Pour remettre en marche nos systèmes alimentaires, il faut repartir des fondamentaux

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Pour remettre en marche nos systèmes alimentaires, il faut repartir des fondamentaux

Temps de lecture estimé: 5 minutes
©FIDA/Giuseppe Bizzarri

Aujourd’hui, dans les milieux réunissant les acteurs du développement rural, on parle beaucoup de remettre en marche des systèmes alimentaires. Cependant, le terme « systèmes alimentaires » recouvre, selon moi, de multiples réalités. Lorsque les dirigeants mondiaux affirment que les systèmes alimentaires sont défaillants, j’ai l’impression que beaucoup d’entre nous se demandent ce qu’ils entendent par là.

L’expression "systèmes alimentaires" recouvre une grande variété d'activités et de problématiques., allant de l’industrie agroalimentaire à l’agriculture paysanne et de subsistance, en passant par les industries agrochimiques et alimentaires, le commerce, le gaspillage alimentaire à tous les niveaux, les emplois décents et, enfin, les choix de l’ensemble des profils de consommateurs. Il est certain que de nombreux problèmes doivent être réglés. Si les systèmes alimentaires désignent aussi bien les producteurs de denrées alimentaires quasi toxiques et hautement transformées que les exploitations agricoles biologiques proposant des produits locaux et sains, cela signifie que le terme n’est tout simplement pas assez spécifique. Je crains donc que chacun ne comprenne le terme différemment en fonction de sa zone de confort individuelle.

Pour nous assurer de tous parler de la même chose, revenons aux fondamentaux. Pour moi, il s’agit de la terre, source de la plupart de nos aliments. Si nous ne traitons pas bien la terre, les systèmes alimentaires ne peuvent tout simplement pas être durables.

Les enjeux d’une utilisation durable des terres

Habituellement, quand je pense à l’utilisation durable des terres, je prends en considération la progression vers trois objectifs mondiaux: la protection du climat, la biodiversité et la sécurité alimentaire. Si la plupart d’entre nous sont au fait des implications de la crise climatique et de la perte de biodiversité, les modifications que nous devons apporter dans nos économies et nos vies personnelles commencent seulement à apparaître clairement. Dans le même temps, nous pouvons affirmer sans risque que nous traversons une crise sur le plan de la sécurité alimentaire: la difficulté de fournir des aliments nutritifs adéquats à une population mondiale croissante s’accroît de jour en jour.

Qui plus est, ces trois objectifs semblent entrer en conflit lorsqu’il est question de l’utilisation des terres. Pour abandonner les combustibles fossiles sans porter atteinte au climat, des terres sont nécessaires pour l’installation de panneaux solaires et la production de biocarburants, tandis que la conservation des espèces végétales et animales exige des terres vierges. Par ailleurs, la production d’aliments sains en quantité suffisante nécessite aussi des terres à forte intensité de culture. Et comme aucun pays ne dispose d’une réserve inépuisable de terres, de lourds compromis s’imposent.

Le maïs cultivé industriellement, par exemple, occupe d’énormes portions de terrain dans la savane du Cerrado brésilien. Même si un champ de maïs peut sembler luxuriant, sa taille et son uniformité en font un véritable désert vert que même un papillon ne peut traverser. C’est un environnement hostile dans lequel les autres plantes sont empoisonnées par des herbicides utilisés à l’échelle du système et où les insectes sont tués en grand nombre. Une fois le maïs récolté, toute la vie végétale a disparu et le sol laissé nu brûle au soleil. Si l’on pense aux effets cumulés de ces champs de maïs sur le climat et la biodiversité – et si l’on considère notamment que le maïs brésilien est en grande partie destiné à nourrir le bétail d’autres continents – la nécessité de transformer nos systèmes alimentaires devient évidente.

Des solutions locales à des problèmes mondiaux

Compte tenu des contradictions entre ces trois objectifs, il pourrait sembler irréaliste de les atteindre tous en même temps. Pourtant, certains projets appuyés par le FIDA y parviennent.

Dans l’État brésilien de Bahia, où se concentre la pauvreté rurale du pays, le Projet de développement rural durable dans la région semi-aride de Bahia, appuyé par le FIDA, promeut l’agroforesterie comme moyen d’atteindre les trois objectifs relatifs à l’utilisation durable des terres. Cette méthode de gestion des terres accroît la biodiversité grâce à l’introduction d’arbres et d’arbustes indigènes au milieu des cultures. Cela permet au sol de conserver une vaste couverture végétale et de rester frais toute l’année, même pendant la saison sèche, qui peut durer jusqu’à huit mois. Le sol capte également un volume important de carbone sous forme de matière organique, ce qui augmente sa fertilité et sa capacité à stocker l’humidité. Grâce à ce système, les familles d’exploitants peuvent produire suffisamment d’aliments diversifiés pour elles-mêmes et pour les autres.

Autre exemple: les barrages souterrains promus par le projet prennent la forme d’une simple plaque de plastique insérée verticalement dans le sol d’une vallée en pente douce où beaucoup d’eau s’écoulait auparavant. Cette plaque maintient le sol humide et retient l’eau de pluie qui, autrement, éroderait la pente. Les barrages souterrains peuvent contenir des centaines de mètres cubes d’eau, alimenter des puits peu profonds pour irriguer les champs et permettre de diversifier les cultures sur les terres (recours aux arbres fruitiers, notamment). Ce système peut faciliter l’adaptation à la hausse des températures et à la diminution des précipitations résultant des changements climatiques. Et une fois de plus, il favorise la biodiversité, l’accumulation de carbone, la fertilité des sols et la production d’une grande quantité d’aliments diversifiés pour la consommation et la vente locales.

Ces petites solutions sont à la fois durables au niveau local et essentielles pour résoudre les grands problèmes de nos systèmes alimentaires. Elles apportent des réponses à petite échelle à la triple crise qui menace la façon dont nous utilisons les terres à l’échelle mondiale et qui a trait au climat, à la biodiversité et à la sécurité alimentaire. Enfin, ces solutions sont flexibles, en ce sens qu’elles peuvent être adaptées aux conditions, aux préférences et aux connaissances locales. Les pratiques susceptibles d’aider une famille rurale pauvre à accéder à un régime alimentaire nutritif peuvent également constituer une solution aux grands problèmes auxquels la planète fait face et peuvent offrir, à terme, un moyen de remettre en marche une partie de nos systèmes alimentaires mondiaux.

 

Découvrez l’action du FIDA au Brésil.