Food loss reduction: a solution to global hunger?

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Réduction des pertes alimentaires: un moyen d'éliminer la faim dans le monde?

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L'un des plus grand défis auquel l'humanité doit aujourd’hui faire face est de parvenir à nourrir une population qui ne cesse de s'accroître. Bien que la famine ne fasse plus que rarement la une des journaux, elle demeure un problème lancinant dans de nombreux pays, avec un nombre estimé à 821 millions de personnes sous-alimentées dans le monde. Depuis des décennies, gouvernements et bailleurs de fonds accroissent leurs investissements dans la production alimentaire pour tenter de surmonter ce problème. Et si la solution se trouvait ailleurs?

Sept ans ont passé depuis que la FAO a estimé qu'environ un tiers de la nourriture produite dans le monde était soit perdue soit gaspillée. On le sait, une grande partie de ce gaspillage a lieu dans les pays riches, où beaucoup de denrées alimentaires sont jetées aux ordures ou non consommées. Ce qui est plus surprenant, c'est que d'énormes quantités de nourriture se perdent aussi dans les pays les plus pauvres, ceux-là mêmes qui comptent les plus grands nombres d'habitants ne mangeant pas à leur faim. La plupart de ces pays subissent des niveaux élevés de "pertes après récolte", à cause du traitement inapproprié des produits agricoles une fois récoltés.

La dernière fois que je me suis rendu au Rwanda, c'était en juillet 2018. Comme dans de nombreux autres pays d'Afrique subsaharienne, l'agriculture est le pilier de l'économie. Dans ce pays densément peuplé, plus de 70% de la population active est employée dans le secteur agricole. À l'issue des récoltes, la majeure partie des produits agricoles sont traités chez eux par les paysans, qui ont recours à des pratiques rudimentaires, se traduisant souvent par des produits de piètre qualité et de lourdes pertes après récolte.

Pour les agriculteurs que j'ai rencontrés, le problème est en grande partie lié aux changements climatiques. Ainsi, sous l'effet de l'évolution du régime climatique, les récoltes de maïs ont actuellement lieu au pic de la saison des pluies. La plupart des paysans n'ont pas accès à des installations de séchage satisfaisantes, et ne peuvent donc pas faire sécher suffisamment leurs produits avant de les stocker. Conséquences: infestations de ravageurs, moisissures et contamination. Il en résulte que de grandes quantités de maïs sont soit immangeables, soit invendables.

C'est un réel problème et les chiffres disponibles le confirment. D'après le Système d'information africain sur les pertes après récolte (APHLIS) – la première source de statistiques sur le sujet en Afrique –, les pertes subies dans la chaîne d'approvisionnement du maïs au Rwanda pourraient atteindre jusqu'à 22% du volume total. Les pourcentages sont tout aussi alarmants pour d'autres cultures dans d'autres pays d'Afrique subsaharienne, avec des pertes moyennes de céréales estimées à 13,5% à l'échelle du continent.

Réduire ces pertes serait donc une arme contre la faim bien plus efficace que d'augmenter la productivité. Selon les statistiques publiées par la Banque mondiale dans un rapport de 2011, l'élimination des pertes de céréales dans la seule Afrique subsaharienne pourrait couvrir les besoins annuels en calories de quelque 48 millions de personnes. Qui plus est, cet accroissement ne serait pas néfaste pour l'environnement, puisqu'il ne nécessiterait pas davantage de ressources (eau, terres et énergie) par rapport à la situation actuelle.

Cela dit, il est difficile d'isoler le problème des pertes après récolte de la question du sous-développement rural en général. En effet, ces pertes sont en grande partie dues au manque d'infrastructures et de matériel approprié, qui caractérise de nombreuses économies en développement. En fait, il faudrait une refonte complète du secteur rural et de ses filières, qui éviterait toutes les pertes.

Dans un nombre croissant de projets, le FIDA adopte une approche globale qui vise à améliorer l'efficience d'ensemble d'une filière par le renforcement des capacités de tous les acteurs concernés. D'après une étude interne, le FIDA a consacré, au travers de projets de ce type, quelque 433 millions de dollars aux opérations d'après récolte entre 2013 et 2016. À terme, les infrastructures, le matériel et les capacités qui sont le fruit de ces investissements permettront aussi aux producteurs de réduire leurs pertes.

Toutefois, des interventions plus ciblées sont parfois nécessaires pour réduire les pertes à certains points critiques, comme nous l'avons fait par exemple au Timor-Leste en subventionnant l'achat de 42 000 fûts de stockage renforcés pour les besoins des ménages. On peut cependant affirmer que le développement profond et durable des communautés rurales qu'ont permis  nombre de nos projets est plus efficace que des interventions isolées, dont l'impact est peut-être plus immédiat et mesurable mais dont l'avenir est plus incertain.

Réduire les pertes de production alimentaire est tout aussi important qu'accroître les rendements, surtout dans un contexte d'évolution des conditions climatiques. Mais le moyen le plus efficace de mettre fin à ces pertes est encore d'adopter une approche d'ensemble, qui intègre soigneusement la réduction des pertes après récolte à chaque étape des filières d'approvisionnement ciblées, depuis la production jusqu'à la vente au détail. Correctement financée et appliquée, cette méthode pourrait être la clé de l'instauration de systèmes alimentaires plus durables, où chacun pourrait être nourri correctement sans nuisance supplémentaire pour notre environnement.