Financer l’action climatique pour que le carbone reste à sa place, sous terre

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Financer l’action climatique pour que le carbone reste à sa place, sous terre

Temps de lecture estimé: 5 minutes

Durant plusieurs mois, en 2015, le ciel de l’Asie du Sud-Est s’est paré d’une inquiétante couleur orangée. À la faveur du phénomène météorologique connu sous le nom d’El Niño, les tourbières dégradées et asséchées d’Indonésie ont pris feu, et le carbone qu’elles renfermaient depuis des millénaires a été libéré dans l’atmosphère, brûlant 2,6 millions d’hectares de terres dans le pays insulaire et causant l’une des pires catastrophes environnementales de notre siècle.

Jusqu’à 57 gigatonnes de carbone sont emprisonnées dans les tourbières marécageuses indonésiennes. En plus d’accumuler du carbone, ces points chauds de la biodiversité abritent des espèces menacées, comme l’orang-outan. Malgré leur importance, l’exploitation forestière intensive les rend vulnérables aux incendies.

On estime que les fumées produites en 2015 ont entraîné la mort de 100 000 personnes supplémentaires en Indonésie, en Malaisie et à Singapour, et dégagé plus de CO2 que l’Union européenne sur la même période.

Ces conséquences désastreuses auraient pu être évitées si de véritables investissements avaient été faits pour lutter contre les changements climatiques. C’est ce que l’on appelle les financements climatiques.

C’est quoi, les financements climatiques?

Les financements climatiques consistent à atténuer les émissions de gaz à effet de serre ou à aider les communautés à s’adapter aux évolutions que l’on sait inévitables. Ces fonds sont essentiels pour empêcher les pires scénarios climatiques de se concrétiser et pour protéger les plus vulnérables d’un effondrement climatique dont ils ne sont pas responsables.

Les financements climatiques au service des mesures et des réglementations

Le Fonds pour l'environnement mondial a alloué plus de 4,7 millions d’USD que le FIDA destine à la mise en œuvre de l’initiative Gestion durable des écosystèmes de tourbières en Indonésie.

Cette initiative permet la mise en œuvre de la réglementation nationale relative aux tourbières qui a pour objectif de recenser et de restaurer les zones humides asséchées, ainsi que d’une stratégie sur 30 ans pour les tourbières, qui set de modèle à d’autres pays de la région.

Les financements climatiques au service des populations

Des soldats s’efforcent d’éteindre les incendies en Indonésie en 2015. L’initiative Gestion durable des écosystèmes de tourbières en Indonésie vise à recenser et restaurer les zones humides asséchées. © Aulia Erlangga/CIFOR

Pour être couronnées de succès, les politiques publiques nationales doivent s’appuyer sur celles et ceux qui sont en première ligne. C’est pourquoi l’action climatique doit être financée sur le terrain.

En Indonésie, le mode de vie des petits exploitants agricoles ruraux est fortement lié aux tourbières. Ce sont donc les mieux placés pour recevoir les financements climatiques et ainsi préserver ces zones critiques de biodiversité, prévenir leur dégradation et faire en sorte que le carbone reste à sa place, qui est sous terre. En agissant dans ce sens, l’initiative Gestion durable des écosystèmes de tourbières en Indonésie améliore les conditions de vie à l’échelle locale, permettant aux communautés de devenir les fers de lance de la protection environnementale.

Les participants au projet élaborent des plans généraux qui comprennent des activités visant à restaurer les tourbières dégradées, par exemple en bouchant les canaux de drainage afin de rétablir le niveau d’eau et d’humidité des tourbières, et à redynamiser les moyens d’existence grâce à l’aquaculture ou la culture de légumes. Ces groupes communautaires apprennent de leurs homologues d’autres districts, et collaborent avec les entreprises et les autorités locales sur le contrôle des incendies et la gestion de l’eau.

Et les résultats sont au rendez-vous.

  • Les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 19,2 millions de tonnes.
  • 300 000 hectares de palmiers à huile et de forêt sont gérés avec de meilleures pratiques agricoles.
  • 22 000 personnes vivent dans des zones où des retenues d’eau ont été installées sur les canaux, permettant de restaurer les tourbières tout en fournissant de l’eau pour l’agriculture et l’aquaculture.

Des financements climatiques sur le terrain

Des tourbières en bonne santé améliorent les moyens d’existence des communautés locales. © Initiative Gestion durable des écosystèmes de tourbières en Indonésie

Aswiri est un cultivateur de noix de coco et de noix dont le village, Rambian, a été transformé par les améliorations apportées aux canaux dans le cadre de l’initiative.

« Avant le projet, le canal était sec et la terre stérile », explique-t-il. « Des plantes comme les bananes ou les noix d’arec ne pouvaient pas pousser ». La région était en proie à des incendies fréquents pendant la saison sèche.

Aujourd’hui, grâce au système de retenue, le niveau d'eau remonte et les tourbières reprennent vie. Si un incendie se déclenche, les barrages contiennent suffisamment d’eau pour l’éteindre rapidement. Ceux-ci fournissent aussi de l’eau pour les cultures. « Les cocotiers qui ne donnaient aucun fruit en produisent désormais beaucoup », dit Aswiri.

Ces tourbières en bonne santé font non seulement partie de l’environnement naturel du village de Rambian et de ses habitants, mais elles sont aussi intrinsèquement liées à la prospérité de leurs moyens d’existence. Les préserver a aussi un sens d’un point de vue économique.

Les financements climatiques, ça marche

Lorsque les financements climatiques arrivent jusque sur le terrain, des agriculteurs comme Aswiri ont les moyens de protéger leurs moyens d’existence et leur environnement immédiat, préservant ainsi la qualité de l’air pour des millions de personnes en Asie du Sud-Est et protégeant la planète.

La bonne nouvelle, c’est que les financements climatiques ont presque doublé entre 2011 et 2020, avec des engagements qui s’élèvent en moyenne à 480 milliards d’USD chaque année dans le monde. La mauvaise nouvelle, c’est que ce montant reste insuffisant: on estime que les fonds nécessaires sont cinq à dix fois supérieurs au financement alloué à l’adaptation à l’échelle internationale. Et les petits producteurs agricole reçoivent moins de 2 % des financements climatiques à l’échelle mondiale.

Des initiatives, comme le programme ASAP+ du FIDA, aident les petits producteurs à s’adapter et à renforcer leur résilience face aux changements climatiques mais davantage doit être fait.

Désormais, avec la pandémie de COVID-19, les conflits et les perturbations économiques partout dans le monde, il est plus important que jamais d’encourager les secteurs public et privé à acheminer les financements climatiques jusqu’aux populations rurales et aux petits producteurs qui sont en première ligne de cette grave crise climatique.