L'impact potentiel de la COVID-19 sur la sécurité alimentaire en Chine: quel avenir pour les importations de denrées alimentaires?

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L'impact potentiel de la COVID-19 sur la sécurité alimentaire en Chine: quel avenir pour les importations de denrées alimentaires?

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Récemment, le China Grain Reserve Group a annoncé son intention d'importer 22 millions de tonnes de céréales en 2020. Cette annonce a suscité des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire de la Chine, sachant notamment qu'on ignore encore les effets de la pandémie de COVID-19 sur la production et la distribution de denrées alimentaires dans le pays et que certains pays ont décidé de cesser d'exporter leur production agricole en prévision d'éventuelles répercussions sur leur système interne d'approvisionnement alimentaire.

Ces inquiétudes sont certes compréhensibles mais, selon moi, la Chine n'a aucune raison – pour l'instant – de se préoccuper au sujet de sa sécurité alimentaire.

 

Pourquoi la Chine ne doit pas s'inquiéter

Premièrement, la Chine prévoyant toujours ses quotas annuels d'importation de produits alimentaires à cette période, cette annonce ne diffère pas fondamentalement de celles des années précédentes.

Deuxièmement, le quota annoncé (22 millions de tonnes de céréales) est certes légèrement plus élevé que celui de 2019 (environ 17 millions de tonnes), mais il est néanmoins nettement inférieur aux quotas des quatre années précédentes (à savoir 27 millions de tonnes en 2018, 35 millions de tonnes en 2017, 31 millions de tonnes en 2016 et 43 millions de tonnes en 2015), ce qui démontre une tendance générale à la baisse des importations céréalières en Chine. En outre, le quota prévu pour 2020 représente seulement 3% de la consommation annuelle de céréales en Chine, ce qui confirme que ce pays est autosuffisant à environ 97% en ce qui concerne les trois principales céréales consommées (blé, riz et maïs).

Troisièmement, le niveau de la production alimentaire chinoise a été exceptionnellement élevé pendant plusieurs années de suite, avec une production record de 660 millions de tonnes de céréales en 2019. La production alimentaire par habitant est supérieure à la moyenne mondiale, et les stocks alimentaires se situent bien au-dessus du taux de 20% de la consommation, pourcentage minimum recommandé par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour assurer la sécurité alimentaire d'un pays.

En conclusion, la Chine a suffisamment de réserves alimentaires pour satisfaire la demande intérieure pendant au moins un an. En dépit de l'épidémie de COVID-19 dans le pays et de la décision de certains pays de limiter leurs exportations alimentaires, la pandémie ne devrait pas avoir d'incidence significative sur la disponibilité et les prix des produits alimentaires à l'échelle nationale. Un article paru récemment dans The Economist semble confirmer ces conclusions au niveau mondial: malgré la gravité du choc subi, l'approvisionnement alimentaire mondial a continué d'être assuré et les prix alimentaires n'ont pas augmenté.

Toutefois, ce tableau globalement positif ne doit pas conduire à relâcher les efforts.

 

Pourquoi la Chine ne doit pas relâcher ses efforts

Le fait que la Chine dispose de stocks suffisants a permis de stabiliser la disponibilité et les prix des produits alimentaires. Par ailleurs, le retour progressif à la normale dans la majeure partie du pays n'a, semble-t-il, pas eu d'incidence notable sur l'ensemble de la production et de la distribution alimentaires. Cependant, les pertes d'emplois dues aux restrictions à la liberté de circulation et les pertes de revenus qui en découlent ont limité la capacité de la population d'acheter des denrées alimentaires, même si celles-ci sont disponibles sur les marchés. Le pouvoir d'achat – et non la disponibilité des denrées – paraît être la plus grande menace pesant sur la sécurité alimentaire.

Les plus durement touchés seront bien sûr les ménages les plus pauvres et les plus vulnérables, qui ont moins de moyens pour faire face financièrement à de longues périodes de chômage. On estime qu'à l'heure actuelle moins de 6 millions de personnes en Chine vivent avec moins de 1,90 USD par jour (seuil de pauvreté extrême). Cependant, si l'on adoptait le seuil de pauvreté généralement retenu dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, à savoir 5,50 USD par jour, environ 373 millions de personnes seraient considérées comme pauvres, selon la Commission sur la pauvreté dans le monde. Ces personnes dépendent largement de l'argent envoyé par des membres de leur famille qui sont partis vivre dans les villes et/ou travaillent dans le secteur informel de l'économie, ou qui ont des revenus précaires. Si l'on ne prend pas immédiatement des mesures pour mobiliser des fonds ou créer rapidement des activités rémunératrices, ces familles risquent à l’avenir d'être exposées à l'insécurité alimentaire.

Le FIDA aide ces populations à devenir plus résilientes face aux chocs. Les projets du FIDA permettent aux ménages vulnérables de diversifier leurs sources de revenus et d'améliorer leurs moyens d'existence. Ils visent également à améliorer leur accès aux marchés, même dans les situations où la liberté de se déplacer a été limitée, notamment par l'utilisation de plateformes et de technologies numériques.

 

L'avenir des importations alimentaires chinoises

Il est très difficile de prévoir les besoins futurs de la Chine en matière d'importations alimentaires. D'une part, l'autosuffisance – ou la quasi-autosuffisance – alimentaire a toujours été un objectif stratégique important de la politique agricole chinoise, notamment en ce qui concerne les cultures de base. La Chine a maintenu un niveau global d'autosuffisance alimentaire de 95% ces dernières années et un niveau d'autosuffisance de 97 à 98% pour les trois principales cultures de base: le blé, le riz et le maïs. Si elle conserve la même politique, ses importations alimentaires ne devraient pas varier sensiblement à l'avenir – il est du moins certain qu'elles ne connaîtront pas de forte augmentation (d'après certaines études, le niveau d'autosuffisance de la Chine devrait diminuer quelque peu et tomber à environ 91% en 2025). Cependant, il subsiste le risque qu'en raison de la pandémie la pauvreté et l'insécurité alimentaire s'aggravent dans d'autres pays et que ceux-ci décident de stocker des denrées, de renforcer le protectionnisme et de limiter les exportations alimentaires. Dans ce cas de figure, et pour anticiper pareilles tendances, la Chine pourrait décider d'augmenter stratégiquement son autosuffisance alimentaire, plutôt que de la réduire.

D'autre part, d'un point de vue purement économique et de rentabilité, il pourrait être plus efficace économiquement et écologiquement d'augmenter les importations en raison du coût relativement élevé de la production intérieure (coût important du travail et des intrants), de l'accroissement de la pression sur les sols et l'environnement (la Chine dispose de seulement 7% des terres arables pour nourrir environ 20% de la population mondiale) et des perspectives de profit qu'offrent les cultures de plus haute valeur, comme l’horticulture, par rapport aux denrées de base. Si les considérations économiques et le rapport coût-efficacité prédominent à l'avenir, on peut s'attendre à une augmentation des importations alimentaires.

D'autres facteurs, tels que l'évolution du régime alimentaire (les importations de produits tels que la viande, le lait et le sucre pourraient augmenter) et la démographie (la consommation pourrait se stabiliser alors que la population chinoise approche un pic), pourraient également déterminer les niveaux futurs d'importation de produits alimentaires.

À mon avis, il serait bon d'adopter une stratégie visant à maintenir l'équilibre entre un niveau confortable d'autosuffisance en ce qui concerne les aliments de base et le pourcentage de denrées importées, en pesant les avantages des deux systèmes. Cependant, la définition d'un “niveau confortable” dépend en dernier ressort de considérations politiques: il s'agira notamment d'évaluer dans quelle mesure les autres pays pourraient renforcer le protectionnisme et limiter les exportations pour faire face à des scénarios futurs semblables à celui de l'épidémie actuelle.

 

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