Loin du compte – L’adaptation climatique encore bien loin de répondre aux besoins

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Loin du compte – L’adaptation climatique encore bien loin de répondre aux besoins

Temps de lecture estimé: 6 minutes

Le monde peine à stabiliser et réduire les émissions de gaz à effet de serre, autrement dit, il peine à mettre en œuvre l’atténuation des changements climatiques. Mais la dure réalité est que nombre de dommages ont déjà été infligés à notre planète. Même si nous parvenions à nos objectifs d’atténuation aujourd’hui, la planète continuerait de se réchauffer. C’est pourquoi « l’adaptation aux changements climatiques » est essentielle. Elle consiste à faire face aux effets des changements climatiques qui sont déjà visibles au quotidien autour de nous.

En bref, l’adaptation aux changements climatiques signifie éviter les situations ingérables et gérer les situations inévitables—et pour des millions de ruraux pauvres dans le monde, elle est urgente et nécessaire. Ces personnes sont celles qui ont le moins contribué aux changements climatiques mais qui en pâtissent le plus, comme le montrent les inondations sans précédent au Pakistan et la pire sécheresse que l’Afrique de l’Est ait connue ces quarante dernières années.

Conscient de l’urgence, le PNUE publie chaque année son Rapport sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière d'adaptation aux changements climatiques, dans lequel il évalue les progrès accomplis en matière d’adaptation, et détermine l’écart entre ce que nous faisons et ce que nous devons faire.

En tant qu’experte, évaluatrice et membre du Comité directeur du rapport, Jo Puri, Vice-Présidente adjointe responsable du Département de la stratégie et des savoirs du FIDA, partage ses impressions sur les conclusions du rapport publié cette année.

Quelle est le résultat qui vous a le plus surprise?

Tout d’abord, les besoins en matière d'adaptation sont quantifiés! Plus de huit pays sur dix se sont dotés d’au moins un instrument de planification de l’adaptation, et les cibles mesurables, assorties d’un calendrier, deviennent monnaie courante. De plus, ces instruments sont fondés sur des données et inclusifs: presque 90% des lois et politiques relatives à l’adaptation étudiées dans le rapport font référence à au moins un groupe défavorisé. Ce ne sont que de bonnes nouvelles.

Ensuite, les efforts d’adaptation déployés à l’échelle mondiale sont de plus en plus soutenus mais malgré les engagements, les ressources manquent cruellement pour répondre aux besoins.

Enfin, même des investissements ambitieux en faveur de l’adaptation ne peuvent pas entièrement prévenir les effets des changements climatiques tels que des pertes et des dommages.

Pourquoi l’écart de financement se creuse-t-il?

En dépit de certains progrès, l’écart de financement en matière d’adaptation continue de se creuser dans les pays en développement.

Les financements internationaux destinés aux pays en développement ont atteint 29 milliards d’USD en 2020. Certes, cela représente une hausse de 4% par rapport à 2019 mais les besoins en matière d’adaptation devraient atteindre une moyenne de 202 milliards d’USD d’ici à 2030.

Les financements accordés pour l'adaptation et l'atténuation en 2020 sont loin d'atteindre les 100 milliards d’USD promis pour soutenir les pays en développement.

À la COP26, les pays ont convenu de doubler leurs engagements relatifs au financement de l’adaptation d’ici à 2025. Mais le rapport montre que cet objectif est de toute manière insuffisant pour résorber l’écart de financement.

En résumé, nous n’investissons tout simplement pas assez pour satisfaire les engagements pris à l’échelle mondiale ni pour répondre à l’accélération des effets des changements climatiques dont nous sommes témoins au quotidien.

Que faut-il faire pour combler cet écart?

Alors que de nouvelles crises, comme la guerre en Ukraine, se déclenchent, nous ne devons négliger aucune urgence au profit d’une autre. Les changements climatiques démultiplient les risques, influant sur les conflits, les migrations et la sécurité alimentaire, entre autres. Nous ne pouvons donc pas les reléguer à la dernière place de l’ordre du jour mondial. Nous devons mettre en place une action porteuse de transformations qui cible les causes profondes de la vulnérabilité climatique et non des plans progressifs, à court terme et à spectre réduit.

Alors, que pouvons-nous faire? Il est urgent de faire preuve d’une véritable volonté politique et d’investir dans l’adaptation à long terme. Les partenaires de financement doivent investir dans des interventions qui ont fait leurs preuves en matière de réduction de la vulnérabilité climatique. En tenant compte des liens entre adaptation et atténuation, il est possible de décupler les bénéfices et de limiter les sacrifices (dans une certaine mesure). Nous devons favoriser et améliorer la recherche, la planification, la coopération internationale et l’évaluation axée sur l’adaptation. Lorsque nous trouvons des stratégies d’adaptation à long terme qui fonctionnent, nous devons les promouvoir et les adapter à grande échelle.

Que fait le FIDA pour résorber cet écart?

Depuis plus d’une décennie, le FIDA accorde la priorité au financement de l’adaptation. En 2019-20, 92% des financements climatiques du FIDA ont été alloués à l’adaptation. Nous intensifions nos investissements pour renforcer la résilience climatique à long terme des petits exploitants agricoles en consacrant 40% de nos ressources de base à l’action climatique pour la période 2022-2024. À ce jour, le FIDA a investi plus de 1,2 milliard d’USD dans l’adaptation aux changements climatiques.

Et nous savons que ces investissements portent leurs fruits. Une évaluation des projets du FIDA clôturés en 2021 a montré que les participants avaient accru leur résilience aux chocs, notamment ceux induits par les changements climatiques, de 13% par rapport aux autres agriculteurs.

Pour résorber l’écart en matière d’adaptation, les programmes du FIDA axent les investissements sur l’agriculture à petite échelle. Par exemple, le Programme d'adaptation de l'agriculture paysanne (ASAP) a mis en œuvre des approches efficaces pour lutter contre les changements climatiques dans les pays en développement, notamment l’assurance dégressive, l’agroécologie et les filières ne contribuant pas à la déforestation.

La dernière version de ce programme, le Programme élargi d’adaptation de l’agriculture paysanne (ASAP+) s’appuie sur les enseignements tirés du programme ASAP. Il devrait s’agir du plus grand fonds destiné à acheminer le financement de l’action climatique jusqu’aux petits producteurs.

Grâce au Programme de participation du secteur privé au financement du FIDA, nous pouvons élaborer des solutions de financement avec le secteur privé de façon à aider les populations rurales à trouver du travail, à renforcer leurs moyens d’existence, à les doter de nouvelles compétences et à accroître leur production tout en réduisant les effets néfastes sur l’environnement.

En recourant à des pratiques innovantes et inclusives qui ont fait leurs preuves, le FIDA redirigera les ressources vers les pays à faible revenu qui dépendent fortement de l’agriculture et qui font face aux plus gros défis en matière de sécurité alimentaire, de pauvreté rurale, de fragilité, de capacités et de vulnérabilité aux changements climatiques.