Au Nicaragua, le café et le cacao font la vie plus douce

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Au Nicaragua, le café et le cacao font la vie plus douce

Temps de lecture estimé: 8 minutes
©FIDA/ Todd M. Henry

Le café et le chocolat peuvent faire bien davantage que nous aider à nous réveiller au saut du lit.

Depuis sept ans, le projet NICADAPTA (ou Projet d’adaptation aux marchés et au changement climatique) contribue à améliorer les revenus et la qualité de vie de plus de 45 000 familles au Nicaragua en favorisant le développement durable de la production de café et de cacao. Il est financé par le FIDA et exécuté par le Ministère de l’économie familiale communautaire, coopérative et associative (MEFCCA),

Les équipes du projet travailler en étroite collaboration avec les coopératives de producteurs et leurs membres, dont beaucoup de femmes et de jeunes, afin de faciliter leur accès aux marchés lucratifs du café et du cacao et de renforcer leur résilience face aux changements climatiques. Les bénéficiaires du projet jouissent ainsi d’une vie non seulement plus douce, mais aussi meilleure. Dans tous les sens du terme.

Meylin arrive au bar-café

Le bien-être de la communauté – et celui de la planète

Duskaia signifie en miskito « le bien-être de la Terre ». C’est aussi le nom du bar-café géré par un groupe de 10 jeunes entrepreneurs de San Juan del Río Coco, une petite ville du département de Madriz, dans le nord du Nicaragua. Le projet est parti de l’idée d’unir deux de leurs passions: refaire le monde et boire du café.

Meylin Moreno, une jeune architecte, a quitté la capitale Managua pour revenir dans sa ville natale afin de rejoindre le groupe et de poursuivre son rêve. « Nous baignons presque tous dans le monde du café depuis notre naissance », explique-t-elle. « La passion du café nous anime. Nous voulons non seulement servir du café, mais aussi le faire dans une atmosphère agréable. »

Duskaia est plus qu’un simple bar-café – c’est un lieu qui met à l’honneur la culture et la tradition chaque jour. L’établissement propose également une carte complète de plats locaux typiques préparés avec des produits cultivés par la coopérative agricole Coagroalianza, dont les 10 entrepreneurs sont membres.

Le groupe bénéficie désormais de l’appui de Coagroalianza et du projet NICADAPTA. Dans le cadre du projet, les 10 associés – cinq hommes et cinq femmes – ont notamment reçu une formation complète, couvrant un large éventail de sujets, des bonnes pratiques agricoles à la préservation de l’environnement, en passant par la comptabilité, le marketing et les relations publiques.

« Nous avons beaucoup changé », affirme Meylin. « Nous sommes maintenant plus motivés et plus créatifs, plus reconnaissants aussi et avons un plus grand sens de l’humain. Nous faisons tout cela pour nous-mêmes, mais aussi pour nos familles et notre communauté. Nous voulons faire savoir à nos parents que nous sommes prêts à reprendre le flambeau. »

Le projet Duskaia montre que la combinaison d’innovation et de tradition, d’enthousiasme et de discipline peut permettre aux jeunes de jouer un rôle essentiel dans le développement rural. Grâce à leur travail acharné et à leur dévouement, ils peuvent améliorer non seulement leurs propres revenus, mais aussi la qualité de vie et les perspectives de leurs communautés.

Des membres du Groupe de solidarité en faveur des femmes et des jeunes des Caraïbes en plein travail dans la fabrique de chocolat

Une douce aubaine

La pâte de chocolat vient de sortir du broyeur. Les 15 femmes réunies dans la pièce prennent chacune une portion de la pâte, la pèsent et la moulent selon différentes formes (aujourd’hui, ce sont des étoiles, des rectangles et des cloches). Puis elles mettent les sucreries dans des sachets et les préparent pour la vente.

Il n’y a pas si longtemps, un broyeur de cacao n’aurait pas été vraiment utile à ces femmes. Le cacao avait toujours été une culture minoritaire dans leur ville natale d’El Rama, une petite municipalité de la Région autonome de la côte caraïbe sud au Nicaragua. Mais peu de temps après son introduction par la COOPROCAR (la coopérative agricole locale) en tant que mesure de lutte contre les parasites et les maladies qui touchaient leurs autres cultures, elles ont réalisé qu’il était possible de faire beaucoup plus avec cette plante.

L’idée de former un groupe a mis du temps à germer. Elles ne connaissaient rien au cacao ou à la fabrication du chocolat, et la plupart travaillaient à l’extérieur de chez elles pour la première fois. Travailler dans le secteur du cacao supposait également d’adhérer officiellement à la COOPROCAR, et elles se sont heurtées certaines réticences au début, notamment de la part des membres masculins de la coopérative.

« Nous sommes restées déterminées et unies jusqu’à ce que nous intégrions l’organisation », déclare Coralia Cortéz, membre du groupe.

Une fois qu’il a été officiellement formé, le groupe – désormais appelé Groupe de solidarité en faveur des femmes et des jeunes des Caraïbes – s’est lancé directement dans le commerce du chocolat. Avec l’appui du projet NICADAPTA, les membres ont appris à cultiver et à transformer le cacao et ont acquis les compétences nécessaires en matière d’organisation et de gestion d’entreprise.

Aujourd’hui, ils considèrent leur entreprise comme un « projet idéal », comme le décrit Leda Guido, une des membres. Leur ambition est de se faire connaître pour l’excellente qualité de leurs produits et de se positionner sur les marchés locaux et nationaux, voire internationaux.

« Notre production est encore faible, mais la demande augmente », confie Julissa Massiel, membre du groupe. « Nous expédions du chocolat, du cacao et de la liqueur de cacao à Managua, qui sont distribués le jour même. »

Les responsables du projet NICADAPTA sont tout aussi confiants que les membres du groupe: ils ont porté leur investissement de 10 000 à 40 000 USD.

« Ce nouveau financement nous permet d’accroître nos moyens de production et de commercialisation », ajoute Julissa.

Si le groupe continue de voir grand, il récolte déjà les fruits de ses efforts, de différentes manières.

« Nous nous sentons libérées ici », souligne Nanci Obregón, membre du groupe. « Nous pouvons faire quelque chose d’utile en plus de prendre soin de nos aînés et de nos enfants, et nous jouissons de la reconnaissance de nos familles et de la communauté. »

Et comme tous les autres membres, elle sait combien la participation collective a été essentielle à leur réussite. « C’est le travail d’équipe qui nous mène au succès », dit-elle.

Merling (à gauche) porte une branche de bananes

Le café change la donne

Tout comme El Rama, le territoire autochtone et afrodescendant de Laguna de las Perlas fait également partie de la Région autonome de la côte caraïbe sud. Ici aussi, le café n’a jamais été très populaire – les habitants ont longtemps compté sur d’autres cultures et sur la pêche artisanale comme moyen d’existence.

En 2015, cependant, les responsables du projet NICADAPTA ont montré aux exploitants locaux que la culture du café pouvait leur permettre de diversifier leur production et d’améliorer leurs revenus. Peu après, une initiative a été lancée dans le cadre du projet, à laquelle participent 205 familles de 15 communautés en vue de renforcer leurs capacités de production de café robusta.

Merling Joines, une femme d’ascendance africaine de 56 ans de la communauté locale de Manhattan, est à la tête de l’une de ces familles. Lorsque le projet a débuté, Merling était fonctionnaire municipale. Mère célibataire de sept enfants, son salaire ne lui permettait pas de joindre les deux bouts, aussi avait-elle toujours cultivé des parcelles de terre en complément.

Dans le cadre du projet NICADAPTA, les familles participantes ont bénéficié d’une formation portant sur de nombreux domaines, de la culture durable du café à la lutte contre les maladies, en passant par la préparation d’engrais organiques. Les formations ont porté notamment sur les pratiques respectueuses de l’environnement permettant d’accroître la résilience des exploitants familiaux face aux changements climatiques – un élément clé du projet NICADAPTA. Elles ont également permis de donner aux exploitants les outils nécessaires pour lutter contre certains problèmes sociaux tels que l’inégalité femmes-hommes et l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

« Les formations ont donné d’excellents résultats », conclut Merling, qui a particulièrement apprécié la possibilité d’échanger avec des coopératives communautaires de la municipalité de Nueva Guinea, à l’intérieur des terres, où le même système avait déjà été mis en place.

Grâce au projet, des zones de culture du café ont été créées dans des endroits protégés par des arbres plus hauts, une pratique qui permet aux exploitants d’éviter l’utilisation intensive de produits agrochimiques, contrairement à ce qui se fait dans d’autres régions du pays. Dans le cadre du projet ont également été distribuées des plantes telles que des arbres fruitiers et des arbres à bois, qui remplissent la double fonction d’ombrager les plants de café et de diversifier les cultures disponibles.

Aujourd’hui, la famille de Merling et une vingtaine d’autres familles veulent aller plus loin dans cette démarche. Elles comptent créer leur propre association en vue d’augmenter leur production, d’ajouter de la valeur au café qu’elles produisent et de le commercialiser partout où elles le peuvent.

Merling, elle aussi, est impatiente de poursuivre l’aventure. Sans hésitation, elle déclare: « À mon âge, pouvoir apprendre de nouvelles choses qui facilitent la vie est une grande chance. »

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