Mettre l'irrigation au service du développement rural: les enseignements à tirer des études d'impact

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L'irrigation au service du développement rural: tirer les enseignements des études d'impact

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L'irrigation est l'un des piliers des stratégies relatives au développement rural. En particulier, les projets de petite irrigation, comme les systèmes de canaux ou de puits tubulaires, sont fréquents aujourd'hui en raison de leur coût relativement faible et de leur facilité de gestion par les usagers. Entre 2000 et 2015, le FIDA a financé 22 projets intégrant des activités d'irrigation, pour une valeur totale de 1,3 milliard d'USD. Ne dépendant plus des aléas des précipitations, les terres irriguées devraient permettre de produire des rendements plus élevés et plus stables, et, de ce fait, contribuer à accroître la sécurité alimentaire et à améliorer les revenus.

Malgré ces avantages escomptés, seuls 21% des terres cultivées dans le monde sont irriguées et ce chiffre tombe à 5% pour l'Afrique subsaharienne. En raison de la pénurie d'eau croissante due aux changements climatiques et à la concurrence d'autres secteurs, il est nécessaire d'étendre et d'améliorer la couverture du réseau d'irrigation de manière à maximiser les avantages tirés de chaque goutte d'eau.

Pour relever ces défis, nous devons intégrer les enseignements tirés des interventions passées, et, notamment, ceux provenant d'études d'impact rigoureuses. De nombreuses études relatives à l'impact des projets de petite irrigation ont récemment été menées par diverses organisations, dans plusieurs pays. Pour sa part, le FIDA a évalué le Projet d'amélioration de la riziculture irriguée (IRPEP) exécuté aux Philippines et le Projet relatif au programme de développement participatif de la petite irrigation (PASIDP), en Éthiopie, et a financé une étude d'impact externe concernant son Projet d'appui au développement du Menabe et du Melaky (AD2M) à Madagascar. Ensemble, ces études récentes fournissent trois enseignements clés qui bénéficieront aux projets futurs.

Traduire l'amélioration des rendements en revenus plus élevés

L'irrigation améliore systématiquement les rendements, comme le montrent les récentes études relatives à l'impact des projets de petite irrigation mis en place au Ghana, en Inde, au Mali, au Népal, aux Philippines et en Thaïlande. Dans les mêmes études réalisées au Ghana, en Inde, au Mali et aux Philippines, ainsi que dans une autre menée au Vietnam, les projets ont également permis d'augmenter le volume de récoltes vendues et, donc, d'améliorer les revenus. En revanche, les études menées au Népal et en Thaïlande, ainsi qu'une autre étude réalisée au Pérou, n'ont pas permis de constater des améliorations quant au volume des récoltes vendues ou d'amélioration des revenus.

Dans le cas des projets AD2M et PASIDP financés par le FIDA, les rendements et les revenus agricoles ont augmenté, mais pour le Projet IRPEP, la hausse des rendements ne s'est pas toujours traduite en revenus plus élevés. Cette situation s'explique par le fait que certains ménages, incapables de payer leurs intrants pendant la production, ont dû contracter des prêts coûteux auprès de commerçants locaux et qu'ils les ont remboursés au moyen de leur récolte, d'où le peu de ressources restantes. La mauvaise qualité des intrants a également grevé la rentabilité de leur exploitation. Dans le Projet PASIDP, il a également été signalé que certains ménages étaient incapables d'acheminer leurs produits sur les marchés avant qu'ils ne pourrissent.

Il est donc essentiel de s'attaquer aux obstacles à la participation aux marchés, en mettant l'accent sur l'amélioration de l'accès aux intrants, au crédit et aux marchés, ainsi que sur la gestion de la complexité des relations avec les commerçants locaux. De cette façon, l'accroissement des rendements pourra être synonyme de revenus et de moyens d'existence durables.

Faire évoluer la diversité des moyens d'existence

L'impact de l'irrigation sur la diversité des moyens d'existence est parfois imprévisible. Dans l'étude indienne citée plus haut, les revenus du travail salarié ont augmenté, mais la diversité des cultures a diminué. Une baisse de la diversité des cultures a également été constatée dans le cadre d'un Projet mené par l'Agence japonaise de coopération internationale aux Philippines. Les études réalisées au Mali, au Népal et au Vietnam ont montré que les cheptels et les revenus avaient augmenté, alors que celles menées au Ghana et a

Le Projet PASIDP a permis d'améliorer la diversité des cultures et le Projet IRPEP a accru les revenus issus de l'élevage et des entreprises familiales, mais il a également été démontré que les projets du FIDA pouvaient réduire l'éventail des moyens d'existence, et la spécialisation ne procurait pas de gains importants. Par exemple, de nombreux bénéficiaires des projets AD2M et IRPEP se sont davantage focalisés sur la riziculture, au détriment d'autres activités plus rémunératrices. Cela s'est alors traduit par un impact limité sur le revenu total.

Si la spécialisation ne génère pas de gains suffisants, la gamme restreinte des moyens d'existence peut accroître la vulnérabilité face aux chocs et entraver la transformation du monde rural en limitant les activités économiques non agricoles. Les projets futurs doivent améliorer les revenus [ris dans leur ensemble (et pas uniquement les revenus agricoles) en favorisant la diversification des moyens d'existence ou une spécialisation plus rémunératrice. Dans une telle perspective, il serait intéressant d'encourager l'utilisation de l'eau d'irrigation pour le pâturage du bétail et d'utiliser la formation, l'information et un meilleur accès au marché pour promouvoir une dynamique d'inclusion plus bénéfique dans les filières, les cultures à haute valeur ajoutée et une participation accrue aux activités non agricoles souhaitables.

Assurer une distribution équitable de l'eau

L'un des problèmes majeurs des systèmes de petite irrigation concerne la distribution équitable de l'eau. Dans les systèmes de canaux, la surexploitation des ressources par les ménages en amont tend à restreindre l'accès à l'eau des ménages les plus pauvres situés en aval. Le projet mené par l'Agence japonaise de coopération internationale aux Philippines et l'étude menée en Inde n'ont pas permis de surmonter cette difficulté. En Inde, les systèmes ont pâti de l'accaparement des ressources par les élites, malgré le soutien supplémentaire apporté aux groupes d'usagers de l'eau.

Par contre, le Projet IRPEP a amélioré l'accès à l'eau et les rendements des ménages en aval. Cette réussite s'explique par plusieurs raisons: d'une part, l'eau était acheminée par des canaux plus efficaces, bétonnés et munis de vannes d'eau pour permettre un meilleur suivi et un contrôle plus rigoureux; d'autre part, le soutien apporté a été complété par des activités de renforcement des capacités auprès des associations d'irrigants. Dans le cas du Projet PASIDP, le renforcement des groupes d'usagers de l'eau s'est avéré efficace pour améliorer la gestion des systèmes.

Bien que les questions d'équité concernant la distribution de l'eau dépendent fortement du contexte, les bons résultats des projets IRPEP et PASIDP montrent qu'une approche associant infrastructures et gestion constitue peut-être le meilleur modèle à adopter.

 

Pour en savoir plus, consulter le rapport d'impact du projet PASIDP (Impact of modern irrigation on household production and welfare outcomes), l'évaluation du projet AD2M (Impact evaluation of the Menabe and Melaky development programme in Madagascar) et le rapport d'évaluation du projet IRPEP (Impact assessment report: Irrigated Rice Production Enhancement Project).