L'herbe est-elle toujours plus verte là où il pleut?

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L'herbe est-elle toujours plus verte là où il pleut?

Temps de lecture estimé: 5 minutes
©FIDA/Ivor Prickett/Panos

Les sécheresses intenses et l’épuisement des eaux souterraines ont des répercussions majeures à la fois sur l’agriculture et l’économie de la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Les petits exploitants agricoles qui se nourrissent et gagnent leur vie grâce à l’agriculture sont les plus exposés à ces répercussions, en particulier dans les zones qui dépendent de l’eau souterraine. 

On estime que les sécheresses devraient à elles seules faire chuter le PIB régional jusqu’à 6% d’ici 2050. Alors les autorités de la région s’efforcent de limiter les pertes liées aux cultures. En Jordanie, par exemple, dans le cadre de campagnes de sensibilisation et grâce à des subventions, le Gouvernement encourage les agriculteurs à utiliser des technologies d’irrigation peu gourmandes en eau, comme le goutte-à-goutte, les capteurs d’humidité des sols et les systèmes automatiques.

Alors même que la plupart des exploitants utilisent ces technologies depuis plus de 20 ans, le niveau d’eau continue de baisser au rythme inquiétant d’un mètre par an.

Que pouvons-nous donc faire pour lutter contre l’épuisement des eaux souterraines?

Une histoire de perception

Les résultats d’une récente étude de l’Institut international de gestion des ressources en eau et de Texas A&M AgriLife suggèrent que les perceptions de la pénurie d’eau influent davantage sur la manière dont les agriculteurs irriguent que les technologies d’irrigation en elles-mêmes.

Cette étude, qui a porté sur près de 400 exploitations agricoles commerciales des hauts plateaux de Jordanie, a montré que les agriculteurs qui avaient connu des pénuries d’eau et des pertes agricoles par le passé avaient tendance à irriguer plus souvent que recommandé (4% de risque en plus), et se fiaient davantage à leur propre jugement qu’à des outils tels que les calendriers des cultures et les humidimètres pour déterminer les besoins d’irrigation (19% de risques en plus).

Ces perceptions accroissent la probabilité de gestes plus néfastes que bénéfiques. Par exemple, un quart des agriculteurs qui avaient connu des pénuries d’eau par le passé ont dit irriguer leurs oliviers chaque jour afin de réduire les risques de pertes. Paradoxalement, les irriguer quotidiennement peut, en réalité, réduire la quantité et la qualité des rendements.

Des services fiables pour les agriculteurs

L’étude a également montré que les agriculteurs qui demandaient conseil à des professionnels de l’irrigation n’augmentaient pas leur fréquence d’irrigation et ne se fiaient pas excessivement à leur propre jugement, même s’ils avaient fait l’expérience de pénuries par le passé. Cela indique que la qualité des services de conseil en matière d’irrigation peut aider les agriculteurs à prendre conscience du fait que leurs actions peuvent avoir des répercussions sur plusieurs facteurs, comme le taux d’épuisement des eaux souterraines, les coûts de pompage et même leurs revenus.

Il y a encore de nombreuses pistes à explorer pour améliorer ces services de conseils et leurs bénéfices potentiels. Par exemple, le fait d’adapter l’accompagnement des agriculteurs à l’ampleur du manque d’eau et des pertes agricoles de chacun, ainsi qu’à la taille de son exploitation et à ses cultures, pourrait leur permettre de prendre de meilleures décisions en matière d’irrigation et, par conséquent, de réduire le taux d’épuisement des eaux souterraines.

Cela étant dit, la technologie n’est pas une solution miracle qui résoudra le problème des eaux souterraines. Nous devons faire en sorte de mieux comprendre pourquoi les agriculteurs choisissent d’irriguer comme ils le font et dans quelle mesure ces choix sont déterminés par les expériences vécues. Cela nous permettra d’améliorer la qualité de nos conseils. Alors que le monde est aux prises avec les effets toujours plus grands des changements climatiques, chaque geste fait pour préserver les ressources d’eau souterraine est un pas de plus vers l’adaptation des petits exploitants agricoles.

L’étude sur la Jordanie est la dernière publication de la Série – IFAD Research. Elle est consultable dans in intégralité ici.Découvrez l’action du FIDA en Jordanie.


 

Kashi Kafle est assistant d’enseignement en responsabilité, climat et équité dans le cadre du programme de bourses de la Texas A&M University. Auparavant, il a travaillé pour l’Institut international de gestion des ressources en eau, le FIDA et la Banque mondiale, et jouit de plusieurs années d’expérience dans l’élaboration et la mise en œuvre d’enquêtes auprès des ménages et des agriculteurs dans les pays en développement.

Soumya Balasubramanya est économiste principale spécialisée dans les pratiques mondiales en matière d’environnement à la Banque mondiale. Auparavant, elle a travaillé pour l’Institut international de gestion des ressources en eau. Elle collabore avec des universités et plusieurs organisations des secteurs public et privé afin d’influencer la recherche, les échanges et les pratiques liés à la croissance inclusive et durable. Ses recherches ont été utilisées par des organismes de développement pour adapter des investissements et des programmes en cours, et par les autorités publiques dans certains pays du Sud aux fins d’élaboration de politiques. Ses travaux ont été repris par des médias de premier plan. Soumya préside le Comité international des femmes dans l’économie agricole de l’Association internationale d’économie agricole, et elle est l’une des auteurs du sixième rapport d’évaluation du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).