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Sommet Union Africaine–Union Européenne, Allocution de Gilbert F. Houngbo, Président du FIDA

Table ronde sur l’agriculture et le développement durable

Où: Bruxelles, Belgique

Excellences,

Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de remercier l’Union africaine et l’Union européenne d’avoir organisé ce sommet et de m’avoir invité comme intervenant à cette table ronde.

L’agriculture est au cœur de nombreux objectifs de développement durable, mais elle n’a pas encore atteint tout son potentiel comme moteur du développement durable en Afrique. Les défis à relever sont bien connus, mais permettez-moi de rappeler quelques chiffres marquants:

  1. L’agriculture représente 16% du PIB africain, et même 27% et 24% en Afrique de l’Est et de l’Ouest,
  2. En Afrique, les deux tiers de la population vivent en milieu rural, où se concentrent 80% des personnes en situation de pauvreté,
  3. Chaque année, 10 à 12 millions de jeunes arrivent sur le marché du travail africain,
  4. Le continent importe environ 70 milliards de dollars de nourriture par an, et ce chiffre devrait atteindre 100 milliards de dollars d’ici 2025,
  5. L’agriculture utilise 70% de l’eau douce dans le monde,
  6. En Afrique, les femmes représentent plus de 50% de la main‑d’œuvre agricole, mais elles reçoivent moins de 10% des crédits accordés aux petits exploitants.
  7. La croissance économique du secteur agricole est 2 à 3 fois plus efficace pour faire reculer la pauvreté et l’insécurité alimentaire que la croissance produite dans d’autres secteurs.

Je tiens à souligner qu’en Afrique, l’agriculture offre un immense potentiel, non seulement pour parvenir à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais aussi pour la croissance économique, la création de richesses, la lutte contre les inégalités et la justice sociale, ainsi que la protection de l’environnement.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur les moyens d’exploiter ce potentiel :

Nous devons miser sur les technologies et l’innovation pour une productivité accrue, en favorisant l’émergence de filières modernes, en réduisant les risques et en permettant de connecter les petits exploitants aux marchés. Les investissements dans les technologies contribuent à la création d’emplois décents, renforcent la stabilité des revenus et de la production alimentaire, et attirent davantage de jeunes vers le secteur agricole.

Par exemple, des services de téléphonie mobile permettent de fournir en temps réel des informations météorologiques et des données sur les marchés ou sur l’humidité du sol. Grâce à ces solutions les petites exploitations peuvent se transformer, s’adapter et prospérer.

La crise engendrée par la COVID-19 et la hausse actuelle des prix de l’énergie soulignent la nécessité pour l’Afrique de combler le déficit de production et de réduire la facture des importations alimentaires. Pendant la pandémie, les petits producteurs africains ont joué un rôle essentiel dans le maintien de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en approvisionnant les marchés locaux et nationaux.

La promotion des protéines végétales est primordiale, non seulement pour l’alimentation, mais aussi pour la réduction des émissions de CO2 et la protection de la nature.

Ce domaine contribue clairement, d’une part, aux mesures de verdissement mises en œuvre dans le cadre de l’initiative Grande Muraille verte et, d’autre part, aux initiatives d’entrepreneuriat agricole menées par la jeunesse africaine et les PME rurales.

Le FIDA est donc résolument engagé et déterminé à collaborer avec l’Union européenne, la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CLD) et d’autres organisations multilatérales et bilatérales, afin de concrétiser les plans d’action en faveur des protéines végétales lancés à l’initiative des États membres. L'initiative proposée par la présidence française du Conseil Européen est à cet égard bienvenue.

Nous devons soutenir les initiatives rurales et les petites entreprises et agro-entreprises. Pour cela, il convient d’aider à combler le déficit annuel de financement du secteur agricole, estimé à 170 milliards de dollars, afin d’édifier des économies rurales plus diversifiées et plus dynamiques.

Le FIDA a déjà développé plusieurs initiatives pour soutenir cette dynamique : je pense au soutien octroyé aux organisations paysannes grâce au Fonds d’investissement pour l’entrepreneuriat agricole (Fonds ABC), en partenariat avec l’Union européenne, ou ce que nous faisons dans le cadre du Forum pour une révolution verte en Afrique avec l’Union africaine.

Nous devons porter l’autonomisation des filles et des femmes, notamment celles vivant en milieu rural. Pour cela, il convient de mettre en place des initiatives qui favorisent l’accès aux ressources productives et permettent aux femmes de faire entendre leur voix dans les instances de décisions.

De plus, on estime que les rendements des exploitations agricoles gérées par des femmes augmenteraient jusqu’à 30% si les femmes bénéficiaient simplement du même accès aux ressources productives que les hommes.

A ce titre, il est capital d’investir dans la production, la transformation alimentaire, l’accès aux marchés et aux infrastructures rurales.

Nous devons faire de l’adaptation aux changements climatiques une priorité, et ainsi diriger les financements climatiques et environnementaux vers les petits exploitants agricoles, qui ne reçoivent actuellement que 1,7% de la  finance climat.

Les investissements dans l’adaptation sont tout aussi importants aujourd’hui que ceux liés à l’atténuation, afin que les progrès accomplis dans l’amélioration de la santé et du bien-être humains aux quatre coins du monde ne soient pas anéantis. L’adaptation est également essentielle à la sécurité des systèmes alimentaires mondiaux.

J’ai confiance dans le fait que le renforcement du partenariat entre l’Union africaine et l’Union européenne sera moteur pour la transformation des systèmes alimentaires et l’appui aux femmes et hommes qui nourrissent l’Afrique. En tant que chef de file du développement agricole et partenaire de l’Union africaine et de l’Union européenne, le FIDA se réjouit de contribuer à la consolidation de ce partenariat.

Je vous remercie de votre attention.