Retour sur le projet Gente de Valor au Brésil. Quelles leçons sur l'impact à long terme ?

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Retour sur le projet Gente de Valor au Brésil. Quelles leçons sur l'impact à long terme ?

Temps de lecture estimé: 6 minutes
©FIDA/Giuseppe Bizzarri

La sécheresse est un problème chronique dans le sertão, région semi-aride de l’État de Bahia au Brésil, longtemps oubliée des politiques et des programmes économiques. Si de nombreux efforts ont été déployés pour aider la région à faire face aux pénuries d’eau, la plupart des mesures ont produit des résultats à court terme et n’ont que peu contribué à l’affranchissement économique de la région à l’égard des aides publiques.

Le projet Gente de Valor, financé par le FIDA, a été créé pour répondre aux besoins des résidents les plus pauvres de la région du sertão. Dans le cadre du projet, une approche de développement piloté par la collectivité a été retenue pour contribuer de manière globale à l’amélioration durable du bien-être des habitants. Cette approche s’articulait autour de deux objectifs: canaliser la participation active des citoyens tout en contextualisant les interventions et améliorer à terme les résultats et les impacts.

Au départ, l’équipe du projet a collaboré avec des organismes locaux pour recenser les besoins particuliers des sertanejos (populations rurales des hautes terres semi-arides). Entre 2007 et 2013, l’équipe du projet a contribué à la construction d’un système de récupération de l’eau, à la mise en place de potagers à bas coût et à la promotion de plantes cultivées et de techniques de production adaptées à l’environnement local, tout en proposant des services d’assistance technique et des activités de renforcement des capacités, et en fournissant les intrants requis pour promouvoir la valorisation des produits agricoles. L’équipe du projet a aussi encouragé la participation et le leadership des populations locales, en particulier des femmes et des jeunes.  

En 2018 et 2019, le FIDA est retourné dans la région pour évaluer le projet. 

 

Résultats de l’étude d’impact

L’étude d’impact est tombée à point nommé. Depuis la clôture du projet, une période intense de sécheresse pluriannuelle s’est achevée et une crise économique a éclaté. Par conséquent, le champ de l’étude a été élargi aux effets de ces chocs dans le cadre de l’évaluation de la durabilité du projet.

Les effets positifs du projet transparaissent dans plusieurs indicateurs intermédiaires de bien-être. Par exemple, la construction de citernes et de systèmes locaux de récupération de l’eau, destinés principalement aux ménages, a permis d’accroître de 34% l’accès des participants à l’eau. Des gains de productivité ont été réalisés dans les cultures vivrières de base, telles que les haricots et le maïs, dont les rendements se sont améliorés de 41% et 28%, respectivement. D’autres résultats positifs ont été enregistrés dans le domaine de la production agricole, comme en témoigne l’expansion de l’infrastructure d’irrigation existante, qui n’était accessible qu’à 7% des ménages participants et non participants.

Le projet a été particulièrement performant pour ce qui concerne l’avancement des femmes. La participation des femmes a permis d’améliorer leur indépendance financière (12%), leur sentiment d’efficacité personnelle (14%), leur mobilité (9%), leur affiliation à des groupes (35%) et leur influence dans les groupes sociaux (36%). Les potagers ont sans doute joué un rôle considérable dans le renforcement de leur indépendance financière. Ils ont également permis d’accroître de 15% la diversité des herbes et des légumes cultivés par les familles.

Sur le plan des revenus des ménages, les résultats sont toutefois moins concluants. Bien qu’ils aient renforcé leurs capacités, les ménages participants ont touché des revenus 16% inférieurs à ceux des ménages non participants. Cela s’explique probablement par le fait que les ménages non bénéficiaires étaient davantage susceptibles de chercher du travail hors exploitation pendant la sécheresse, leur permettant de toucher un revenu supérieur à celui issu des activités agricoles.

Évaluation de l’approche de développement piloté par la collectivité

Le développement piloté par la collectivité présente en théorie plusieurs avantages, en ce qu’il accroît la participation des populations locales au processus de développement et améliore les résultats obtenus. Les diverses approches en la matière, qui varient selon la méthode, le contexte et les objectifs recherchés, peuvent apporter différents avantages aux organismes d’exécution des projets. L’évaluation a permis de tirer des conclusions intéressantes sur les modes de collaboration des groupes locaux et d’apporter des éclairages sur l’applicabilité du développement piloté par la collectivité, en tant qu’approche de développement, dans des projets structurés de manière similaire à Bahia et au-delà.

L’équipe du projet avait prévu que les populations locales travailleraient ensemble pour définir les programmes d’intervention les mieux adaptés à leurs besoins. Toutefois, d’après les données autodéclarées, dans les faits, la plupart des ménages n’ont pas participé aux prises de décisions. Par exemple, si 68% des ménages ont assisté régulièrement aux réunions, seuls 11% ont participé au choix des activités ou à l’identification des membres de la collectivité qui avaient le plus besoin d’assistance. Les ménages qui ont pris part à plusieurs activités d’assistance étaient les plus susceptibles de bénéficier véritablement du projet. Ceux qui se sont investis dans toutes les activités du projet (24%) étaient plus susceptibles d’avoir un meilleur niveau d’instruction, de posséder plus de terres et d’être relativement plus prospères.

Fait intéressant, 64% des ménages estimaient que leurs intérêts étaient « bien » ou « très bien » représentés, 80% considéraient que leurs besoins avaient été « satisfaits », et 72% avaient le sentiment que le projet avait eu un « net impact positif » dans le foyer. Néanmoins, si la prise de décisions dans la collectivité doit être au cœur de la stratégie de développement, il faut envisager d’autres moyens de promouvoir une véritable participation des populations locales.

Enseignements tirés

Comme l’a montré l’évaluation, les participants continuaient de bénéficier d’effets positifs du projet plusieurs années après sa clôture, même lorsqu’ils faisaient face à des chocs climatiques extrêmes.

Toutefois, pour les projets futurs, il serait utile de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour obtenir des résultats durables sur le plan de la génération de revenus. Par exemple, pendant les discussions de groupe organisées dans le cadre de l’évaluation, certains participants ont demandé à ce que l’accès à l’assistance technique soit élargi. Par ailleurs, un meilleur accès à l’irrigation aurait permis d’accroître les revenus agricoles.

En définitive, il est moins difficile de définir le profil historique des exploitants agricoles que de prévoir les besoins futurs d’une collectivité. Bahia se modernise, tout comme son tissu économique rural. Pour créer des revenus, vendre les excédents agricoles ne suffira pas. Il faudra redoubler d’efforts pour consolider les capacités des entreprises rurales et développer les compétences requises pour l’emploi salarié. Il est aussi possible d’augmenter les revenus agricoles en améliorant la capacité de commercialisation des exploitants et en leur donnant davantage accès aux acheteurs. Si des chocs climatiques plus intenses et plus fréquents sont attendus, il faudrait, pour les projets qui promeuvent la résilience et la réduction durable de la pauvreté, envisager la mise en place d’activités économiques hors exploitation, qui favorisent la diversification et appuient la commercialisation des produits dans les filières agricoles.

Offrir la possibilité aux collectivités de gérer les activités est certes louable, mais il convient de structurer davantage ce dispositif pour que les participants prennent effectivement part à la prise de décisions, que leurs besoins soient satisfaits et que les activités menées au titre des projets produisent un impact réel. En proposant dans le cadre de futurs projets des programmes cohérents d’activités interconnectées qui tiennent compte de la diversité et des iniquités au sein même des collectivités, nous pouvons espérer avoir un impact encore plus positif. 

Découvrez l’action du FIDA au Brésil.