COVID-19 - Cinq moyens d’aider à élaborer des réponses souples et inclusives face à la crise

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COVID-19 - Cinq moyens d’aider à élaborer des réponses souples et inclusives face à la crise

Temps de lecture estimé: 6 minutes

©FIDA/Francesco Cabras

De nombreuses publications ont déjà été consacrées aux effets de la COVID-19 sur l'agriculture, en particulier dans les zones rurales. Les règles de distanciation sociale empêchent les agriculteurs d’accéder aux intrants, aux services et aux marchés. De nombreux ménages ruraux ont été privés de sources de revenus non agricoles essentielles. Selon certaines estimations, des effets plus dévastateurs sont encore à venir: des dizaines de millions de personnes ont perdu leur emploi dans le monde, et un demi-milliard de personnes risquent de (re)plonger dans la pauvreté.

Les difficultés et les perspectives varient toutefois d'un endroit à l'autre, selon les produits alimentaires et les personnes. Elles peuvent en outre évoluer quotidiennement, en fonction de circonstances locales et tout au long de la saison de culture. Dans ces conditions, quels sont les moyens de renforcer les capacités au niveau local pour faire face à cette crise de manière souple et inclusive?

La crise de l'Ebola en 2015 et les premières leçons tirées de la réponse chinoise à la crise liée à la COVID-19 montrent qu'il est essentiel d'établir une communication et des mécanismes institutionnels solides entre les intervenants, ainsi que de repérer et de traiter rapidement les problèmes qui se posent. Nous présentons ici cinq mesures clés que les organisations peuvent prendre pour aider les pays à mettre en place ces mécanismes. Ces mesures, qui s'inspirent largement de notre expérience dans la région Asie-Pacifique, sont applicables dans tous les pays.

  1. Rétablir rapidement les canaux de communication entre les organismes de développement et avec les autres acteurs.
    Les réseaux sociaux et les technologies numériques sont particulièrement utiles à cet égard. Nombre de programmes soutenus par le FIDA ont par exemple créé des groupes WhatsApp avec certains agriculteurs, qui leur permettent de repérer les problèmes dès leur apparition et d'élaborer des solutions novatrices.
    Par ailleurs, les agriculteurs, les marchands et les fournisseurs utilisent des plateformes et des applications en ligne, telles que des outils de géocartographie, pour tisser un réseau de relations. Au Cambodge, le projet ASPIRE, soutenu par le FIDA, envisage d'utiliser la géocartographie pour localiser et suivre ses participants. De même, les communautés de pratique ont joué un rôle crucial en permettant aux intervenants de faire connaître leurs problèmes, leurs connaissances et leurs meilleures pratiques dans différents pays et projets, favorisant ainsi un apprentissage rapide et une transposition à plus grande échelle des solutions.
    Les informations collectées grâce à ces outils et réseaux contribuent à l'élaboration de réponses inclusives par les gouvernements et les partenaires de développement.
  1. Mettre en place des systèmes de sensibilisation efficaces – et veiller à ce qu'ils soient décentralisés et inclusifs.
    Les nouvelles technologies sont certes utiles et efficaces, mais de nombreuses régions pauvres et isolées n’ont toujours pas accès à Internet, et leurs habitants ne peuvent pas utiliser les outils mobiles. En pareil cas, les personnes‑ressources de la communauté peuvent contribuer de manière décisive à diffuser l'information et contribuer à la riposte locale. Ainsi, dans l'Andhra Pradesh, dans le sud de l'Inde, où le Gouvernement assure un suivi quotidien des plans de récolte et des questions logistiques, les conseillers agricoles des gram panchayats (organismes locaux au niveau des villages) sont aidés par des bénévoles et couvrent chacun une cinquantaine de ménages. Le FIDA investit beaucoup dans la mise en place de mécanismes de sensibilisation similaires, en s'appuyant sur des institutions et des personnes-ressources au niveau communautaire.
  1. Investir dans des mécanismes de coordination inclusifs à différents niveaux.
    En février dernier, le Gouvernement du Mizoram, dans le nord-est de l'Inde, a constitué plusieurs groupes de travail pour faire face aux différents effets de la crise liée à la COVID-19 sur la vie quotidienne. Il a ainsi pu prendre rapidement des décisions permettant aux agriculteurs de se procurer du matériel de plantation pour la saison des semis en cours. De tels groupes de travail ont été créés dans plusieurs autres États et au niveau national.
    Ces mécanismes permettent surtout de signaler les problèmes au Gouvernement, et donc de faire évoluer rapidement les politiques et les réglementations. En Inde et dans d'autres pays, le FIDA collabore avec la FAO, le PAM et d'autres organismes des Nations Unies pour renforcer ces systèmes.
  1. Motiver et lancer une action collective reposant sur des informations et une planification de qualité.
    Le recensement des informations et des mesures envisageables permet de former rapidement un cadre d'action collective centré sur la population. En Inde, par exemple, dans l'État du Kerala, dans le sud du pays, qui a été l'un des plus efficaces dans la lutte contre la pandémie, 500 tonnes d'ananas qui allaient être détruites pendant le confinement ont pu être sauvées grâce à un groupe de travail dirigé par le Ministère de l'agriculture de l'État, qui a élaboré des plans d'urgence associant divers acteurs, dont des organisations paysannes.
    Dans le même ordre d'idées, le Gouvernement du Bhoutan a demandé à chacun de ses districts d'élaborer un plan de sécurité alimentaire tenant compte des problèmes particuliers attendus en raison de la COVID-19. Ces plans ont servi de base pour orienter l'analyse et les actions prioritaires des partenaires, dont le FIDA.
  2. Mobiliser les organisations au niveau local et national.
    Les organisations paysannes jouent un rôle essentiel en défendant les intérêts des agriculteurs ruraux, en signalant collectivement les problèmes et en cherchant des solutions. En période de crise, leur rôle est encore plus important.
    Partout dans la région Asie-Pacifique, ces organisations ont rapidement contacté leurs membres et ont commencé à analyser la situation, à offrir une aide ciblée et à collaborer avec les fonctionnaires à différents niveaux pour veiller à ce que les petits exploitants soient entendus.
    Au Bangladesh, le Programme national de technologie agricole (soutenu par le FIDA et la Banque mondiale) appuie des groupes d'intérêt commun et fédère les grandes organisations de producteurs. Les investissements du projet en matière d'accès au marché, de transport, de stockage et de mécanisation agricole ont permis aux agriculteurs et aux entrepreneurs ruraux de faire face aux perturbations du marché.
    En Inde, les organisations de petits producteurs sont considérées comme des acteurs essentiels dans les mesures assurant la continuité de la chaîne de valeur et de l'accès aux marchés et aux services pour leurs membres et dans la riposte du Gouvernement.
    L'Association des agriculteurs d’Asie, qui reçoit une aide du FIDA, renforce continuellement le pouvoir de négociation des agriculteurs. Elle a récemment diffusé une série de messages vidéo puissants de la part d'agriculteurs de différents pays, qui décrivent leurs difficultés. Elle a également créé un mécanisme de collecte de fonds pour soutenir les agriculteurs familiaux face à la crise provoquée par la COVID‑19 et renforcer leur résilience.

Des institutions et des mécanismes de gouvernance solides et inclusifs, ainsi que l'innovation numérique, peuvent nous permettre d'élaborer des réponses adaptées aux contextes locaux pour protéger les systèmes alimentaires contre les chocs – qu'ils soient dus à une crise sanitaire ou à une catastrophe naturelle – et faire en sorte de ne laisser personne de côté. Nous avons aujourd'hui l'occasion de tirer les leçons de cette crise et de faire les investissements nécessaires pour mettre en place des institutions souples, inclusives et résilientes au niveau local et national.

Note: Les auteurs tiennent à remercier Rasheed Sulaiman de l'AESA pour ses précieux conseils, ainsi que les organisations qui ont accepté de partager les expériences de leurs participants, notamment l'AESA et le GFRAS.

En savoir plus sur la riposte du FIDA à la crise liée à la COVID-19.