Continuité des services de vulgarisation pour les petits producteurs malgré la COVID-19

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Continuité des services de vulgarisation pour les petits producteurs malgré la COVID-19

Temps de lecture estimé: 7 minutes

©FIDA / Vera Onyeaka

Les services de vulgarisation agricole contribuent puissamment à renforcer les capacités des producteurs pour ce qui est des bonnes pratiques agricoles (notamment de maîtrise des ravageurs et des maladies du bétail) et à faire le lien entre producteurs, intrants, services et marchés. Les projets soutenus par le FIDA proposent des services de vulgarisation par différents biais: fermes-écoles, journées sur le terrain, parcelles de démonstration, visites d’échange et plateformes multipartites.

La crise de la COVID-19 n’a rien changé: ces services restent indispensables, car ils contribuent à la réaction immédiate, à l’adoption rapide de pratiques sûres, à la sécurité sanitaire des aliments tout au long de la filière ainsi qu’au signalement et à la résolution des problèmes d’approvisionnement en denrées. En outre, les agriculteurs ont besoin de conseils pour adapter rapidement leurs systèmes et leurs pratiques face aux délais d’accès aux intrants, à la main-d’œuvre, à l’argent et aux marchés, ou à leur indisponibilité. Or, en raison des mesures prises pour maîtriser la pandémie, notamment le confinement, bon nombre de ces services sont plus difficiles, voire impossibles, à proposer.

Dans beaucoup de projets financés par le FIDA, des mécanismes ont été imaginés pour continuer de fournir ces services de vulgarisation tout en s’adaptant au contexte sanitaire et au cadre juridique. Les partenaires publics et les prestataires privés ont fait de même. Les outils numériques, les services décentralisés centrés sur les agriculteurs et les dispositifs d’exécution se révèlent particulièrement précieux à cet égard.

Comprendre et suivre les besoins des agriculteurs grâce aux réseaux sociaux

Dans bon nombre de projets financés par le FIDA, les responsables se sont appuyés sur les réseaux sociaux pour interagir avec les partenaires et les bénéficiaires, et engager un dialogue rapide et nourri avec eux. Au Kenya, par exemple, le Programme de renforcement de la production céréalière au Kenya – Guichet d’appui à des moyens de subsistance agricoles résilients face au changement climatique (KCEP-CRAL) utilise une plateforme WhatsApp pour la coordination des activités et la prestation des services de vulgarisation. Dans le contexte de la COVID-19, la plateforme, qui regroupe agriculteurs chefs de file et bénéficiaires, a proposé des services actualisés, notamment des directives agricoles et un soutien au cas par cas. En Inde, plusieurs projets appuyés par le FIDA font de même pour relier les unités de gestion des programmes aux spécialistes décentralisés et aux agriculteurs chefs de file.

Ces plateformes ont bouleversé la circulation des informations entre les acteurs des projets, qui communiquent en temps réel et obtiennent plus rapidement des retours sur les activités en cours. Le fait d’intégrer les agriculteurs chefs de file à ces groupes permet de faire remonter sans tarder les problèmes et les bonnes pratiques, d’apporter rapidement une réponse, de favoriser l’apprentissage mutuel et de reproduire les innovations à plus grande échelle.

L’informatique au service du conseil aux agriculteurs

D’autres projets financés par le FIDA utilisent très largement les technologies de l’information et des communications (TIC), des solutions reposant sur la téléphonie mobile et les médias numériques, pour renforcer l’accès des agriculteurs à l’information et aux connaissances dont ils ont besoin pendant la pandémie. Le FIDA soutient également le développement de plateformes électroniques constituant un guichet unique pour différents services.

En Zambie, par exemple, le Programme d’investissement renforcé en faveur de l’élevage paysan a permis la création d’une plateforme de vulgarisation baptisée M-FLAIS, qui offre des services dans le contexte de l’épidémie de COVID-19. Elle recense les dernières innovations en matière de pêche et d’élevage, et permet aux spécialistes de la vulgarisation de contacter les agriculteurs, qui, de leur côté, peuvent y accéder avec un simple téléphone portable. Elle permet aussi de surmonter les difficultés qu’entraîne l’absence de contact direct pendant les restrictions imposées par la pandémie et de pallier le manque de fonctionnaires. En Inde, dans l’État du Meghalaya, la Direction de l’agriculture a mis au point une plateforme dans le cloud qui sert de centre de réponse aux agriculteurs. Elle met en relation agriculteurs, spécialistes et prestataires, propose un numéro non surtaxé que les agriculteurs peuvent appeler pour poser leurs questions et gère une flotte de véhicules pouvant être utilisés pour transporter des produits. Au Cambodge, Chamka, une plateforme intégrée en langue khmère, regroupe différentes applications: conseils aux agriculteurs, recommandations pour l’accès aux intrants et aux marchés, services bancaires, etc.

L’accès aux téléphones portables et à Internet restant difficile pour beaucoup et l’alphabétisation demeurant problématique, certains projets utilisent pour leur part la radio et la télévision. Au Malawi, le Programme de production agricole durable diffuse des informations sur les bonnes pratiques agricoles à la radio et à la télévision, en complément du système traditionnel de vulgarisation. En réaction à la COVID-19, ces messages indiquent désormais aussi le lieu des marchés d’intrants et de produits, des bulletins météo et des informations sur la gestion après-récolte.

Formation à distance des principales organisations paysannes et locales

Les agriculteurs n’ont pas tous accès à l’informatique et beaucoup préfèrent être formés par une personne en qui ils ont confiance: il est donc indispensable d’utiliser des systèmes de communication avec les populations décentralisés et des réseaux de connaissances locaux pour combler la fracture numérique. En Asie ou en Afrique, de nombreux projets soutenus par le FIDA reposent sur des dispositifs décentralisés, notamment les agriculteurs chefs de file, les personnes-ressources au niveau local et les organisations à assise communautaire, qui jouent un rôle indispensable pour que personne ne soit laissé pour compte pendant la pandémie.

En Inde, lorsque les déplacements des personnels des projets et des agents publics de vulgarisation ont été limités, les projets financés par le FIDA ont renforcé l’aide apportée aux agriculteurs chefs de file et aux personnes-ressources. Des vidéos et des supports visuels leur ont été envoyés pour qu’ils puissent offrir une formation de qualité aux personnes qui ne pouvaient pas accéder aux services informatiques. Ce soutien a permis aux personnes-ressources du Projet d’amélioration des moyens de subsistance et de l’accès aux marchés (LAMP) d’apprendre aux agriculteurs à fabriquer des intrants et des aliments pour le bétail quand les livraisons n’étaient plus possibles. Ces agriculteurs sont désormais capables de former leurs collègues en petits groupes, dans le respect des consignes COVID-19 du pays.

Plusieurs projets comprennent également des plateformes permettant d’accéder à du matériel et des vidéos pédagogiques. Ainsi, en Afrique de l’Ouest, weconnectfarmers propose un annuaire de services, notamment des ressources de formation, destiné à faciliter les échanges entre agriculteurs. De même, au Cambodge, l’application Chamka propose des supports pédagogiques et des conseils d’experts qui peuvent être déterminants pour l’autonomisation des agriculteurs chefs de file et des personnes-ressources. Parmi les autres innovations, citons les vidéos régulièrement diffusées sur Facebook pour compléter les démonstrations, l’animation de débats entre les agriculteurs, l’organisation de formations à distance et le partage d’informations sur les succès et les défis à relever.

Les organisations paysannes et les agronégociants (de petites entreprises qui vendent des intrants) jouent également un rôle clé, notamment parce qu’ils possèdent déjà des outils informatiques. Dans l’État du Maharashtra, par exemple, 265 000 personnes membres d’organisations paysannes utilisent WhatsApp pour échanger et s’informer. Au Kenya et dans beaucoup de pays d’Asie, les projets financés par le FIDA s’appuient aussi sur les agronégociants pour distribuer le matériel de vulgarisation et les messages clés auprès de leurs clients.

Perspectives: assurer une continuité d’accès

Les mesures de confinement provoquées par la COVID-19 ont entravé la communication entre les producteurs, les institutions et les prestataires de services. En utilisant et en adaptant les solutions informatiques existantes, les projets soutenus par le FIDA ont permis de continuer à dispenser des services de vulgarisation aux petits producteurs lorsqu’il n’était pas possible de les rencontrer en personne. Pour assurer la continuité de l’accès aux services de vulgarisation et de conseil, il est essentiel d’associer l’adoption des outils numériques au renforcement des mécanismes de communication et à l’existence d’organisations locales afin d’améliorer l’efficacité, l’inclusion, la résilience et la rapidité des services de vulgarisation après la crise sanitaire actuelle.

 

Les auteures remercient les équipes de pays du Bangladesh, du Cambodge, d’Inde, du Kenya, du Malawi et de Zambie, et les partenaires du FIDA, notamment Grow Asia, pour leurs contributions, ainsi que Simone Sala et Robert Delve pour leur relecture. Les éclairages apportés par un séminaire du VCBN, organisé par le FIDA et le GFRAS, ainsi que la plateforme des champs-écoles et la division vulgarisation de la FAO, se sont également révélés précieux.