L’adduction d’eau donne la main verte aux agriculteurs du Bhoutan

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L’adduction d’eau donne la main verte aux agriculteurs du Bhoutan

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Encore récemment, il était impossible de faire pousser des légumes à Ngarpongtang, malgré la végétation luxuriante qui entoure ce village du Thangrong au Bhoutan. "Avant, je devais me rendre dans d’autres villages pour échanger du bois de pin contre des légumes", témoigne Wangdi, un agriculteur de 54 ans. "Nous n’arrivions pas à faire pousser des légumes ici".

L’eau était une ressource rare dans ce coin reculé du pays himalayen. "Je n’ai connu les terres de Ngarpongtang que sèches", note Lhuendup, le chef du village. "Il ne pleut jamais plus de 41 jours par an". Quand elles surviennent, disent les villageois, les précipitations sont irrégulières, et cette tendance s’accentue au fil des ans.

L’endroit le plus proche où l’on trouve invariablement de l’eau est une source située à plus de 10 kilomètres du village. Jusqu’au milieu de 2019, un conduit reliait cette source au village. Des familles marchaient une heure et demie jusqu’à la source pour s’approvisionner en eau. À peine y en avait-il assez à boire pour les 47 ménages du village et leur bétail. Aussi, la quantité d’eau ne suffisait certainement pas pour irriguer quoi que ce soit d’autre que le maïs, la culture de base, malgré des conditions agroclimatiques favorables.

Désormais, en 2020, les agriculteurs comme Wangdi font pousser assez de légumes pour nourrir leur famille et vendre le reste de leur production sur les marchés locaux. "J’ai un potager de 120 mètres carrés, maintenant", déclare Wangdi. Que s’est-il passé?

Le centre public de recherche et de développement agricoles, sis à Wengkhar, a montré que l’accès insuffisant à l’eau rendait le village tributaire des aléas climatiques pour ses besoins même les plus élémentaires. Réalisée dans six districts en partenariat avec le Programme d'amélioration de l'agriculture commerciale et de la résilience des moyens d’existence, soutenu par le FIDA, une évaluation participative de la vulnérabilité a en outre mis en lumière le rôle important du système d’eau pour renforcer la résilience climatique dans des localités comme Ngarpongtang.

Entre mars et juin 2019, le centre et le programme susmentionnés ont œuvré ensemble, avec le concours de villageois qui leur ont prêté main-forte, à la conception, à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un système de récupération d’eau de source. Ainsi, Ngarpongtang est désormais équipé d’un conduit souterrain d’alimentation en eau relié à un réservoir de stockage qui, depuis les hauteurs du village, alimente le réservoir d’eau de chaque foyer. Grâce à ce dispositif jugé résilient d’un point de vue climatique, cette communauté rurale reculée ne dépend plus de l’eau de pluie pour sa subsistance.

Lhuendup (42 ans) constate que cet approvisionnement fiable en eau offre quantité de nouvelles possibilités aux agriculteurs de la région. L’eau étant désormais disponible à deux pas de chez eux, ceux-ci peuvent entretenir un potager en plus de l’élevage de bétail, ce qui aurait été impossible auparavant. "Aujourd’hui, nous avons tous un réservoir d’eau et un arroseur pour l’irrigation. L’arroseur nous permet de répartir l’eau de façon homogène sur notre champ et de maintenir nos cultures maraîchères à la bonne température. Je peux envisager de planter des variétés de légumes que je ne pouvais pas faire pousser avant", explique-t-il.

Wangdi partage ce constat: "Je commence tout juste à avoir assez d’eau pour mon potager. Je prévois d’étendre progressivement la surface de mes plants de légumes afin de pouvoir en vendre davantage sur le marché local et d’augmenter mes revenus. Jusqu’ici, je ne pouvais vendre que du fromage, du beurre et des œufs. C’est bien de se diversifier", ajoute-t-il.

C’est non seulement la première fois que des agriculteurs de la région font pousser des légumes, mais nombre d’entre eux se retrouvent même avec un excédent de production, explique l’agent de vulgarisation agricole en charge de la zone. "À eux tous, ils ont atteint un surplus d’environ 0,825 tonne métrique de légumes, ce qui est assez remarquable. Ils ont mis cette production excédentaire en vente sur le marché local. Bientôt, ils auront également une récolte de pommes de terre", affirme Chungku.

Beaucoup d’autres villages du Bhoutan font face à des défis analogues liés au manque d’eau persistant conjugué aux risques engendrés par les changements climatiques. Plus de la moitié de la population réside en zone rurale et vit de l’agriculture. Du fait des précipitations irrégulières, des conditions météorologiques extrêmes, de l’élévation des températures et de la topographie montagneuse du pays, certaines régions ont un sol trop sec, tandis que d’autres sont le théâtre d’inondations et de glissements de terrain. Le partenariat entre le centre de recherche et de développement agricoles et le Programme d'amélioration de l'agriculture commerciale et de la résilience des moyens d’existence a permis de recenser et d’utiliser avec succès des technologies propres à remédier aux problèmes rencontrés à Ngarpongtang. Prochaine étape: obtenir les mêmes résultats dans d’autres régions, afin que leurs habitants puissent à leur tour sécuriser durablement leur approvisionnement en eau et cultiver des potagers.