Investir dans l'irrigation à petite échelle - Défis et perspectives

IFAD Asset Request Portlet

Agrégateur de contenus

Investir dans l'irrigation à petite échelle - Défis et perspectives

Temps de lecture estimé: 6 minutes
©FIDA/Lana Slezic

Dans le monde arabe, de nombreux pays comptent sur l’irrigation pour accroître la production, réduire la dépendance à l’égard de précipitations imprévisibles et peu abondantes, et garantir aux exploitants agricoles pauvres sécurité alimentaire, revenu et emploi. Cette dépendance s’aggravera probablement en raison des changements climatiques: le Sixième Rapport d’évaluation du GIEC décrit dans la région des tendances à l’augmentation de la sécheresse et de l’aridité, d’une part, et à des précipitations catastrophiques, de l’autre.

Les pays ont généralement recours à de grands aménagements d’irrigation, mais ces infrastructures sont souvent peu durables et sont insuffisamment développées et entretenues par les pouvoirs publics et les acteurs concernés.

En revanche, les petits périmètres irrigués fonctionnent généralement bien, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’une planification attentive dès le départ afin de ne pas succomber sous la complexité des dispositions à la fois techniques et organisationnelles.

Le succès de la petite irrigation est fondé sur une infrastructure efficiente, climato‑compatible, résiliente et financièrement viable. Plus important encore, l’infrastructure hydraulique devrait permettre une utilisation rationnelle de l’eau et l’intégration de solutions techniques faisant appel à des sources d’énergie renouvelable.

Les modèles d’agriculture reposant sur la petite irrigation peuvent varier et concerner des exploitants pris individuellement ou des agrégateurs, comme les organisations de producteurs, les dispositifs d’agriculture contractuelle, et des négociants et collecteurs d’intrants agricoles. Ces modèles présentent des différences en ce qui concerne la gestion quotidienne, la gouvernance, les mécanismes de paiement, et les modalités d’utilisation de l’eau et de régime foncier. Il est essentiel de choisir le modèle adapté au contexte.

Le FIDA a exploré de nombreuses formes d’intervention pour répondre aux besoins des petits exploitants agricoles, et notamment les techniques de collecte, de stockage et d’utilisation efficiente de l’eau, et pour intégrer les énergies renouvelables dans les projets, nouveaux ou en cours.

Collecte de l’eau

La collecte de l’eau à partir de captages, de toits, de cours, de routes et d’autres surfaces dures peut constituer, dans certaines zones, une source d’eau supplémentaire – voire principale. Selon des études réalisées au Burundi, en Inde, en Ouganda et en République-Unie de Tanzanie, les activités de collecte de l’eau peuvent accroître la production agricole de 60 à 100%.

Au Liban, un projet financé par le FIDA a permis de faire face à la détérioration de ressources en terre et en eau et à la croissance démographiques grâce à la création de terrasses sur des flancs de collines abrupts, à la conservation des sols, à la plantation d’arbres fruitiers à haut rendement, et au stockage de l’eau de ruissellement érosif dans des mares, en vue d’une irrigation complémentaire en été. Ainsi, les agriculteurs ont évité l’érosion des ressources naturelles, accru sensiblement leur revenu agricole et créé des emplois.

Adduction et application de l’eau

Les canaux en terre à ciel ouvert et l’irrigation de surface sont utilisés pour plus de 95% des terres irriguées dans le monde. Ces systèmes peuvent entraîner un énorme gaspillage par rapport aux canalisations ou aux canaux revêtus pour l’adduction d’eau, ou pour l’irrigation au goutte à goutte et par aspersion pour l’application de l’eau.

En Égypte, le Projet de développement de l’irrigation en exploitation sur les terres anciennes (ou OFIDO) appuyé par le FIDA a permis l’introduction d’un système de canalisations souterraines à faible pression pour remplacer les systèmes traditionnels à revêtement en terre, et, par conséquent, l’augmentation d’au moins 20% de l’efficience de l’utilisation de l’eau et une répartition plus équitable. La main‑d’œuvre utilisée pour l’irrigation et les pertes d’eau ont été réduites, et les exploitants agricoles ont participé aux travaux d’associations d’usagers pour faciliter le fonctionnement et l’entretien du système. Les pompes diesel ont été remplacées par des pompes électriques, ce qui a permis de diminuer leur nombre et leur coût et de réduire les émissions de carbone.

Ailleurs, dans le cadre de plusieurs études menées par l’Agence des États-Unis pour le développement international, un ensemble de mesures associant l’irrigation au goutte à goutte, l’énergie solaire et les pratiques agricoles de conservation ont été menées dans la région Amhara en Éthiopie. Cet ensemble de pratiques a contribué à réduire de 30% la consommation d’eau des exploitations horticoles. La productivité de la main-d’œuvre a été multipliée par dix, les rendements ont augmenté de 15 à 30% et le revenu annuel des exploitations s’est accru de 2 700 USD par hectare. Ces ensembles de pratiques offrent donc d’importants avantages connexes.

Financement de la petite irrigation

Ces succès peuvent être reproduits ailleurs, avec des adaptations spécifiques au site. Il n’en subsiste pas moins, pour la petite irrigation, un déficit mondial de financement de 80 milliards d’USD.

La solution adoptée dans le cadre du projet OFIDO en Égypte a consisté à mettre en œuvre un outil de préfinancement des interventions visant à améliorer l’irrigation, avec un mécanisme de recouvrement des coûts par lequel le coût total serait supporté par les agriculteurs sur une période de 20 ans. La subvention du Gouvernement égyptien a permis de neutraliser l’inflation et les frais d’intérêt qui auraient autrement représenté une part importante du coût réel des interventions. Ce mode de financement mixte a encouragé les agriculteurs à passer à une agriculture productive, économe en eau et, surtout, respectueuse de l’environnement.

Les dépenses de fonctionnement et d’entretien peuvent être intégralement financées par les groupements d’agriculteurs. Les projets d’irrigation doivent inclure des stratégies de sortie définissant comment seront financées les activités de fonctionnement et d’entretien, de manière à garantir la durabilité des infrastructures. Les agriculteurs sont ainsi encouragés à utiliser des techniques efficientes et économes en eau et des technologies fondées sur des sources d’énergie renouvelable.

Établissement de partenariats

Les collaborations constituent un important moyen d’accroître l’efficacité de l’aide, grâce à la mobilisation de ressources et à la promotion de nouvelles sources de financement pour parvenir à l’échelle requise et mettre en œuvre des solutions technologiques diversifiées.

L’intégration de fournisseurs du secteur privé parmi les prestataires de services peut contribuer à adapter des solutions technologiques rentables aux besoins des petits exploitants agricoles, tout particulièrement dans les domaines de la micro-irrigation et des énergies renouvelables. À cet effet, les acteurs du secteur privé chevronnés doivent jouer un rôle de partenaires, et pas seulement de fournisseurs, les coûts pouvant être réduits au moyen d’initiatives pilotes menées avant la mise sur le marché de kits technologiques évolués.

Solutions climato-compatibles

L’une des priorités de la COP 26, le sommet de cette année sur les changements climatiques, consistera à aider les petits exploitants agricoles à s’adapter à l’évolution des conditions et à prévenir ainsi l’insécurité alimentaire et la perte de moyens d’existence. Pour les agriculteurs du monde arabe, qui subissent de plein fouet les changements climatiques, il est essentiel d’agir maintenant. Il conviendrait de placer au cœur de ces efforts des approches innovantes du financement d’une petite irrigation climato-compatible, qui permet de conserver l’eau et l’environnement et d’augmenter les rendements et la productivité.

 

Une version de ce blog a été présentée au cinquième Forum arabe sur l’eau, qui s’est tenu à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, du 21 au 23 septembre 2021.