Les projets soutenus par le FIDA réduisent-ils le risque de conflit? Ce que disent les faits

Le FIDA intervient souvent dans des contextes de fragilité, où la rareté des ressources et les tensions préexistantes peuvent accroître le risque de conflit à l’échelle locale. Nos projets favorisent la prospérité rurale et le développement durable, deux éléments essentiels à la réduction des conflits.

Nous avons eu recours aux méthodes du système d’information géographique (SIG), qui combinent données spatiales (comme les observations par satellite) et autres jeux de données, pour évaluer l’impact des projets financés par le FIDA sur la probabilité de survenue d’un conflit au Mali et en Éthiopie.

Nous avons commencé par dresser une carte de chaque zone d’influence du projet et avons collecté des données géoréférencées acquises par télédétection pour définir les participants servant de groupe de traitement et de groupe témoin. Nous avons également apparié les coordonnées GPS des ménages avec les données satellitaires externes sur la production brute de matière sèche (GDMP) du programme Copernicus de l’Union européenne. Cet indicateur révèle les changements subis par la biomasse végétale dans une zone, reflétant ainsi l’évolution de la productivité des terres. Enfin, nous avons utilisé les données d’Armed Conflict and Location Event Data (ACLED) pour mesurer les événements conflictuels dans les communautés rurales étudiées.

Alors, qu’a révélé notre enquête?

Prévention des conflits

Au Mali, nous avons étudié les données du programme PMR, une initiative financée par le FIDA qui proposait à ses participants, principalement des femmes et jeunes des zones rurales, des cours d’initiation aux questions financières et un accès au crédit.

Nous avons choisi deux villages, l’un comptant des participants au PMR (la « zone de traitement ») et l’autre dénué de participants à ce programme (la « zone témoin »). Après avoir relevé les coordonnées GPS des participants et des non-participants sur une carte, nous y avons superposé les données d’ACLED relatives au nombre et à la situation géographique des conflits ayant éclaté dans la zone. Grâce à ces données, nous avons pu calculer à la fois la GDMP mensuelle et le nombre de conflits par kilomètre carré par mois.

La productivité des terres n’a que peu augmenté pendant la période considérée, environ 1% en moyenne par mois. Le nombre de conflits n’a pas changé de façon statistiquement significative dans les zones couvertes par le PMR. Dans les zones témoins, en revanche, les conflits ont connu une hausse de 8%.

Vu l’état des connaissances sur les facteurs de conflit, ces résultats pourraient témoigner d’une « lutte pour les ressources » ou d’une tendance au conflit dans les zones non couvertes par le FIDA. Le maintien à un niveau stable du nombre de conflits dans les zones couvertes par le PMR suggère en revanche que ce dernier a peut-être empêché la survenue de conflits, en raison peut-être de la création de perspectives économiques.

Baisse du nombre de conflits

En Éthiopie, nous avons examiné les données du programme RUFIP II, conçu pour renforcer les capacités des institutions de microfinance et améliorer l’accès des ménages ruraux aux prêts.

Nous n’avons pu utiliser ici la situation géographique pour classer les participants en groupe de traitement et groupe témoin, puisqu’ils vivaient dans les mêmes villages. Nous avons par conséquent utilisé comme zone de traitement les secteurs attenants au centre de chaque village, et comme zone témoin, la zone environnante, où les impacts du projet se faisaient moins sentir. Nous avons ensuite calculé le nombre de conflits par kilomètre carré et la GDMP moyenne par mois à l’aide de la méthode de calcul utilisée au Mali.

Cette fois, la productivité des terres s’est largement améliorée, le taux de croissance mensuel de la GDMP moyenne dépassant les 5%. Mais quelles répercussions cette croissance a-t-elle eues sur les conflits?

Dans les zones témoins où la GDMP était en hausse, le nombre de conflits est resté le même. Mais dans les zones de traitement, nous avons assisté à une baisse de 3% des conflits corrélée à une hausse de 1% de la GDMP. Nous avons pu en conclure qu’une hausse importante de la productivité des terres réduisait la nécessité de lutter pour les ressources.

Les projets financés par le FIDA aident les personnes à échapper au piège de la pauvreté et du conflit

Si notre recherche n’a pas réellement expliqué les liens de causalité entre la présence d’un projet financé par le FIDA et la baisse du nombre de conflits civils, nous pouvons tout de même supposer que ce phénomène a trait à la disponibilité accrue des services financiers ruraux. Les participants aux projets ont de meilleures perspectives économiques qui leur permettent d’investir dans certaines activités, comme la production agricole. Cela a probablement contribué à l’amélioration observée de la productivité des terres, mais aussi à celle des revenus et de la sécurité alimentaire des participants, qui a, à son tour, désamorcé les conflits.

Ces conclusions sont particulièrement pertinentes compte tenu des effets de plus en plus destructeurs de la crise climatique. Si les changements climatiques ne sont pas une cause directe des conflits armés, ils peuvent toutefois exacerber les facteurs sociaux, économiques et environnementaux et favoriser ainsi de façon indirecte la survenue de différends. À mesure que les effets des changements climatiques gagneront en intensité, les investissements du FIDA dans la productivité agricole et la résilience climatique deviendront un facteur de plus en plus essentiel dans l’assistance aux populations pauvres des zones isolées et sujettes au conflit.

Cet article de blog reprend les conclusions d’un rapport sur le rôle du SIG dans la mesure des effets indirects des interventions du FIDA.

Découvrez l’action du FIDA en Éthiopie et au Mali.

Date de publication: 26 avril 2022