Au Rwanda, l’avenir de milliers d’agriculteurs va de "soie"

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Au Rwanda, l’avenir de milliers d’agriculteurs va de "soie"

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Pierre Kanyarwanda est enthousiaste. Depuis cinq mois, cet agriculteur rwandais de 47 ans a vu ses revenus augmenter grâce à ses nouvelles compétences en sériciculture (élevage du ver à soie).

"J’adore cela mais ce n’est pas facile. Cette culture exige une prudence extrême et beaucoup de travail, car il faut protéger les vers des prédateurs et des maladies, et les nourrir jusqu’à huit fois par jour. Mais quand quelque chose vous tient à cœur, vous faites ce qu’il faut pour que ça fonctionne", explique Pierre. Auparavant, il avait pratiqué toute sa vie une agriculture de subsistance, essayant de joindre les deux bouts en cultivant du manioc, des haricots et des bananes.

L’élevage du ver à soie lui a ouvert un avenir bien plus prometteur.

"Nous mangeons maintenant de la viande et du riz à la maison, et je peux payer les frais de scolarité de mon fils", explique ce père de trois enfants. Actuellement employé dans une exploitation de sériciculture, il économise pour investir dans son propre élevage de vers à soie.

@FIDA/Edward Echwalu – Pierre tient dans ses mains les feuilles de mûrier qu’il utilise pour nourrir ses vers à soie

Pierre fait partie des 5 000 agriculteurs bénéficiant du développement de la sériciculture dans le cadre du Projet d’amélioration des revenus ruraux grâce aux exportations (aussi appelé PRICE) au Rwanda.

Pionnier parmi les États africains, le Rwanda a commencé à investir dans le développement des filières de la soie. Avec la demande croissante en provenance de l’Asie, la fabrication de produits en soie de qualité supérieure offre des perspectives intéressantes à l’exportation.

Pour exploiter les marchés mondiaux en expansion, l’office national rwandais de développement des exportations agricoles (NAEB) s’est associé à HEWorks, un fabricant de soie coréen.

"Il n’a pas été facile de trouver un investisseur. Les investisseurs potentiels avaient peur, car la sériciculture est un type de culture nouveau en Afrique, mais HEWorks a décidé d’investir en voyant que nous collaborons très étroitement avec les agriculteurs", explique Jean-Marie Vianney Munyaneza, directeur de la division des nouveaux produits de base au NAEB.

Avec l’appui du projet PRICE, HEWorks et le Gouvernement rwandais ont construit une usine de traitement de la soie dans la zone économique spéciale de Kigali. HEWorks gère l’usine et achète les cocons directement aux agriculteurs, bénéficiant ainsi d’un approvisionnement fiable et de qualité. Le projet a également financé l’ouverture d’un centre national de formation en sériciculture et d’un centre de production d’œufs de vers à soie, ainsi que la rénovation de six autres centres de sériciculture provinciaux pour appuyer les activités des agriculteurs dans ce domaine.

Le centre national de production d’œufs est une composante essentielle de la filière de la soie. Outre ses activités de recherche, il veille à préserver la race des vers à soie à chaque cycle constituant des souches de collection de lignées de vers à soie, en produisant des œufs sains et en assurant un approvisionnement suffisant de vers à soie à des fins d’élevage.

Ces derniers mois, l’élevage de vers à soie est devenu une activité attractive pour des milliers d’agriculteurs dans les collines du Rwanda. Pour accélérer la production de cocons, HEWorks a progressivement augmenté le prix payé aux agriculteurs, faisant passer le prix du kilogramme de deux dollars en octobre 2016 à près de quatre dollars en octobre 2019.

Celestine Ruzindana, l’employeur de Pierre, fait partie des nombreux agriculteurs à avoir investi dans la sériciculture. Avec l’aide de HEWorks et du projet PRICE, Celestine a planté 14 000 mûriers pour nourrir les vers et a construit une magnanerie (le nom du bâtiment destiné à l’élevage des vers à soie). Celestine ne se contente pas de vendre des cocons à HEWorks; il fournit également de jeunes vers à soie à d’autres agriculteurs. Au total, l’élevage du ver à soie lui rapporte un revenu de plus de 1 500 dollars par an.

Grâce à ses efforts, Celestine crée également du travail pour sa communauté. Il emploie 6 travailleurs permanents dans la magnanerie et 16 travailleurs temporaires dans la plantation de mûriers. Il investit dans deux hectares de terrain supplémentaires pour faire pousser plus d’arbres et construire une autre magnanerie.

@FIDA/Edward Echwalu – Celestine dans sa plantation de mûriers

La sériciculture est également porteuse de création d’emploi pour les jeunes dans les zones urbaines. L’usine de traitement de la soie à Kigali, opérationnelle depuis février 2019, emploie 34 personnes permanentes, dont 18 femmes et de nombreux diplômés de l’enseignement supérieur.

"J’aime travailler ici. C’est très intéressant car notre production répond à des critères de performance, nous devons produire ce qui se fait de mieux", explique Emanuel Uyisenga, un employé de 30 ans qui travaille dans la salle d’essai de l’usine et qui est diplômé en chimie.

La stratégie du NAEB consiste à fabriquer des produits de qualité supérieure et à les vendre à des prix élevés allant de 50 à 70 dollars le kilo sur les marchés internationaux. À l’heure actuelle, 50% du fil de soie produit est classé 6A, l’échelon de qualité le plus élevé du marché, tandis que 40% de la production est classée 5A. Pour générer des revenus supplémentaires, on utilise les cocons de moindre qualité pour fabriquer des draps de soie.

@FIDA/Edward Echwalu – Dative nous montre la bobineuse de l’usine de Kigali

"Au Rwanda, nous pouvons élever et cultiver beaucoup de choses, mais surtout, nous pouvons apporter de la valeur ajoutée", explique la directrice de l’usine Dative Ingabire, diplômée en droit de l’Université du Rwanda.

Âgée de 30 ans, Dative est optimiste quant à l’avenir de la sériciculture.

"J’espère que la production de soie incitera d’autres pays d’Afrique à investir comme nous dans la sériciculture et qu’à terme, l’Afrique fabriquera directement ses articles en soie", confie-t-elle.

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