Le Uganda Yield Fund, fonds d'investissement ougandais: commencer à tirer des leçons du premier fonds d’investissement privé du FIDA

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Le Uganda Yield Fund, fonds d'investissement ougandais: commencer à tirer des leçons du premier fonds d’investissement privé du FIDA

Temps de lecture estimé: 6 minutes

©FIDA/Susan Beccio

En 2017, le FIDA a fait sa première incursion dans le domaine de l’investissement privé en lançant le Yield Fund Uganda en partenariat avec l’Union européenne.

Le Yield Fund est un fonds d’investissement à impact social novateur qui cible les petites et moyennes entreprises (PME) agricoles ainsi que les groupes de producteurs ougandais, les oubliés du domaine de l’investissement. Il propose des produits de capital-risque patient, tels que le financement sur fonds propres, sur quasi fonds propres et par l’emprunt. Le fonds investit dans des entreprises qui ont un impact social et des rendements financiers. Un service d’appui aux entreprises permet d’améliorer leurs procédures opérationnelles, de prendre en compte l’impact social et environnemental, et d'analyser les questions de gouvernance.

Comparativement à d’autres instruments d’investissement du FIDA, l’apport d’un financement et d’un service d’appui aux entreprises sous la forme d’un fonds d’investissement de l’entrepreneuriat agricole pose un certain nombre de difficultés. Le secteur financier en Ouganda reste relativement sous-développé. Le fonds s’est constitué en société ougandaise, notamment pour soutenir le développement du secteur financier. La plupart des fonds similaires sont domiciliés dans des pays comme Maurice, ce qui présente des avantages évidents pour les investisseurs (simplicité des transferts de fonds, fiscalité et résolution des éventuels litiges).

Près de deux ans se sont écoulés depuis le début de la mise en place du fonds. Où en sommes-nous aujourd’hui?

Après une levée de fonds fructueuse de 12 millions d’euros versés par l’Union européenne, par l’intermédiaire du FIDA et de la Caisse nationale de sécurité sociale de l’Ouganda, le fonds a réalisé cinq investissements dans des entreprises agricoles, pour un total de 3,3 millions d’euros, en combinant le financement sur quasi fonds propres (obligations convertibles en actions) et l’emprunt (participation aux bénéfices).

Nous travaillons actuellement à un deuxième cycle de capitalisation du Yield Fund – Uganda.
Le 1er mars 2019, deux investisseurs ont reçu l’autorisation de leurs comités de placement pour investir dans le fonds. Les 8 millions d’euros supplémentaires porteront le fonds à un montant final de 20 millions d’euros.

Quelles sont les principales leçons tirées des 18 premiers mois de fonctionnement du fonds ?

Des capitaux insuffisants pour les PME agricoles.

Le Yield Fund définit les PME comme des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 millions d’USD, qui comptent moins de 150 employés et qui ont besoin d'un capital allant de 250 000 à 2 millions d’USD. Notre expérience confirme les conclusions de l’étude de marché initiale réalisée par la Commission européenne, selon lesquelles de nombreuses PME agricoles ougandaises manquent des capitaux nécessaires à leur croissance. Les conditions des institutions financières sont, selon les cas, trop coûteuses, ou trop exigeantes en matière de garanties, ou bien imposent des calendriers de remboursement en inadéquation avec le plan d’entreprise. Il est essentiel pour l’écosystème économique que les petites entreprises agricoles aient accès au capital dont elles ont besoin pour leur croissance, et qu'ainsi se crée une demande des produits des petits paysans permettant à son tour d’offrir davantage de possibilités au plan local et de favoriser la transformation du monde rural.

L’appétence pour le risque des acteurs de l'investissement responsable.

Aux yeux de nombreux investisseurs potentiels, le Yield Fund est trop modeste et trop risqué – un seul pays, un seul fonds sectoriel. On s’attendait à ce que les investisseurs acceptent ces risques dans l’intérêt général du développement économique et social. Malheureusement, le processus de levée de fonds a montré que de nombreux nouveaux venus dans le domaine, en particulier ceux disposant d’un capital de type plus "commercial", estiment qu’un fonds axé sur l’agriculture en Ouganda ne correspond pas à leurs critères de risque ni à leurs attentes en matière de rendement, malgré une protection contre les premières pertes. Respectueux de ces attentes, les gestionnaires de fonds imposent des conditions rigoureuses aux PME afin de s’assurer qu’elles soient en mesure de répondre aux perspectives de rendement des investisseurs.

Les agents de terrain sont un atout majeur.
Disposer d'un gestionnaire de fonds présent en Ouganda profite au Yield Fund de multiples façons. Tout d’abord, le fait de disposer d’une présence sur le terrain et de réseaux informels dans les secteurs permet de connaître les risques inhérents à l’investissement, ce qui, autrement, est extrêmement difficile à obtenir. La proximité avec les PME rend possible l’établissement d’un partenariat plus étroit avec les entrepreneurs qui bénéficient d’un appui continu du gestionnaire du fonds au renforcement des capacités.

Le mécanisme d’assistance technique s’avère primordial.

L’assistance technique dans le secteur agricole contribue grandement à l’atténuation des risques et au renforcement de la confiance des institutions financières participant au financement des petits exploitants. Elle permet de veiller à ce que les autres contraintes entravant la croissance des PME soient prises en compte afin de créer un environnement favorable. L’assistance technique liée aux instruments de placement est idéale, car elle offre une plus grande flexibilité aux entreprises et soutient l’action de développement de la réserve de projets pour le fonds. Pour le Yield Fund, ce mécanisme de partage des coûts aide les entreprises à s’attaquer aux difficultés de nature environnementale, sociale et de gouvernance, à créer ou à étendre leurs réseaux de petits exploitants agricoles, à obtenir d’importantes certifications et à augmenter leur efficacité opérationnelle.

La coordination entre bailleurs de fonds est indispensable pour réussir. 

L’année dernière, à la table des négociations, nous nous sommes retrouvés face à une PME à laquelle différentes institutions appuyées par des donateurs avaient proposé un quasi don. À mesure que nous progressons, nous constatons combien il est important que les différents types de financement (dons, prêts consentis à des conditions favorables, capital à impact social et capital commercial) soient harmonisés et que les bailleurs assument leurs responsabilités et collaborent de manière à ne pas fausser le bon fonctionnement des marchés. Les partenariats et les plateformes comme le Réseau de financement et d’investissement en faveur des PME agricoles et de l’agriculture paysanne (SAFIN) montrent la voie à suivre en ce qui concerne la coordination des parties prenantes.

La conformité aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) s'inscrit dans un parcours.

Le plus souvent, les PME ne respectent pas les normes ESG établies à l’échelle mondiale. Du fait de leur petite taille, ces entreprises ont des problèmes plus urgents, comme la rémunération des agriculteurs auprès desquels elles s’approvisionnent ou le paiement d’un loyer, et se soucient moins de leur empreinte écologique. Le Yield Fund s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue dans ses rapports avec les PME en les accompagnant sur ce terrain grâce à un plan d’action ESG.
Le mécanisme d’assistance technique a aussi largement contribué au financement de certains de ces coûts majeurs.

Pour toute question, veuillez contacter M. Dagmawi à [email protected]