De La Paz à Turco. Un retour aux sources pour le début d’une nouvelle vie

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De La Paz à Turco. Un retour aux sources pour le début d’une nouvelle vie

Temps de lecture estimé: 6 minutes

© FIDA Bolivie/Juan Manuel Rada

Guadalupe Moller vit à Turco, un petit village dans l'ouest rural de la Bolivie, tout près du Chili. Elle a passé la plus grande partie de sa vie à La Paz, la capitale bolivienne, mais il y a quatre ans, elle est retournée à Turco, dont sa famille est originaire. Âgée maintenant de 61 ans, elle entame un chapitre entièrement nouveau de sa vie sur ses terres ancestrales – grâce au Programme de renforcement intégral de la filière des camélidés dans le haut plateau bolivien Pro-Camélidos, appuyé par le FIDA et est mis en œuvre par le Ministère du développement rural et des terres.

Guadalupe et ses parents sont partis s'installer à La Paz quand elle était encore enfant. C'est là qu'elle a grandi, puis a rencontré son mari juste avant de commencer ses études universitaires. Lorsqu'elle a commencé à avoir des enfants, elle a mis un terme à ses études pour se consacrer à leur éducation, tandis que son mari finissait son droit.

Toutes ces décisions ont porté leurs fruits. "Grâce aux efforts que nous avons faits, il nous a été possible d’assurer l’éducation de nos fils, qui ont maintenant de belles situations", déclare-t-elle avec fierté.

Il y a quatre ans, toutefois, lorsque ses fils ont commencé leur vie professionnelle, la famille a dû faire un choix difficile. Le mari de Guadalupe et sa famille, également originaires de Turco, possédaient encore des terres et des troupeaux de lamas dans la région. Dans les zones rurales boliviennes, les droits fonciers sont communaux et dépendent de l'utilisation des terres, de sorte que, en continuant de vivre loin, à La Paz, le ménage courait le risque de perdre les droits de pâturage familiaux. Il ne voulait pas perdre les droits et le troupeau que les parents s'étaient acharnés à constituer et à conserver. Guadalupe a donc décidé de rentrer à Turco et de prendre les choses en main.

Son mari et ses fils sont toutefois restés travailler à La Paz. "C'était à moi de rentrer à Turco, pour m'occuper de toutes nos affaires", explique-t-elle. "Tant d'années après que mes parents aient quitté la région pour donner à leur famille la possibilité d'avoir une vie meilleure, me voilà de retour, pour les mêmes raisons."

Guadalupe pilonne du charque (FIDA Bolivie / Juan Manuel Rada)

Après s'être installée à Turco, Guadalupe a noué des liens d’amitié avec quelques femmes qui lui ont montré comment produire du charque – viande de lama pilonnée, séchée et salée qui est une denrée de base des communautés rurales andines. C'est ainsi que Guadalupe Moller est devenue membre de l'association de productrices agro-alimentaires Suma Kullakas Turco (ADEPASUT), qui se consacre à la transformation de produits de viande de lama.

Guadalupe a commencé avec un troupeau de 120 lamas et alpagas – un nombre non négligeable – pour produire du charque, au départ par des moyens manuels. Elle a eu du mal à démarrer. "Je vendais mes articles ici et là, mais je ne gagnais pas vraiment d’argent", explique-t-elle.

Guadalupe et les autres membres d’ADEPASUT ont alors cherché comment obtenir des prix plus élevés – en partant du principe que, si elles joignaient leurs efforts, elles seraient toutes rapidement récompensées. Il leur fallait toutefois trouver un système répondant aux besoins des membres du groupe qui, parce qu’elles avaient des enfants en bas âge, ne pouvaient pas régulièrement s’absenter de leur foyer. Elles ont donc décidé, non pas d'investir dans des matériels centralisés, mais d'installer des machines de transformation de charque chez elles.

Le projet Empoderar-Deti, qui est un programme du Ministère du développement rural et des terres, leur a fourni les équipements nécessaires pour commencer. Les membres de l'association ont toutefois dû surmonter d’autres problèmes: les équipements qu’elles avaient obtenus étaient très rudimentaires, et elles avaient toujours besoin d'aide pour accroître l'efficacité de leur production, améliorer les conditionnements et se faire connaître. C’est alors que Pro-Camélidos est venu à leur secours. ADEPASUT a pu, grâce à son appui, acheter de nouvelles machines de transformation.

Une membre d’ADEPASUT utilise la nouvelle machine pour produire du charque (FIDA Bolivie / Juan Manuel Rada)

"L'appui que nous a apporté Pro-Camélidos a été crucial. Avant, il était douloureux de pilonner la viande avec des marteaux et des pierres. Nous avions mal aux épaules et nous ne pouvions pas transformer de grandes quantités de viande parce que nos bras finissaient par être trop fatigués. Nous arrivions à grand-peine à produire 14 kilogrammes de charque par jour et nous étions épuisées. Les nouvelles machines nous permettent de travailler plus vite et nous pouvons produire et conditionner jusqu'à 35 kilogrammes de viande par jour – en bien moins de temps", explique Guadalupe.

Pro-Camélidos leur a également fourni des formations et donné des conseils sur la manière d'améliorer leurs conditionnements, de créer une marque commerciale et d'obtenir leur inscription au registre sanitaire. "Nous avons beaucoup progressé grâce à Pro-Camélidos", note Guadalupe, qui ne cache pas sa satisfaction.

ADEPASUT est à présent un groupe soudé de 11 femmes d'âges divers (la plus jeune a 29 ans et la plus âgée, Guadalupe, 61 ans). Elles ont toutes des enfants et beaucoup d'entre elles sont mères célibataires. Bien qu'elles doivent à la fois travailler et élever leurs enfants, elles ont réalisé leur rêve en faisant de la production et de la vente de charque leur principale activité économique – et en en tirant de surcroît profit. Elles vendent l'essentiel de leurs produits aux alentours, dans la région d'Oruro, mais elles utilisent aussi leurs réseaux familiaux pour "exporter" vers La Paz et d'autres grandes villes boliviennes. 

Des membres d’ADEPASUT montrent leur nouvelle marque et le nouvel emballage de leurs produits (FIDA Bolivie / Juan Manuel Rada)

Guadalupe sent qu'elle maintenant gagné en autonomie – et pas seulement sur le plan économique. "Pro-Camélidos m'a aidée à devenir plus active. Il m'a donné la force de travailler plus et de subvenir à mes propres besoins sur le plan financier. Cette entreprise est la mienne; ce n'est plus celle de mon mari, c'est la mienne. Maintenant je n'aurai plus à demander à mes enfants de m’aider lorsque je serai plus âgée, et je pense que je pourrais même les aider s'ils en ont besoin", dit-elle avec beaucoup de fierté.

"Je suis contente d'être à Turco", poursuit-elle. "C'est dur de vivre en ville. Les commerçants comme nous ne font guère de bénéfices et le travail est très dur. Ici nous avons une bonne qualité de vie. Mes enfants me manquent, c'est vrai, mais je reste occupée. Même ma tension artérielle et mon diabète se sont améliorés grâce à l'air frais et à l'alimentation qui est plus saine."

Pour Guadalupe, ce retour aux sources lui a ouvert plus de possibilités qu'elle n’aurait pu l'imaginer.

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