Créer de nouveaux liens grâce à « l’arbre de la vie »

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Créer de nouveaux liens grâce à « l’arbre de la vie »

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Pendant longtemps, les habitants de Brejo Dois Irmãos se sont sentis isolés. Brejo, une petite communauté de la région semi-aride du nord-est du Brésil, n’est pas facile d’accès: la seule façon d’y arriver ou de la quitter est d’emprunter une piste de 12 km qui traverse un marécage, où la plupart des véhicules ne peuvent pas passer. Sans moyen de vendre leur principale production (le burití ou Mauritia flexuosa, un palmier endémique), les 200 familles qui y vivent ont souvent l’impression d’être oubliées du reste du monde.

En Tupi-Guarani, la langue locale, burití signifie « l’arbre de la vie ». Chaque partie de cette plante a son utilité: le tronc et les feuilles servent à la construction, les fibres sont idéales pour fabriquer des cordes, et les fruits charnus et sucrés, riches en vitamine C peuvent être consommés sous la forme de jus, de liqueur, de glace, de confiture et de bonbon. Les noyaux donnent une huile riche en vitamine A, utilisée dans plusieurs cosmétiques et médicaments.

Pourtant, le burití a peu de valeur économique au-delà de Brejo. L’étape de sa transformation requiert beaucoup de travail main d'œuvre importante pour être transformée et le commercialiser est encore plus difficile. Alors les agriculteurs se sont tournés vers la canne à sucre, qui rapporte moins mais est plus facile à vendre. Mais la canne à sucre n’est pas une culture durable car elle abîme les sols et absorbe des ressources en eaux déjà faibles.

Un nouveau souffle pour le burití

En 2017, le projet Pró-semiárido, appuyé par le FIDA, est arrivé dans la région. Son personnel a engagé des discussions avec les habitants pour leur expliquer ce que le projet pourrait leur apporter et comment il pouvait les aider.

Le personnel et les habitants ont conjointement décidé d’un plan d’action: le projet fournirait la formation, les équipements et l’assistance technique nécessaires pour rendre la production de canne à sucre plus durable, introduirait l’apiculture en tant que source de revenus supplémentaire et, surtout, aiderait les habitants à améliorer la transformation et la commercialisation du burití.

Maiara de Souza Nascimento (à gauche) et Eliane das Virgens Ribeiro (à droite) lavent et pèlent les fruits du burití dans l’usine de transformation. ©William Franca/PSA

La première étape a été d’aider les habitants à voir le burití avec un œil neuf.

« Quand le projet est arrivé, la partie pédagogique et la formation ont été très importantes », explique Cosme Alves de Sousa, ancien président de l’association communautaire de Brejo Dois Irmãos. « Nous avons bénéficié d’une à deux séances de formation par semaine, qui nous ont aidées à comprendre la valeur de ce que nous avons ici ».

Comme le personnel du projet l’avait compris, le burití est un excellent exemple d’espèce endémique négligée ou sous-utilisée – c’est à dire une espèce susceptible d’apporter d’immenses avantages en termes de nutrition et de moyens d’existence (et de revenus) à ceux qui la cultive, tout en préservant les écosystèmes et la biodiversité au niveau local, mais dont le potentiel est inexploité.

Un nouveau départ pour la transformation du burití

Afin de faire connaître les produits issus du burití au monde entier, il fallait ensuite améliorer la transformation des fruits. Traditionnellement, cette activité est dévolue aux femmes et requiert beaucoup de travail.

« C’était très difficile et cela prenant beaucoup de temps », dit Eliane das Virgens Ribeiro, présidente de l’association locale de Brejo Dois Irmãos. « On passait la journée assises par terre: on pelait les fruits un à un, on les plaçait au soleil pour qu'ils sèchent, puis on les récupérait, les lavait, les plaçait à nouveau au soleil... ».

Avec l’aide du projet, la communauté a acheté des machines de transformation simples qui pèlent, pressent et écrasent les fruits en une seule fois, extraient le noyau et le jus, et transforment la pulpe en une pâte épaisse, prête à être utilisée dans la fabrication de confiture et de bonbons. Tout d’un coup, ce qui prenait auparavant des jours pouvait être accompli en quelques heures.

« C’est une amélioration considérable pour nous », ajoute Eliane avec une expression mêlée de satisfaction et de soulagement.

Une vue aérienne de la nouvelle usine de transformation. ©William Franca/PSA

Par la suite, le projet a permis à la communauté d’établir une usine de transformation. La construction a été difficile: compte tenu du sol sablonneux et de l’éloignement de Brejo, peu de fournisseurs acceptaient de livrer les matériaux. Parfois, ils les laissaient à mi-chemin et les habitants devaient trouver une solution pour les récupérer. Mais finalement, l’usine a été construite. Aujourd'hui, elle transforme 40 tonnes de fruits par an, et passera bientôt à 50 tonnes.

Grâce au projet, Brejo a été reliée à Internet et les producteurs ont commencé à utiliser les réseaux sociaux pour mettre en avant leurs produits. Ils se sont fait connaître petit à petit et la Slow Food Foundation, association mondiale de défense d’une nourriture saine et durable, a accepté de devenir un partenaire du projet et de promouvoir le burití. Slow Food s’est avéré être un allié précieux pour faire parler des produits de Brejo et vanter leur valeur nutritionnelle et culturelle.

Une transformation globale

Aujourd’hui, toute la communauté participe aux activités menées dans le cadre du projet. Les réunions et les formations sont organisées dans l’école locale. Le projet a investi dans des formations en informatique, en gestion d’entreprise, en administration et en commercialisation. Brejo ne se sent plus coupé du reste du monde.

La transformation du burití a permis d’accroître les revenus des ménages de 30% à 40%, et les nouvelles procédures ont rendu le travail plus égalitaire. En montrant comment un produit traditionnellement fabriqué par des femmes pouvait profiter à l’ensemble de la communauté, ce projet a franchi de nouvelles étapes dans la promotion de l’égalité femmes-hommes.

Les femmes jouent désormais un rôle actif dans les processus de prise de décision: les fonctions de président, de trésorier et de secrétaire de l’association locale de producteurs sont toutes assurées par de jeunes femmes qui ouvrent la voie à l’intégration de leur communauté rurale dans les systèmes alimentaires mondiaux.

Comme l’a dit Litercina Serra, une cultivatrice de burití expérimentée, « Remercions Dieu d’avoir croisé la route de personnes qui ont rendu cette chose belle et merveilleuse possible ».

Découvrez l’action du FIDA au Brésil.