Systèmes alimentaires résilients dans le monde de l'après-COVID-19 – L’agriculture paysanne a un vrai rôle à jouer

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Systèmes alimentaires résilients dans le monde de l'après-COVID-19 – L’agriculture paysanne a un vrai rôle à jouer

Temps de lecture estimé: 5 minutes
©FIDA/Susan Beccio

Avant l'apparition de la pandémie de COVID-19, plus de 820 millions de personnes souffraient de la faim. Ce sont des dizaines de millions d'autres personnes qui pourraient subir le même sort si nous ne prenons pas de toute urgence les mesures qui s'imposent. La résilience des petits producteurs, en particulier, est mise à rude épreuve, et la communauté internationale doit agir pour les aider si l'on veut éviter une crise alimentaire mondiale.

Ces femmes et ces hommes jouent un rôle essentiel, en nourrissant les populations rurales et urbaines de nombreuses régions du monde. En effet, les systèmes alimentaires dominés par des petites exploitations agricoles produisent plus de 70% des calories alimentaires en Amérique latine, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l'Est. En outre, l'agriculture paysanne contribue grandement au maintien de la diversité nutritionnelle.

Les agriculteurs risquent déjà souvent de ne pas manger à leur faim (réalité pour le moins paradoxale, compte tenu de leur contribution à la production alimentaire). Bien qu'ils cultivent leurs propres denrées alimentaires, nombre d’entre eux parmi les plus mal lotis n'ont qu'un accès limité aux intrants et aux ressources, et doivent en conséquence vivre en suivant un régime alimentaire restrictif qui satisfait à peine les besoins de la famille. Quant à ceux qui produisent régulièrement des surplus, le manque d'information et leur faible pouvoir de négociation limitent souvent les profits qu’ils peuvent en tirer. En conséquence, avec des revenus réduits, il leur est plus difficile de diversifier et d'enrichir leur régime alimentaire. Comme d'autres personnes vivant en milieu rural, ils sont donc particulièrement vulnérables aux chocs, notamment aux effets de la pandémie actuelle.

Cependant, ils font également partie de la solution.

Dans un sens, ils sont déjà là où nous avons le plus besoin d'eux: dans les régions rurales des pays en développement, où se trouve la majorité des personnes les plus pauvres et les plus mal nourries de la planète. Ainsi, ces petits exploitants sont la principale source alimentaire dans les zones où les besoins sont les plus importants. Ils écoulent la majorité de leur production sur les marchés intérieurs, d'où leur rôle particulièrement important au moment où les échanges commerciaux sont compromis. En particulier, grâce à leur proximité avec les marchés locaux , ils sont bien placés pour continuer à fournir des denrées alimentaires dans des situations où la crise de la COVID-19 a créé des problèmes complexes de logistique et de transport. En outre, le recours au travail familial peut également les aider à surmonter d'éventuelles pénuries de main d'œuvre pour les récoltes, l'acheminement des denrées alimentaires jusqu'aux marchés et d'autres tâches agricoles.

Plusieurs facteurs mettent en péril la résilience des petits producteurs et plus généralement celle des systèmes alimentaires. Le fonctionnement des dispositifs de transport et de distribution peut être interrompu par des mesures telles que le confinement et la distanciation sociale. La disponibilité réduite de la main d'œuvre agricole, causée par les limitations imposées aux migrations et à la mobilité, pourrait constituer une menace imminente dans les régions où les campagnes agricoles approchent, notamment la Corne de l'Afrique, l'Amérique centrale et les Caraïbes, l'Afrique de l'Ouest et une partie de l'Asie. En parallèle, la sécurité alimentaire des pays risque d'être encore fragilisée par les restrictions aux échanges et aux exportations, qui pourraient avoir des conséquences particulièrement néfastes pour les pays importateurs de denrées alimentaires.

Pour faire face à ces difficultés et protéger le fonctionnement des systèmes alimentaires, il est essentiel de faire en sorte que les agriculteurs puissent continuer d'accéder aux intrants dont ils ont besoin. Au Cambodge, par exemple, le FIDA axe son appui destiné aux semences, aux engrais et à l'irrigation sur les ingrédients de base de l’alimentation locale , en particulier les légumes verts à feuilles et les œufs de poule. En outre, une fois la production assurée, il faut également que les agriculteurs puissent acheminer leurs produits sur les marchés et les vendre. À El Salvador, nous stimulons les plans d'investissement pour permettre aux organisations de producteurs d'approvisionner les marchés locaux en légumes, en fruits et en produits laitiers.

Régler les problèmes de liquidités liés au confinement est également une priorité. En Inde, l'utilisation de micro guichets automatiques est étudiée dans le cadre de plusieurs projets du FIDA, pour permettre à des groupes féminins d'entraide de déposer ou de retirer des espèces. Ce modèle présente un attrait particulier en situation de confinement.

En cas de crise, les agriculteurs sont souvent contraints de recourir à des stratégies de survie préjudiciables, telles que la vente de leurs actifs, ce qui nuit à la productivité future. Nous devons mettre au point des stratégies ciblées pour préserver leur résilience et les empêcher de retomber dans la pauvreté. L'une des solutions, ce sont les transferts en espèces, dont l'efficacité a déjà été prouvée. En Tunisie, le FIDA soutient un programme gouvernemental de transfert en espèces mis en place pour lutter contre la COVID-19. Ces transferts éviteront aux exploitants de devoir vendre leurs actifs pour subvenir à des besoins essentiels et ils aideront les ménages à préparer la saison de croissance des cultures, qui commencera prochainement.

Cependant, compte tenu de l'ampleur de la pandémie et des besoins des zones rurales, le FIDA est allé encore plus loin en lançant le Mécanisme de relance en faveur des populations rurales pauvres afin d'être mieux à même de répondre aux besoins immédiats des petits producteurs. C’est une  stratégie à court terme visant à assurer la résilience sur le long terme. Pour activer le Mécanisme de relance, le FIDA mettra à disposition un financement de démarrage de 40 millions d'USD et compte mobiliser au moins 200 millions d'USD auprès des États membres et d’autres donateurs en vue d’intensifier les mesures de soutien mises en œuvre.

Par delà ses effets négatifs sur la santé mondiale et sur les économies du monde entier, il est essentiel d'éviter que la pandémie de COVID-19 ne plonge des millions de personnes supplémentaires dans la faim. Les petits producteurs peuvent nous y aider, si nous travaillons main dans la main avec eux, en investissant dans leurs activités. Pour construire un système alimentaire résilient, il est capital de renforcer la résilience des agriculteurs, dont la participation est fondamentale pour bâtir un avenir meilleur dans le monde de l'après COVID-19.