Partenariats public-privé au Rwanda – Comment les petits producteurs de manioc y trouvent leur compte

IFAD Asset Request Portlet

Agrégateur de contenus

Partenariats public-privé au Rwanda – Comment les petits producteurs de manioc y trouvent leur compte

Temps de lecture estimé: 5 minutes

Le manioc est l’une des cultures de base les plus importantes du Rwanda. Plus de 700 000 exploitations familiales rwandaises cultivent le manioc, produisant au total plus de 1,7 million de tonnes par an. Ses rendements élevés à l’hectare, son riche profil nutritionnel et sa facilité d’adaptation à une variété de sous-produits en font à la fois un allié crucial dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et une base solide sur laquelle est construite une filière essentielle pour les agriculteurs et producteurs rwandais. Il reste néanmoins que de nombreux producteurs de manioc ont beaucoup de mal à accéder de manière fiable au marché.

Depuis plus de 20 ans, le syndicat Ingabo (Ingabo Syndicate), une organisation de coopératives agricoles rwandaises, aide les petits exploitants rwandais à surmonter ce genre d’obstacles. Le syndicat appuie ses 15 000 membres agriculteurs à toutes les étapes de la filière, en les aidant à renforcer leurs capacités techniques et économiques et à devenir de solides acteurs du marché. La plupart des membres sont également organisés en coopératives, ce qui permet au syndicat d’apporter plus facilement son soutien à l’échelle du groupe. Ici, le financement qu’il reçoit du Programme Organisations paysannes dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (FO4ACP) – fruit d’une collaboration entre le FIDA, l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et l’Union européenne – l’aide aussi à aller plus loin, en lui permettant d’étendre encore l’appui technique qu’il fournit aux coopératives et aux différents agriculteurs.

Étant donné que plus de la moitié des agriculteurs du syndicat Ingabo travaillent dans la production de manioc, nombre de ses services visent à aider les membres à exploiter cette filière. L’un de ses outils les plus importants à cet égard est la promotion de partenariats entre les coopératives et les entreprises en aval. L’établissement de ces relations en bonne et due forme dans le cadre d’accords tels que des contrats d’achat s’est avéré très efficace pour ce qui est de favoriser une inclusion durable et équitable des membres dans les filières.

Dans le cas de l’usine de manioc de Kinazi, par exemple, un contrat a fait toute la différence.

De la ferme à la coopérative puis à l’entreprise 

Il y a quelques années, l’usine de manioc de Kinazi était en difficulté. Il n’y avait aucune prévisibilité de l’approvisionnement en manioc brut, en grande partie parce que l’entreprise n’avait pas passé d’accords officiels avec les producteurs indépendants ou les coopératives. Sans revenu garanti par l’usine de Kinazi, les producteurs vendaient souvent à d’autres acheteurs capables d’offrir de meilleurs prix. En l’absence d’un approvisionnement sûr, la production de farine de manioc de l’usine était en outre peu fiable.

Le syndicat Ingabo a constaté que cette situation créait toute une chaîne d’instabilités qui se répercutaient sur l’ensemble de la filière. Ainsi, en 2020, le syndicat a servi d’intermédiaire entre 15 coopératives de producteurs de manioc et l’usine de manioc de Kinazi dans le cadre de leurs négociations contractuelles.

Le résultat final a été un contrat d’achat donnant la possibilité aux coopératives de vendre la totalité de leur récolte de 2021 directement à l’usine de Kinazi à un bon prix et selon un calendrier de livraison établi. Ce contrat prévoit un paiement en temps voulu pour chaque partie et comprend un mécanisme de résolution des conflits permettant de régler les éventuels différends sans compromettre le reste de l’accord.

Un champ de manioc dans le district de Ruhango au Rwanda. 
© Ingabo Syndicate

« L’établissement de contrats fixant un prix compétitif pour le manioc garantit à l’usine un approvisionnement suffisant en produits de qualité et, en même temps, assure un bon prix et un paiement en temps voulu en faveur des coopératives et des producteurs », déclare François Xavier Mbabazi, secrétaire exécutif du syndicat Ingabo. « C’est un système gagnant-gagnant pour les deux parties. »

En outre, le syndicat Ingabo élabore un contrat type qui pourra être adapté et réutilisé par différentes coopératives. Les contrats ainsi conçus permettront à ces dernières de vendre leurs produits à des prix qui tiennent compte des coûts de production et qui sont beaucoup plus élevés que dans le cas d’une vente séparée. En tant que preuve d’une relation commerciale officielle, ces contrats peuvent également servir aux coopératives à demander des prêts, qui leur sont généralement difficilement accessibles en raison du manque de garanties. Une fois le prêt obtenu, les coopératives pourront réinvestir les fonds dans leurs activités.

Un regard vers l’avenir

Si des contrats de ce type représentent une nette amélioration, les producteurs de manioc membres du syndicat Ingabo doivent encore faire face à d’importantes difficultés en matière d’accès au marché. Seule une partie de leur production totale est vendue à des usines comme celle de Kinazi. Il faut donc trouver d’autres moyens. 

Parfois, ces moyens prennent la forme de nouvelles modalités d’accès au marché. En septembre 2020, par exemple, un petit sous-groupe de membres du syndicat Ingabo comprenant 89 producteurs de manioc et trois coopératives a créé une entreprise appelée CassVenture Ltd. Cette dernière vise à explorer les débouchés commerciaux dans les villes voisines de Goma et Bukavu, situées juste de l’autre côté de la frontière en République démocratique du Congo, où le manioc frais devrait être très demandé. Elle examinera également la possibilité de mettre en place des installations de transport et de stockage au profit des coopératives et des producteurs.

Au-delà de ces solutions, le syndicat Ingabo a pour objectif d’améliorer les conditions de vie de ses membres tout au long du cycle de croissance du manioc.

Des études ont montré que l’utilisation de variétés de manioc de meilleure qualité permettait de presque quadrupler les rendements. C’est pourquoi le syndicat Ingabo envisage de collaborer avec les instituts de recherche locaux pour développer des variétés de manioc plus résistantes aux maladies, explique Victor Manariyo, responsable du développement de l’agriculture et de l’élevage pour le syndicat. Ce dernier souhaite également travailler avec les pouvoirs publics afin de promouvoir les subventions agricoles et des politiques plus favorables. Et, comme de coutume, il vise à nouer des partenariats avec des acteurs solides du secteur privé en vue de l’achat de produits.

« En rapprochant tous les acteurs, c’est l’ensemble de la filière que nous pourrons renforcer », conclut-il.

Découvrez l’action du FIDA au Rwanda.
En savoir plus sur le programme FO4ACP.

Note: cet article a été adapté d’un texte plus long publié dans un numéro récent du bulletin d’information du FO4ACP. Cliquez ici pour lire le numéro complet.