Des systèmes alimentaires autochtones au cœur de la résilience

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Des systèmes alimentaires autochtones au cœur de la résilience

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©FIDA/Francesco Cabras

Partout dans le monde, les peuples autochtones sont les protecteurs de la nature et les gardiens de vastes connaissances et traditions locales, qui sont transmises de génération en génération et grâce auxquelles ils maintiennent un lien étroit avec l’environnement. Les systèmes alimentaires autochtones renferment un trésor de savoirs au service du bien-être et de à la santé, pour le bien des communautés et la préservation de toute la richesse de la biodiversité, en fournissant une grande variété d’aliments nutritifs.

Les territoires traditionnels autochtones abritent 80% de la biodiversité de la planète et les systèmes alimentaires autochtones jouent souvent un rôle majeur dans la conservation de l’environnement. À l’heure actuelle, le nombre de variétés et d’espèces animales et végétales qui sont cultivées, élevées, commercialisées et préservées ne cesse de diminuer. En nous inspirant des systèmes alimentaires autochtones, nous pouvons adopter des solutions intégrées et durables afin d’interagir avec la nature, avec laquelle, rappelons-le, nous formons un tout indissociable.

Quatre représentants de peuples autochtones du Kenya, du Mexique, du Suriname et du Nicaragua nous racontent comment les systèmes alimentaires traditionnels de leurs communautés se sont adaptés face à la pandémie et à la crise climatique.

Victor Lopez-Carmen, qui fait partie de la tribu des Sioux de Crow Creek (Dakota du Sud) et de la tribu des Yaquis (Arizona et Mexique), mène des campagnes internationales de défense des droits humains en tant que membre du Groupe mondial des jeunes autochtones. Il parle des solutions et des atouts qu’offrent les savoirs autochtones, notamment en ce qui concerne l’alimentation.

La colonisation et la marginalisation dont ont été victimes les populations autochtones a bouleversé leurs moyens d’existence et leurs modes de production et de consommation. La mondialisation des marchés menace les systèmes alimentaires des populations autochtones, qui sont de plus en plus dépendantes d’aliments importés – dont beaucoup sont hautement transformés –, ce qui entraîne une aggravation de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition.

L’accès aux marchés ayant été restreint en raison de la COVID-19, de nombreuses populations autochtones ont opté pour la diversification et exploité les savoirs de leurs aînés en matière de culture et de consommation. Elles ont ainsi pu fournir des aliments sains et nutritifs à leurs communautés et devenir plus résilientes. 

Jupta Itoewaki est originaire du Suriname. C’est une militante des droits des peuples autochtones, une femme politique et une mère qui travaille dans le secteur du développement. En 2018, elle a créé la Fondation Mulokot afin de représenter les Wayanas. Elle nous explique comment la pandémie a entravé l’accès des communautés à la nourriture, mais permis de redécouvrir des approches traditionnelles.

Selon Jupta, bien que les Wayanas aient été gravement touchés par la COVID-19, celle-ci n’a pas eu que des effets négatifs. Par exemple, sa communauté a récemment connu d’importantes difficultés d’accès au carburant en raison des mesures de confinement. Plutôt que d’utiliser une partie de leurs réserves en carburant pour réfrigérer leur nourriture, les Wayanas sont revenus à des méthodes de conservation traditionnelles, telles que le fumage et le salage de la viande. Ils ont également adopté une technique particulière pour retirer l’amertume de la variété de manioc cultivée localement, la rendant comestible.

Soucieuse de sa sécurité alimentaire, la communauté de Jupta s’efforce également de parvenir à la souveraineté alimentaire. Les Wayanas exercent leur souveraineté alimentaire en allant dans la forêt pour trouver des aliments traditionnels comme les noix du Brésil, l’açaï et le miel, ainsi que des remèdes naturels. Cette souveraineté veut aussi dire privilégier le maintien des pratiques agricoles plutôt que d’utiliser des techniques néfastes telles que le brûlis. Loin de lui causer des inquiétudes supplémentaires concernant les effets de la pandémie, ces pratiques la remplissent de fierté et de joie.

Emily Rosa Lerosion est une dirigeante autochtone du peuple Samburu, qui vit dans le Laikipia du nord, au Kenya. Elle est la fondatrice et la directrice de The New Dawn Pacesetter, organisation locale de femmes et de jeunes qui s’emploie à défendre les droits des peuples autochtones en renforçant la participation des communautés à la prise de décision. Elle évoque les forces des systèmes alimentaires autochtones, ainsi que les menaces qui pèsent sur eux.

Emily Rosa vient d’une communauté pastorale qui a toujours vécu des produits d’origine animale tels que la viande et le lait. Lorsque l’accès aux marchés a été restreint en raison de la COVID-19, les éleveurs de sa communauté ont pris conscience de la nécessité de diversifier leurs activités. Pour renforcer leur résilience collective, ils ont commencé à s’appuyer sur les savoirs de leurs aînés en ce qui concerne la culture et la consommation de denrées alimentaires. Ils se sont également lancés dans la fabrication d’objets artisanaux qu’ils vendent sur les marchés locaux, activité qu’ils comptent développer après la pandémie. Enfin, ils espèrent promouvoir l’avancement des femmes et renforcer le transfert intergénérationnel de savoirs en matière de production alimentaire au sein de la communauté.

Margarita Antonio est membre des Mosquitos, groupe autochtone de la côte caraïbe du Nicaragua. Elle souligne l’importance de la souveraineté alimentaire et le rôle décisif que jouent les femmes pour garantir l’accès des communautés à des aliments nutritifs. Elle constate que, bien que la pandémie ait exacerbé les problèmes préexistants auxquels faisaient face les peuples autochtones, des mesures fortes ont aussi été prises au niveau local, preuve qu’avoir des organisations solides et ouvertes est essentiel pour la future santé de ces communautés.

Selon Margarita, les organisations locales sont fondamentales pour assurer la prospérité des communautés autochtones. Elle soutient que les organisations autochtones peuvent insuffler de nouvelles forces et bâtir la résilience. Elle estime aussi qu’il est important que les communautés autochtones trouvent elles-mêmes les solutions aux difficultés qu’elles rencontrent et y adhèrent pleinement.

Les projets appuyés par le FIDA ciblant les peuples autochtones visent à assurer la protection, la promotion, la réintroduction ou la relance des variétés végétales locales traditionnelles, des systèmes alimentaires, des systèmes semenciers, de l'agrobiodiversité et des systèmes agroécologiques dans leur ensemble. Pour en savoir plus, rendez-vous à la cinquième réunion mondiale du Forum des peuples autochtones, qui aura pour thème central "La valeur des systèmes alimentaires autochtones: résilience dans le contexte de la pandémie de COVID-19".