions tribales au FIDA.

Les peuples autochtones: des partenaires « horizontaux »

La version mise à jour de la politique reconnaît les peuples autochtones comme étant des partenaires participant sur un pied d’égalité à l’élaboration des stratégies, des gardiens des ressources naturelles et de la biodiversité, et des détenteurs de systèmes de connaissances riches.

Une femme gamo à Chencha, dans le sud de l’Éthiopie. © FIDA/Petterik Wiggers

 

 

Wolde Tadesse: Pour que l’élaboration conjointe de stratégies fonctionne, il faut que les parties soient sur un pied d’égalité. Si l’une reste dans sa position de donateur tandis que l’autre lève les yeux vers elle en espérant qu’une goutte d’eau tombe dans sa bouche, il n’y a pas d’égalité. Donc, à mon sens, l’élaboration conjointe consiste à véritablement faire les choses ensemble et à récolter les fruits ensemble.

 

Ilaria Firmian: Au FIDA, faire des peuples autochtones des « partenaires horizontaux » signifie abandonner la relation de donateur à bénéficiaire. Les peuples autochtones sont les gardiens de la nature et doivent être les premiers acteurs de la prise de décisions. Nous construisons des relations fondées sur le respect mutuel et l’élaboration conjointe, et concevons des projets de manière participative en tenant compte des priorités et des intérêts des communautés.

 

L’accès à des fonds et aux financements climatiques

La politique mise à jour tient compte de l’évolution de l’aide mondiale et de l’éventail croissant de sources de financement. Elle vise à faire en sorte que les peuples autochtones aient accès à ces dernières.

Membre du groupe ethnique des The Jakun dans l’ouest de la Malaisie. © FIDA/Francesco Cabras

 

Yun Mane: Voici comment on voit les choses en Asie. Les peuples autochtones jouent un rôle essentiel dans le développement durable, l’atténuation des changements climatiques et la protection de la biodiversité. D’une certaine façon, notre devoir en tant que peuples autochtones est de guider la réalisation des engagements pris pour le climat.

Les financements, en particulier les financements climatiques, devraient mieux prendre en compte les peuples autochtones pour s’assurer que ces derniers y ont accès, en disposent à leur guise et en bénéficient. Mais la plupart des organisations et communautés autochtones ont un accès très limité à des financements. Souvent, les appels à financement ne sont pas simples ou disponibles dans nos langues, et la terminologie employée et les critères établis sont très complexes.

Il est important de faciliter l’accès des organisations et communautés autochtones à des financements, de rendre les processus plus inclusifs et de veiller à ce que nul ne soit laissé pour compte.

Ilaria Firmian: Le Mécanisme d’assistance pour les peuples autochtones est notre instrument phare pour allouer directement les fonds aux peuples autochtones mais le FIDA mobilise et destine aussi des financements climatiques dans le cadre de ses investissements et par l’intermédiaire d’autres sources, aidant ainsi les peuples autochtones à accroître leur participation et à tirer parti de l’action climatique.

La souveraineté alimentaire

Les modifications apportées à la politique introduisent un nouveau principe, celui de la sécurité alimentaire des peuples autochtones, afin de garantir la protection et la préservation de leurs systèmes alimentaires.

Les peuples autochtones de la région de Cordillera aux Philippines se forment à de nouvelles méthodes de production fruitière et d’entretien des arbres fruitiers. ©FIDA/Irshad Khan

 

Wolde Tadesse: Nous sommes tous différents. Nous avons différents types et variétés de céréales, telles que le sorgho, le millet ou l’orge. La diversité est une solution à de nombreux problèmes et les cultures alimentaires négligées des peuples autochtones représentent un espoir et une garantie pour l’humanité. Mais elles doivent être encouragées et reconnues comme il se doit.

Il est bon pour les peuples autochtones et bon pour la planète que l’agriculture ne se résume pas à une poignée de cultures. La nature est un espace de liberté et c’est dans cette liberté que les abeilles, les oiseaux, les antilopes et les peuples autochtones s’épanouissent.

Ilaria Firmian: Pour nourrir le monde de manière durable, il nous faut une alimentation diversifiée et nutritive qui soit disponible, accessible et abordable. Les systèmes alimentaires autochtones dépendent du droit des peuples d’accéder à leurs terres, à leurs territoires et à leurs ressources naturelles, ainsi que de leur bien-être culturel, social et spirituel.

Les peuples autochtones et la gouvernance

La nouvelle politique établit que des représentants des peuples autochtones doivent participer au Conseil des gouverneurs en qualité d’observateurs lorsque des questions les concernant sont inscrites à l’ordre du jour.

Membre du groupe autochtone des Pijao-Natagaima montre une parcelle de canne à sucre. © FIDA/Michael Benanav

 

Ilaria Firmian: Il s’agit d’une des mesures les plus importantes de cette nouvelle politique. Elle améliore la représentation des peuples autochtones dans les organes du gouvernance du FIDA et fait en sorte qu’aucune décision les concernant ne soit prise sans eux.

Yun Mane: Il est très important que les peuples autochtones aient voix au chapitre au Conseil des gouverneurs. Notre collaboration avec le FIDA nous permet de nous faire entendre, de nous exprimer, d’amener des changements positifs et de contribuer au développement durable. Ainsi, le droit des peuples autochtones de disposer de leurs terres et de leurs ressources naturelles est reconnu et leur identité préservée.

Pour les peuples autochtones, atténuer les changements climatiques et protéger la biodiversité est vital. Mais pas uniquement pour nous, peuples autochtones. Pour tous. Pour le monde.