Les projets de développement distribuant des subventions fonctionnent. Mais comment – et quand?

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Les projets de développement distribuant des subventions fonctionnent. Mais comment – et quand?

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Une opinion communément admise depuis longtemps voudrait que verser des subventions aux petits exploitants agricoles ne produise, au mieux, que des effets temporaires. Mais notre récente étude sur un projet distribuant des subventions mis en œuvre par PRICE, une initiative financée par le FIDA au Rwanda, a montré que les bénéfices de celle-ci duraient depuis cinq ans et continuaient de se faire sentir.

Comment les subventions fonctionnent-elles et qu’apportent-elles?

Les interventions s’appuyant sur des subventions (appelées aussi tout simplement des « subventions ») prennent généralement la forme de contributions en espèces ou en nature, qui sont versées aux petits producteurs (agriculteurs et autres acteurs de la filière) ayant besoin d’une assistance financière. Elles ont pour but de les aider à démarrer ou faire grandir leur activité économique, par exemple, à créer une nouvelle entreprise ou à investir dans une affaire existante.

Toutefois, ces subventions sont généralement difficiles à mettre en place et leur efficacité dépend en partie de leurs bénéficiaires et de leur investissement dans des activités productives. Par exemple, si les bénéficiaires ont déjà accès à des services financiers, leur verser des subventions n’aura que peu d’effets.

Au lieu d’allouer des subventions directement, le projet PRICE tente de déjouer ces difficultés en appliquant un système de critères. Les responsables du projet ont demandé aux entrepreneurs participants de soumettre des plans d’affaires, qu’ils ont examinés à l’aune de certains critères. Ceux dont les plans ont « passé le test » ont reçu une lettre de recommandation qu’ils ont pu présenter à une banque ou une institution de microfinance, et utiliser comme document afin d’appuyer leur demande de prêt. Pour ceux qui ont effectivement obtenu un prêt et après remboursement de la moitié de celui-ci, PRICE a pris à sa charge les 50 % restants.

Mais comment ce projet s’est-il précisément traduit en bénéfices à long terme – et pourrait-il avoir d’autres effets encore?

Plongée au cœur du projet PRICE

Afin de déterminer ces effets, nous avons comparé 331 foyers dont les plans d’affaires ont obtenu un score à peine supérieur au seuil établi (et qui ont donc été appuyés), avec les 1 190 foyers n’ayant pas satisfait aux critères et n’ayant donc pas bénéficié du projet.

Les résultats montrent que, contrairement aux autres, les foyers bénéficiaires ont accru leurs revenus agricoles et totaux. De plus, ils ont recruté davantage de main d'œuvre (et donc créé des emplois), et augmenté leurs actifs durables et leurs têtes de bétail.

Pierre Kanyarwanda, l’un des participants au projet PRICE, tient à la main des feuilles de mûrier destinées à nourrir ses vers à soie ©IFAD/Edward Echwalu

Naturellement, ces résultats soulèvent de nombreuses questions sur les circonstances propices à une issue positive des subventions. Une explication possible est que, dans les situations où les petits exploitants agricoles ont un accès limité au financement (comme c’est le cas au Rwanda), le fait d’accéder ne serait-ce qu'une fois au capital peut faire une grande différence. Une autre est que, dans les situations où les petits exploitants agricoles disposent d’un certain capital mais hésitent à prendre un risque, les subventions constituent l’appui dont ils ont besoin pour procéder à des investissements risqués mais extrêmement rentables (puisqu’un recouvrement partiel des coûts est garanti).

En outre, nous avons constaté une hausse des salaires et des revenus issus des services, ainsi que des revenus agricoles. Ces conclusions sont cohérentes avec les dynamiques globales en matière d’emploi au Rwanda, pays qui, au cours des dernières années, a délaissé les activités indépendantes pour les emplois salariés et les services. Une étude plus approfondie indique que ceci pourrait être le résultat du projet PRICE, qui a donné à des foyers les moyens d’engager des travailleurs dans le cadre de leur activité horticole, permettant ainsi aux membres de ces mêmes foyers d’accéder à des emplois salariés et de services. Par ailleurs, la participation à plusieurs activités économiques suggère que les foyers étendent leur offre (c’est à dire diversifient leurs revenus) dès qu’ils le peuvent.

Un autre facteur, moins étudié celui-ci, est le rôle des subventions dans l’établissement de liens entre les petits exploitants agricoles et les institutions financières. Il est possible que, en donnant aux entrepreneurs la possibilité de travailler directement avec ces institutions, le projet ait créé des relations commerciales à long terme destinées à s’approfondir.

Trois enseignements

Parmi ces observations générales, nous avons tiré trois enseignements clés susceptibles d’être pertinents pour d’autres chercheurs et concepteurs de projets.

Tout d’abord, l’une des principales difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés est le faible taux de subventions effectivement versées. Selon notre étude, seul un tiers des entreprises appuyées ont fini par obtenir des subventions. Par ailleurs, de nombreux participants ont estimé que le processus de sélection était trop long et ont fait état d’un délai trop important entre la soumission du plan d’affaires et le versement des subventions. Améliorer l’efficacité lors de la phase de vérification (par exemple, en procédant à l'évaluation du plan d’affaires et à la vérification sur le terrain simultanément) pourrait peut-être accroître la qualité globale des demandes de prêt et leur taux d’approbation. Nous pensons que cela permettrait également de raccourcir les délais de paiement et d’augmenter le nombre de subventions effectivement versées.

Deuxièmement, près de la moitié des entreprises soutenues ont pu obtenir un prêt. Bien que cela constitue un progrès par rapport aux chiffres moyens des programmes de microfinancement, il ne s’agit globalement pas d’un bond significatif. Grâce à une analyse approfondie, il est apparu que les participants attribuaient le faible taux d’obtention de prêt à la rigueur des processus de sélection, tandis que les institutions financières l’attribuait à un manque de liquidité. Il y a là une multitude de chances à saisir pour les organisations de développement international, qui pourraient collaborer avec des institutions financières locales afin d’élargir leur assise financière et leur portée. Plus particulièrement, adapter la flexibilité des remboursements de prêt aux flux de trésorerie de chaque entreprise (en particulier en tenant compte de la saison précédant les récoltes), et mettre en place des procédures de validation des prêts rapides et simples permettrait de stimuler les demandes de prêt et l’offre des institutions financières locales.

Enfin, bien que les participants aient été sélectionnés sur la base du score attribué à leur plan d’affaires, il convient de garder à l’esprit qu’il n’existe qu’une corrélation faible entre le score d’une petite entreprise et sa rentabilité potentielle globale. Comme cela a été établi dans d’autres contextes, il est difficile de prévoir les résultats économiques (comme les revenus) sur la base d’une seule variable (comme le score obtenu). Ainsi, pour sélectionner des entrepreneurs ayant de grandes chances de réussir, il est indispensable de tenir compte d’autres indicateurs, comme des variables liées à la démographie et aux infrastructures (notamment l’âge, le sexe, le nombre de membres de la famille, le niveau d’éducation, la qualité du logement, et l’accès à l’électricité et aux infrastructures routières) dans le cadre de l’évaluation globale.

Marup Hossain et Athur Mabiso sont économistes à la Division recherche et évaluation de l'impact du FIDA.

L' étude est consultable dans son intégralité ici.

Découvrez l’action du FIDA au Rwanda.