17 – Numéro spécial commun consacré au rapport sur la pauvreté rurale

Message conjoint des Directeurs

   
 

 

Kanayo F. Nwanze lors du lancement de l'édition 2011 du Rapport sur la pauvreté rurale à Chatham house (Londres).    

Bien que la pauvreté ait considérablement reculé dans certaines parties du monde au cours des dernières décennies, il n’en reste pas moins que 1,4 milliard de personnes environ survivent avec moins de 1,25 USD par jour et que près de 1 milliard de personnes souffrent de la faim. Plus des deux tiers de la population pauvre du monde vit en zone rurale; l’Afrique sub-saharienne est la région où l’incidence de la pauvreté est la plus forte, et c’est la seule où la pauvreté n’a pas reculé au cours de la décennie écoulée.
Pour l’Afrique sub-saharienne, l’atténuation de la pauvreté passe par l’accroissement de la productivité agricole, car l’agriculture reste le secteur dominant dans la plupart des pays. Il ne s’agit pas seulement de produire les denrées alimentaires, mais aussi d’assurer un emploi et des activités génératrices de revenus plus sûres pour la majorité de la population. Pour y parvenir, il faut porter les investissements dans l’agriculture et l’économie rurale non agricole à un niveau de nature à assurer une embellie durable de l’économie rurale. En particulier, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les infrastructures qui ne sont pas adaptées, ce qui empêche les agriculteurs d’atteindre facilement les marchés. Le résultat est qu’ils restent enfermés dans un cycle de culture de subsistance parce qu’ils ne peuvent pas créer des activités plus commerciales. Même si la situation s’améliore lentement grâce aux nouvelles technologies comme l’internet rapide ou les "téléphones intelligents", il reste de nombreux obstacles à surmonter, notamment sur le plan de l’accès aux marchés et de la gouvernance.  

En sa qualité d’organisation internationale dont l’action est axée sur les populations rurales pauvres, le FIDA expérimente un certain nombre d’approches et de méthodes de travail nouvelles; il prête une attention particulière à l’approche qui consiste à prendre en compte tous les maillons d’une filière de manière à contribuer à ouvrir aux populations rurales pauvres les perspectives dont elles ont tant besoin. En outre, il cherche à développer et améliorer les partenariats afin d’aider les pays à améliorer les moyens d’existence de leur population rurale.

Le Rapport sur la pauvreté rurale définit un programme d’action clair qui s’articule autour d’une approche globale de la croissance dans le monde rural. Il s’attache à découvrir comment la petite agriculture peut être plus rentable et mieux insérée dans les marchés modernes, mais aussi plus productive, plus respectueuse de l’environnement et mieux à même de résister face aux problèmes croissants que pose le changement climatique. Il recense également les perspectives de croissance et d’emploi que recèle l’économie rurale non agricole. Les priorités d’action doivent faire l’objet d'une appropriation et d'une adaptation en fonction des besoins et de la situation des différents pays. Au demeurant, le rapport indique par ailleurs clairement que la mise en œuvre de ce programme suppose une action gouvernementale décloisonnée conduite par les différents ministères et l’abolition de certaines distinctions traditionnelles entre les politiques et programmes sociaux et économiques. Elle demande aussi un effort collectif, y compris de nouveaux partenariats et de nouvelles formes de responsabilisation, et de nouvelles méthodes de travail entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les organisations de ruraux pauvres, la communauté internationale du développement jouant, le cas échéant, un rôle d'appui ou de médiation. Si toutes ces parties prenantes le veulent assez fortement, la pauvreté rurale peut être considérablement réduite.

Mohamed Béavogui et Ides de Willebois

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Le Rapport sur la pauvreté rurale 2010

Introduction

   
 

 

Tovoke (à gauche) est occupé à démêler un filet avec l'aide de Vontanà, son voisin, à Bema (Madagascar).    

Pendant des décennies, l'agriculture dans les pays en développement a été pratiquée avec, en toile de fond, une faiblesse des cours mondiaux des produits alimentaires conjuguée, dans de nombreux pays, à un environnement national défavorable. L'investissement insuffisant dans le secteur de l'agriculture, les politiques inadaptées, les marchés étriqués et non concurrentiels, les infrastructures rurales défaillantes, les services productifs et financiers inadéquats et la détérioration des ressources naturelles sont autant de facteurs qui ont contribué à créer un environnement dans lequel il est fréquemment risqué, voire non rentable, pour les petits agriculteurs de participer aux marchés agricoles. Aujourd'hui, la hausse des cours mondiaux des produits agricoles contribue à créer un nouvel environnement dans lequel les petits agriculteurs doivent évoluer et qui pourrait les inciter davantage à s'insérer dans les marchés pour en tirer des bénéfices. Toutefois, pour parvenir à cette situation, l'environnement national doit également s'améliorer. Dans bon nombre de pays, il est urgent d’élaborer des politiques adaptées, d’adopter ou d’élargir les approches performantes et d’investir davantage et mieux dans le secteur agricole et dans les zones rurales.

Un environnement favorable à l’agriculture doit non seulement aplanir les questions et problèmes de longue date, mais aussi tenir compte des réalités plus récentes. Les ressources naturelles sur lesquelles repose l’agriculture – la terre et l’eau en particulier – se dégradent progressivement et font l’objet d’une compétition toujours plus âpre. Le changement climatique, qui exacerbe déjà cette situation, rendant l’agriculture plus risquée, entraînera à l’avenir des répercussions encore plus fortes. Les marchés nationaux de produits alimentaires se développent rapidement et deviennent plus différenciés dans un grand nombre de pays, offrant de nouveaux débouchés économiques, assortis de risques, aux petits agriculteurs. Les débouchés offerts par le commerce et les marchés internationaux sont également en mutation, avec l’intégration croissante de filières d’approvisionnement agricole mondiales et l’émergence de grandes puissances économiques, telles que le Brésil, la Chine et l’Inde, qui représentent des sources d’offre et de demande colossales pour les produits agricoles. Dans un grand nombre de pays en développement, les zones rurales et urbaines sont de plus en plus interconnectées, et la nature changeante de la “ruralité” crée de nouvelles possibilités de promouvoir la croissance rurale et la réduction de la pauvreté.

Ces dernières années, l’agriculture a fait l’objet d’un intérêt renouvelé en tant que moteur essentiel du développement et de la réduction de la pauvreté. D’ailleurs, au lendemain de la flambée des prix des denrées alimentaires, plusieurs initiatives ont vu le jour pour tenter de relancer l’agriculture dans les pays en développement. D’un autre côté, on s’intéresse de plus en plus aux problèmes posés par l’adaptation de l’agriculture paysanne au changement climatique, et aux façons dont les ruraux pauvres pourraient accéder aux débouchés commerciaux liés aux services environnementaux et à l’atténuation du changement climatique et en tirer des avantages. De plus, le rôle de l’État dans l’agriculture et la réduction de la pauvreté rurale est réévalué tandis que l’on commence à se pencher sur le rôle que les politiques et investissements publics seraient susceptibles de jouer pour atténuer la volatilité des marchés et garantir la sécurité alimentaire nationale.

Il est largement admis que la croissance dans le secteur de l’agriculture génère habituellement les améliorations les plus importantes pour les plus démunis – en particulier dans les pays pauvres à vocation agricole. Le Rapport sur la pauvreté rurale convient que l’agriculture, sous réserve d’être mieux ajustée aux nouveaux risques et débouchés qui se présentent aux petits agriculteurs dans les domaines de l’environnement et du marché, peut rester un moteur essentiel de la croissance rurale et de la réduction de la pauvreté, en particulier dans les pays les plus pauvres. Dans tous les pays, toutefois, la création de nouvelles possibilités de réduction de la pauvreté rurale et de croissance économique exige une approche globale du développement rural, englobant l'économie rurale non agricole aussi bien que l'agriculture. Un secteur agricole dynamique est souvent indispensable pour stimuler la croissance rurale diversifiée. Mais on assiste aussi à l’émergence de nouveaux facteurs non agricoles de la croissance rurale dans plusieurs contextes, qui sont susceptibles d'être exploités.

L'hypothèse fondamentale mise en avant dans ce rapport est que la nécessité pour les ruraux pauvres de maîtriser les nombreux risques auxquels ils sont confrontés amoindrit leur capacité de profiter des nouveaux débouchés offerts à la fois par l'agriculture et l'économie non agricole. Tout au long du rapport, l'accent est mis sur le rôle capital que les politiques, les investissements et la bonne gouvernance peuvent jouer pour réduire les risques et aider les ruraux pauvres à mieux les gérer, mettant ainsi les nouveaux débouchés à leur portée. Toutefois, de nouvelles formes de collaboration entre l'État et la société doivent aussi être cultivées, en associant les populations rurales et leurs organisations, le secteur des affaires et tout un éventail d'acteurs de la société civile. Ces partenariats sont cruciaux pour la mise au point d'outils efficaces de gestion et d'atténuation des risques.

L'état actuel de la pauvreté rurale

   
 

 

Bintou Sambou, 45 ans, et le plus jeune de ses enfants, dans la maison qu'elle construit pour sa famille à Bignona, une ville du Sénégal, le vendredi 28 mai 2010.    

La population du monde en développement demeure plus rurale qu'urbaine: quelque 3,1 milliards de personnes, soit 55% de la population totale, vivent en milieu rural. Toutefois, entre 2020 et 2025, la population rurale totale atteindra un pic avant d'entamer son déclin, et la population urbaine du monde en développement dépassera sa population rurale. En Amérique latine et dans les Caraïbes ainsi qu’en Asie de l'Est et du Sud-Est, le nombre de ruraux est déjà en déclin. Ailleurs, la croissance de la population rurale ralentit. Les chiffres commenceront à baisser vers 2025 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi qu’en Asie du Sud et du Centre, et vers 2045 en Afrique subsaharienne.

Bien que la pauvreté ait considérablement reculé dans certaines parties du monde au cours des dernières décennies – notamment en Asie de l'Est –, il n’en reste pas moins que 1,4 milliard de personnes survivent avec moins de 1,25 USD par jour et que près de 1 milliard de personnes souffrent de la faim. Au moins 70% des personnes très pauvres dans le monde résident dans les zones rurales, et une grande proportion des personnes pauvres et touchées par la faim sont des enfants et des jeunes. Il est probable que cette situation ne changera pas dans le futur immédiat malgré l'urbanisation généralisée et les changements démographiques observés dans toutes les régions. L'Asie du Sud, qui affiche le nombre le plus élevé de ruraux pauvres, et l'Afrique subsaharienne, où l'incidence de la pauvreté rurale est la plus forte, sont les régions les plus durement frappées par la pauvreté et la faim. Les niveaux de pauvreté varient considérablement, toutefois, non seulement entre les régions et les pays, mais aussi à l'intérieur des pays.

Il existe, parmi le 1,4 milliard de personnes vivant dans la pauvreté extrême, un groupe important, dont les membres sont parfois qualifiés d'"ultra-pauvres", se situant bien au-dessous du seuil de pauvreté. Selon l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), un demi million de personnes vivaient en 2004 avec moins de 0,75 USD par jour, dont 80% environ en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, et les plus pauvres très majoritairement en Afrique subsaharienne; il s'agit, pour la plupart, de ruraux. Dans les zones les plus pauvres de pays comme le Kenya, le Sénégal et le Mali, les revenus des 5% de ménages les plus pauvres sont à peine imaginables, de 30 à 50 USD par personne et par an. En fait, depuis 1990, les progrès ont été encore plus lents pour ces personnes que pour d'autres groupes parmi les pauvres, aussi bien en termes de pauvreté monétaire que de faim.

Selon les données de la FAO, le nombre de personnes sous-alimentées augmente depuis le milieu des années 1990. Suite à la crise des prix alimentaires et à la crise économique, le nombre de personnes souffrant de la faim a atteint pour la première fois un milliard en 2009. Grâce à une meilleure croissance économique et à une baisse des prix alimentaires, le chiffre est retombé à 925 millions en 2010.

De nombreux pays ont connu, au cours des 10 à 20 dernières années, une croissance significative, mais qui n'a pas toujours été accompagnée d'une réduction proportionnée de la pauvreté – spécialement lorsque cette croissance a eu pour moteur d'autres secteurs que l'agriculture. La croissance du secteur de l'agriculture est généralement celle qui produit les plus grandes améliorations pour les populations les plus défavorisées – en particulier dans les économies les plus pauvres à base principalement agricole. Ces dernières années, l'agriculture a fait l'objet d'un intérêt renouvelé en tant que moteur essentiel du développement et de la réduction de la pauvreté. D’ailleurs, au lendemain de la flambée des prix des denrées alimentaires, plusieurs initiatives ont vu le jour pour tenter de relancer l'agriculture dans les pays en développement. D'un autre côté, on s'intéresse de plus en plus aux problèmes posés par l'adaptation de l'agriculture paysanne au changement climatique, et aux façons dont les ruraux pauvres pourraient accéder aux débouchés commerciaux liés aux services environnementaux et à l'atténuation du changement climatique et en tirer des avantages. De plus, le rôle de l'État dans l'agriculture et la réduction de la pauvreté rurale est réévalué tandis que l'on commence à se pencher sur le rôle que les politiques et investissements publics seraient susceptibles de jouer pour atténuer la volatilité des marchés et garantir la sécurité alimentaire nationale.

La pauvreté rurale s'explique par le manque de moyens de production, les perspectives économiques limitées et le faible niveau d’instruction et de qualification ainsi que les désavantages enracinés dans les inégalités sociales et politiques.

Pourtant, un grand nombre de ménages basculent dans la pauvreté et en sortent à plusieurs reprises, quelquefois en l'espace de quelques années. Ainsi, bien que certains ménages ruraux restent englués dans une pauvreté chronique ou persistante, une proportion relativement élevée de personnes ne sont pauvres que d'une manière ponctuelle. Les données en provenance de pays aussi divers que l'Argentine, le Bangladesh, le Chili, la Chine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Indonésie, l'Ouganda et la République islamique d'Iran montrent que les personnes parfois pauvres sont plus nombreuses que celles qui le sont en permanence. L'ampleur du mouvement d'entrée dans la pauvreté et de sortie de la pauvreté et la rapidité avec laquelle la situation des personnes peut changer sont remarquables. Il n’est pas rare que 10 à 20% de la population tombent dans la pauvreté ou en sortent au cours d'une période de cinq à dix ans. Dans les cas les plus extrêmes, plus de 30% de la population peuvent devenir pauvres ou cesser de l'être.

Les causes principales de la chute des ménages dans la pauvreté sont les chocs, par exemple la maladie, les mauvaises récoltes, les dépenses sociales excessives ou les conflits et les catastrophes. La sortie de la pauvreté est associée à l'initiative personnelle et à l’esprit d'entreprise. Elle est fortement corrélée à des caractéristiques du ménage telles que l'éducation et la possession de moyens de production physiques et est également tributaire de la santé des intéressés. Outre les facteurs caractérisant le ménage, la croissance économique et l'offre locale de débouchés, marchés, infrastructures et institutions d'appui – sans oublier la bonne gouvernance – sont tout aussi importantes. Ces facteurs tendent à être inégalement distribués à l'intérieur d'un pays donné.

Certains groupes – en particulier les femmes rurales, les jeunes, les peuples autochtones et les minorités ethniques – restent souvent à la traîne d'une manière disproportionnée en raison des désavantages enracinés dans les inégalités. Si l'on veut que ces groupes surmontent leurs désavantages, il convient de mettre à leur disposition des moyens de production et de renforcer leurs capacités – individuelles et collectives –, tout en créant localement des débouchés accessibles et en aplanissant les risques auxquels ils sont confrontés ou en les aidant à mieux les gérer. Jusqu'à une époque récente, les capacités des populations rurales ont souvent été abordées indépendamment des investissements dans la création d'opportunités de développement rural. Or, ces questions doivent être traitées concurremment si l'on veut promouvoir une sortie de la pauvreté généralisée et une croissance rurale bénéfique pour tous et plus particulièrement pour les pauvres.

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L'importance de l'examen du risque

Points essentiels du rapport

   
 

 

Pascaline Bampoky, 30 ans, est assise devant sa maison en compagnie de sa famille à Bignona, une ville du Sénégal, le vendredi 28 mai 2010.    

La prévention et la gestion des risques, indispensables à la sortie de la pauvreté des ménages ruraux pauvres, sont donc au cœur de leurs stratégies de subsistance. Au niveau du ménage, les décisions prises quant à l'affectation et l'utilisation de l'argent, de la terre et de la main-d'œuvre sont fonction non seulement des opportunités disponibles, mais aussi de la nécessité de minimiser la possibilité d'une exposition du ménage à des chocs qui pourraient le faire tomber dans la pauvreté, l'empêcher d'en sortir ou réduire sensiblement sa capacité de dépenser pour satisfaire ses besoins primaires. D’ailleurs, dans de nombreux cas, la nécessité de minimiser une telle éventualité amoindrit la capacité de tirer parti des débouchés, ceux-ci étant habituellement associés à un certain degré de risque. En général, les ménages ruraux gèrent les risques grâce à la diversification des activités: les petits agriculteurs peuvent produire une grande variété de cultures ou associer les cultures à l’élevage. Un grand nombre de ménages recourent aussi aux activités non agricoles pour compléter leurs revenus et réduire les risques associés à l'agriculture – ou vice versa. L'accumulation des moyens de production – l'argent, la terre, le cheptel et d'autres actifs – est également essentielle pour amortir les chocs, et elle représente un élément capital des stratégies de gestion des risques à l'échelon du ménage.

Les chocs constituent le facteur majeur de l'appauvrissement ou du maintien dans la pauvreté. Les ruraux pauvres sont moins résistants que les personnes plus aisées parce qu'ils ont moins de moyens de production à leur disposition pour refaire surface en cas de choc. Dans une telle situation, ils peuvent être obligés de recourir à des stratégies de survie impliquant l'endettement, la vente de biens ou la suppression de l’éducation des enfants et des jeunes – ce qui aggrave d’autant plus leur vulnérabilité face aux chocs futurs.

Dans de nombreuses régions du monde, les ruraux pauvres vivent dans un contexte de risque toujours plus âpre. Ils sont confrontés non seulement aux risques de longue date liés à la maladie, la variabilité climatique, les marchés, le coût des cérémonies sociales importantes et la mauvaise gouvernance – y compris la fragilité de l'État –, mais aussi à de nombreux autres facteurs d’apparition plus récente. Ces facteurs sont la dégradation des ressources naturelles et le changement climatique, l'insécurité croissante de l'accès à la terre, la pression plus forte exercée sur les ressources collectives et les institutions apparentées et la volatilité persistante des prix des denrées alimentaires. Dans un tel environnement, les nouvelles possibilités de croissance en milieu rural risquent de ne pas être à la portée d'un grand nombre de ruraux pauvres. Souvent, des politiques novatrices et des investissements sont indispensables pour aplanir les risques nouveaux ou émergents et améliorer la réponse apportée à ceux qui existent de longue date.

Une approche suivant plusieurs axes est nécessaire afin de placer une juste appréciation des risques et des chocs au centre d'une nouvelle stratégie pour la croissance rurale et la réduction de la pauvreté. D'une part, il s'agit de renforcer la capacité des ruraux pauvres de maîtriser les risques en appuyant et en élargissant les stratégies et les outils qu'ils utilisent pour gérer les risques et survivre, et de les aider à acquérir des compétences, des connaissances et des moyens de production leur permettant de mettre sur pied de nouvelles stratégies. D’autre part, il est nécessaire de rendre les conditions dans lesquelles ils vivent moins risquées, que ce soit du point de vue des marchés, des soins de santé et des autres services essentiels, de l'environnement naturel ou de la sécurité en période de conflit. Les domaines prioritaires spécifiques sont le renforcement des organisations communautaires, notamment aux fins de la conception de nouveaux mécanismes de solidarité sociale; la promotion de la diffusion plus étendue et poussée d'une série de services financiers adaptés aux ruraux pauvres; et l'appui aux programmes de protection sociale susceptibles d'aider les ménages pauvres à amasser des moyens de production, réduire les risques et investir plus facilement dans les activités génératrices de revenus rentables.

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Des marchés agricoles pour accroître les revenus

Points essentiels du rapport

   
 

 

Pascaline Bampoky, 30 ans, tire de l'eau du puits de ses voisins à Bignona, une ville du Sénégal, le vendredi 28 mai 2010. Depuis que le puits de sa famille s'est tari, Pascaline est obligée d'utiliser celui de ses voisins pour satisfaire tous les besoins en eau de sa famille.    

Des marchés agricoles qui fonctionnent bien sont indispensables à la croissance rurale et à la réduction de la pauvreté. La plupart des ménages ruraux sont connectés au marché, que ce soit pour vendre leurs produits, acheter des denrées ou les deux.

Toutefois, le degré de connexion est extrêmement variable. La participation au marché est souvent incertaine, risquée et soumise à des termes de l’échange défavorables. Dans de telles conditions, un grand nombre de ménages préfèrent produire leurs propres aliments plutôt que de les acheter sur les marchés locaux, tandis que d'autres limitent leurs investissements dans les cultures commerciales faute de marchés fiables pour écouler leurs produits.

Il est important de réduire les risques et les coûts de transaction dans les filières pour déterminer si les petits exploitants ont intérêt ou non à s’intégrer dans des marchés agricoles modernes. Le renforcement de leur capacité d'organisation est indispensable si l’on veut que leur participation aux marchés soit plus efficace et si l’on souhaite réduire les coûts de transaction tant pour eux que pour leurs partenaires commerciaux. Les infrastructures jouent aussi un rôle non négligeable – en particulier les transports et les technologies de l'information et des communications – dans la réduction des coûts et des incertitudes et l’amélioration des flux d'informations sur les marchés. Les contrats peuvent être utiles dans la mesure où ils instaurent souvent la confiance entre les petits agriculteurs et les agro-industries et facilitent l'accès des agriculteurs au crédit pour les intrants et à d’autres services financiers. L'essor des initiatives liées à la responsabilité sociale des entreprises de l'industrie alimentaire mondiale crée un contexte de plus en plus favorable à l'établissement de ce type de contrats.

Les marchés de produits agricoles ont subi de profondes transformations ces deux ou trois dernières décennies, en termes d'ampleur et de nature de la demande ainsi que d’organisation de l'offre et de gouvernance. Dans la plupart des pays en développement, la demande pour les produits agricoles, en particulier les produits à valeur élevée, augmente rapidement compte tenu du nombre croissant et des revenus plus substantiels des consommateurs urbains. La multiplication rapide des supermarchés stimule la mise en place de filières modernes, en particulier pour les aliments à forte valeur. Ces filières sont généralement mieux organisées, coordonnées et sont soumises à des normes plus rigoureuses que les marchés traditionnels, mais ces derniers continuent à jouer, dans la plupart des pays, un rôle non négligeable dans les circuits d'approvisionnement en produits alimentaires. Les marchés et les filières restructurés ou modernes offrent un nouvel environnement aux petits agriculteurs, caractérisé par des débouchés potentiellement rentables mais, en contrepartie, des coûts d'entrée plus élevés et un risque de marginalisation accru. Les marchés traditionnels restent toutefois une alternative intéressante et parfois une option de secours.

La structure des marchés agricoles mondiaux et régionaux devient par ailleurs plus intégrée et concentrée. La carte du commerce agricole mondial a changé, certaines puissances économiques en rapide expansion prenant un plus grand poids. Beaucoup de marchés de l'exportation tendent à exclure les petits fournisseurs, un processus qui s'est intensifié avec l’application, par les revendeurs du Nord, de normes plus rigoureuses aux produits et aux processus.

Le degré de participation des petits agriculteurs aux marchés agricoles varie considérablement, en fonction notamment du niveau et de la localisation des ressources du ménage. Dans de nombreux pays, un ou deux cinquièmes seulement de la population rurale participent de manière significative aux marchés agricoles, tandis que certains ménages, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales les plus éloignées, n'ont que peu ou pas d'interaction avec les marchés. La plupart des ménages ruraux pauvres sont, toutefois, des acheteurs – nets ou absolus – de produits alimentaires, et les marchés des produits alimentaires sont donc essentiels pour eux en tant que consommateurs. Étant donné que les sources de revenus provenant de l'activité non agricole constituent une part sans cesse croissante des revenus ruraux, des marchés agricoles et alimentaires fonctionnant bien seront encore plus importants, à l'avenir, pour la sécurité alimentaire.

L'accès à des marchés des produits rémunérateurs et fiables peut permettre aux ménages paysans d'axer leurs systèmes de production sur le marché et de mettre l'accent sur les cultures à vocation commerciale et les produits de l'élevage, ce qui pourra accroître et assurer leur revenu monétaire et rendre moins impérative l'autosuffisance. Dans un exemple relevé en Ouganda, l'Union des paysans de Nyabyumba a bénéficié d'une aide externe substantielle pour parvenir au point où elle a pu devenir l'un des fournisseurs de pommes de terre de la chaîne de restauration rapide Nando’s à Kampala. Cet objectif atteint, les membres du groupe (à 60% des femmes) ont changé de stratégie: au lieu de dépendre du travail salarié non agricole et d'activités agricoles pour satisfaire aux besoins alimentaires de leurs ménages, ils sont devenus des producteurs spécialisés, entièrement tournés vers la production commerciale et capables d'utiliser leur revenu pour acheter les produits alimentaires répondant à leurs besoins. Au Kenya également, un marché des produits laitiers efficace a permis aux petits paysans travaillant sur de très petites exploitations d'axer leurs systèmes de production sur le marché, de remplacer le pâturage par du fourrage acheté et de produire du lait avant tout pour le marché de Nairobi. La production de cultures à vocation commerciale peut aussi aider les ménages paysans pauvres à obtenir le revenu nécessaire à l'acquisition d'intrants pour la production de cultures vivrières. Un accès amélioré et moins risqué au marché constitue donc une importante incitation à l'augmentation des investissements agricoles et à l'accroissement de la productivité.

Faso Jigi et le marché des céréales au Mali

Faso Jigi a été fondée en 1995 avec l'appui de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) et de l'organisation québécoise Union des producteurs agricoles - Développement international (UPA - DI), dans le cadre d'un programme de restructuration des marchés des céréales. Créée sous la forme d'une association de coopératives paysannes, elle visait à faciliter l'accès des petits exploitants aux marchés et à obtenir de meilleurs prix, plus stables, pour les céréales (riz, sorgho et mil) et les échalotes.

Avec le temps, le système de commercialisation collective mis en place à Faso Jigi a réuni d'importants volumes de produit, dotant l'organisation d'un pouvoir de négociation significatif sur les marchés local et national, et réduisant les coûts de transaction, aussi bien pour les paysans que pour d'autres acteurs du marché grâce aux économies d'échelle sur les plans du stockage et du transport. Le système garantit aussi la stabilité des prix à la production et une large diffusion des informations de marché sur les prix payés aux petits exploitants, ce qui les renforce aussi vis-à-vis des acheteurs. Faso Jigi a également permis à ses membres d'avoir accès à des conseils techniques, ce qui a amélioré la quantité et la qualité de leur production, et de procéder à des achats groupés d'engrais, ce qui a assuré une amélioration des prix et de la qualité. Enfin, l'association a élaboré un mécanisme de paiements anticipés pour aider ses membres à résoudre le problème de l'obtention du fonds de roulement au début de la campagne agricole. Grâce à ce système, les paysans reçoivent des prêts en échange d'une promesse de livraison à Faso Jigi. Faso Jigi demande alors un prêt à une institution financière, sur la base des besoins totaux de crédit de ses membres, et utilise son fonds de commercialisation comme garantie. Un fonds d'assurance a par ailleurs été mis en place pour couvrir d'éventuels dommages et des chocs sur le plan des prix.

Depuis sa création, Faso Jigi est devenue une organisation remportant un succès remarquable, réunissant plus de 5 000 paysans regroupés au sein de plus de 134 coopératives. Elle vend chaque année plus de 7 000 tonnes de céréales, d'une valeur supérieure à 2,5 millions d'euros. Elle a acquis une capacité significative d'influer à la fois sur les marchés et les politiques agricoles. Les grossistes préfèrent s'approvisionner auprès de Faso Jigi et sont disposés à payer des prix plus élevés parce que l'association offre une centralisation des stocks et une meilleure qualité en termes d'installations de stockage et d'accessibilité. Les marchés des céréales sont toutefois en évolution permanente dans la région, et Faso Jigi doit donc adapter son système de commercialisation pour demeurer compétitive.

Source: “Faso Jigi: L’espoir d’un peuple

Cependant, particulièrement en Afrique, le manque d’infrastructures reste un obstacle.

   
 

 

Bintou Sambou, 45 ans, assise devant sa maison, est occupée à remplir des fioles de moukirr (un onguent traditionnel) à Bignona, une ville du Sénégal, le vendredi 28 mai 2010. Bintou vend cet onguent pour compléter ses revenus.    

Dans les domaines de l'énergie, de l'eau et du transport, les infrastructures ne se développent que lentement. La région continue de souffrir d’un important déficit infrastructurel (la densité des routes revêtues dans les pays à faible revenu est, en Afrique subsaharienne, seulement le quart de ce qu'elle est dans d'autres régions); les services d'infrastructure y demeurent deux fois plus coûteux que dans les autres régions. Au total, cela peut avoir un très fort impact sur les coûts de commercialisation. Les coûts de transport n'augmentent pas seulement avec la distance parcourue: en règle générale, le coût par kilomètre est plus élevé sur les routes en terre que sur les routes goudronnées, et encore plus lorsque la route en terre se transforme en chemin. Des enquêtes conduites au Bénin, à Madagascar et au Malawi ont montré que les frais de transport peuvent représenter de 50 à 60% du coût total de commercialisation.

   
 

 

Stanley Mchome est un Mkulima Shushushu, autrement dit un espion commercial. Il se sert de son téléphone mobile pour transmettre aux producteurs de son groupe des informations sur les prix pratiqués par toute une série de négociants et de marchés. Marché du village de Magugu dans le district de Babati, en Tanzanie. Le projet First Mile a pour objet de favoriser la communication et les technologies dans les zones rurales afin de permettre l'accès aux marchés et une tarification concurrentielle des marchandises.    

Aborder ces problèmes et améliorer l'infrastructure physique constituent des éléments essentiels du contexte de bonne gouvernance qui doit être mis en place pour réduire les coûts et les risques auxquels sont confrontés les petits exploitants dans leurs efforts d'accès à de nouvelles opportunités de marché.

Cependant, les technologies de l'information et des communications (TIC), et en particulier les téléphones mobiles, introduisent aujourd'hui dans l'information une révolution qui touche jusqu'aux zones rurales éloignées. L'utilisation des téléphones mobiles connaît une croissance exponentielle, et les combinés sont désormais abordables pour de nombreux ruraux pauvres. Les téléphones mobiles ont considérablement réduit les coûts de transaction du marché pour les petits exploitants, puisqu'ils permettent de s'informer des prix des produits sur les marchés (réduisant ainsi les risques liés à l'inégalité d'accès à l'information), de contacter les acheteurs, de transférer de l'argent et de convenir de prêts. Un nombre croissant de services pertinents pour les ruraux pauvres sont désormais fournis par téléphone mobile (par le biais du service d'envoi de messages courts [SMS]): transmission d'informations sur les marchés agricoles, les épidémies et les marchés de l'emploi, de prévisions météorologiques et de conseils techniques – autant d'éléments importants pour le renforcement des stratégies des ruraux pauvres en matière de gestion du risque et d'affrontement.

L'information sur le marché en Zambie: ZNFU 4455

Le système d'information sur le marché mis en place par l'Union nationale des agriculteurs de Zambie (ZNFU 4455) a été conçu en 2006 avec l'aide du Programme de promotion des entreprises paysannes et de commercialisation, appuyé par le FIDA, afin de permettre aux petits exploitants participant au programme de connaître les prix effectivement pratiqués sur le marché.

Afin de trouver le meilleur prix offert, l'agriculteur envoie au numéro 4455 un message SMS contenant les quatre premières lettres du nom du produit et l'indication du district ou de la province. Il reçoit immédiatement un message énumérant les meilleurs prix et les codes désignant les acheteurs offrant ces prix. Après avoir choisi l'acheteur qui répond le mieux à ses besoins, l'agriculteur peut envoyer un second SMS avec le code de l'acheteur. Il reçoit alors un nouveau message lui indiquant le nom de son contact et son numéro de téléphone. L'agriculteur peut alors téléphoner à l'acheteur et entamer sa transaction. Chaque message coûte environ 0,15 USD. Le système fonctionne pour 14 produits de base et énumère plus de 180 négociants. Entre août 2006, date de son lancement, et août 2009, le système a reçu plus de 165 000 messages. On estime que 15% des messages SMS initialement adressés au système ont directement abouti à une vente de leurs produits par les paysans, et que plus de 90% des appels aux acheteurs ont débouché sur des transactions.

Source: Milligan et al. (2009)

Par ailleurs, les gouvernements ont des rôles importants à jouer dans l'appui au développement de chaînes de valeur agricoles dans lesquelles les petits exploitants puissent trouver des opportunités de marché rentables mais néanmoins peu risquées. Ils doivent élaborer des politiques et des réglementations habilitantes; investir dans des activités favorisant l'expansion et la transformation de marchés agricoles et de chaînes de valeur spécifiques; appuyer la capacité des ruraux pauvres d'y participer de manière plus profitable; et encourager le secteur privé à investir dans les petites exploitations et à s'approvisionner auprès d’elles et à offrir des opportunités d'emploi décent. Ils peuvent aussi faire beaucoup pour réduire les risques et les coûts de transaction pour les petits exploitants et d'autres acteurs du marché.

Il serait parfois justifié que les pouvoirs publics jouent un rôle plus dynamique dans la réduction des risques de marché pour les petits exploitants agricoles, comme le montre à l'évidence l'exemple de l’office de commercialisation du cacao (COCOBOD) au Ghana.

Office ghanéen de commercialisation du cacao

Résistant aux appels à la libéralisation des années 1980, le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, a défendu la valeur de son COCOBOD. Il a toutefois libéralisé des petites parties de la chaîne d'approvisionnement du cacao, tout en rationalisant les opérations du COCOBOD afin de réduire ses dépenses démesurées et d’autres taxes implicites. Entre le milieu des années 1980 et le début des années 2000, le COCOBOD a réduit ses effectifs, passés de 100 000 à 10 500 personnes; il a délégué des activités non essentielles à des ministères plus appropriés; ses procédures rigoureuses de contrôle de la qualité ont assuré au cacao du Ghana une prime constante sur les marchés mondiaux; et il a sensiblement accru la part du prix à l'exportation revenant aux petits producteurs de cacao, en utilisant les contrats à terme pour stabiliser les prix.

Source: IISD (2008)

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Intensification durable de l'agriculture

Points essentiels du rapport

   
 

 

Un jeune garçon dans un champ à Kossoye, en Éthiopie. Projet du bassin du lac Tana, dans la région Amhara. Kossoye se trouve dans la zone de projet de Megech, en Éthiopie.    

Le doublement de la production alimentaire dans les pays en développement d'ici à 2050 passe, avant tout, par une utilisation plus intensive des terres et des rendements plus élevés. Ces 40 dernières années, la production alimentaire a progressé à un rythme égal ou supérieur à celui de la croissance démographique, la productivité agricole améliorée se traduisant par une augmentation considérable de l'approvisionnement alimentaire mondial et, jusqu'à une période récente, des prix en baisse pour les denrées alimentaires. Toutefois, les incidences environnementales externes des approches de l'intensification agricole fondées exclusivement sur l'utilisation de semences améliorées et de produits agrochimiques en grandes quantités suscitent des préoccupations. Dans un contexte marqué par l'altération des ressources naturelles, la pénurie d’énergie et le changement climatique, un consensus se dessine aujourd’hui en faveur d’une approche plus systémique.

Bien que la production agricole de l'Afrique subsaharienne ait augmenté presque au même rythme que celle des autres régions (environ 2,5% par an), la hausse des rendements n'y a contribué qu'à concurrence de 40%; le reste – plus de 60% de l'augmentation – peut être attribué à l'expansion des terres cultivées et à une réduction des périodes de jachère.

   
 

 

Des vendeurs de gari attendent les clients. Grâce à l'appui du Programme d'amélioration et de commercialisation des racines et tubercules et de la phase II du Projet en faveur des petites entreprises rurales, l'activité d'Akua Kyerewa Addo, Osei Yaw Frimpong et d'autres membres de la coopérative des vendeurs de manioc et de plantain du marché de Techiman a fortement progressé. Akua Kyerewaa Addo (48 ans, marié et père de six enfants) explique: "Avant, je vendais à peu près 100 sacs de gari par semaine. Maintenant j'en écoule environ 300. Mes clients viennent du Niger, du Burkina Faso, d'Accra, de Kumasi, de Takoradi et de beaucoup d'autres endroits. Je fournis aussi des écoles. Maintenant je possède deux maisons et deux camions, et je travaille pour avoir de quoi m'acheter un tracteur, car je cultive aussi la terre."    

Il y a eu également un certain nombre d'avancées technologiques, comme la diffusion rapide, en Afrique orientale et australe, des variétés de maïs améliorées, auxquelles sont aujourd'hui consacrés plus des trois quarts des terres céréalières au Kenya, au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe; l'adoption des variétés à haut rendement du riz NERICA, combinant les meilleures propriétés des riz africains et asiatiques, sur plus de 200 000 hectares dans l'ensemble de l'Afrique; et les souches de manioc améliorées résistantes aux maladies, couvrant plus de la moitié des superficies en manioc du Nigéria, qui en est aujourd'hui le premier producteur mondial. Toutefois, malgré ces avancées incontestables, les variétés améliorées n'étaient plantées en 2002 que sur moins de 25% des terres consacrées aux céréales dans l'ensemble de la région; les taux d'application d'engrais étaient inférieurs à 10 kilogrammes d'éléments fertilisants par hectare (chiffre inchangé depuis 1980); et seulement 4% du total des terres arables de la région étaient irrigués.

L'agriculture doit devenir moins risquée pour les petits exploitants agricoles, être plus durable et plus productive. Au cours de la dernière décennie environ, un nombre croissant de chercheurs et de spécialistes des sciences sociales se sont intéressés à la notion de durabilité, et une série d'expressions comme "approches agroécologiques", "agriculture écologiquement intensive", "technologies à faible apport d'intrants externes" et "intensification durable de l'agriculture" ont été forgées pour désigner cet agenda de productivité agricole associée à la durabilité. Les organisations de producteurs ruraux se sont aussi ralliées au projet d'agriculture durable, pour diverses raisons parmi lesquelles les préoccupations liées au changement climatique et à son rôle dans le programme de souveraineté alimentaire, cependant que les groupements paysans, ainsi que les ONG, en particulier en Amérique latine et en Asie, expérimentaient des pratiques agricoles mettant l'accent sur la durabilité et plaidaient en faveur d'un espace institutionnel et d'action élargi dans ce domaine.

Dans l’Androy, à Madagascar, une ONG locale (ALT) a contribué à réintroduire le sorgho comme culture durable et résistante à la sécheresse, et a en outre assuré la formation des agriculteurs aux techniques de plantation et de stockage des récoltes. Le FIDA a aidé ALT à étendre cette réintroduction à d’autres communautés. "Voici comment ils nous ont formés… Je n’ai pas suivi la charrue avec l’ampemba (sorgho), mais j’ai semé à la main sur la terre labourée, puis j’ai recouvert les graines avec le pied… Elles ont germé après trois jours… Je n’ai pas planté à côté du maïs… ou là où il y avait du manioc. Je n’ai pas enfoui les graines profondément ni là où il y avait des mares, et je n’ai pas mis beaucoup [de graines dans chaque trou], mais trois ou quatre… J’ai eu beaucoup de jeunes plants. Je les ai éclaircis pour qu’ils ne soient pas trop denses. Et si j’en trouvais un avec un insecte dans l’épi, je le tuais, et j’inspectais aussi la tige. J’enlevais celui-là, et il repoussait à partir de la base. Et j’éliminais les plants touchés par les parasites au bord (du champ). Après, je m’occupais de ceux que j’avais enlevés, et ils donnaient d’autres beaux épis. J’ai donc eu une bonne récolte parce que j’ai suivi exactement la méthode que ces gens nous ont enseignée…" (Randriamahefa, homme de 49 ans, Madagascar)

Toutefois, l'accès à la terre et la sécurité de jouissance influent sur la mesure dans laquelle les paysans sont disposés à investir – ou en mesure de le faire – dans des améliorations de la production et de la gestion durable des terres, à adopter de nouvelles technologies et des innovations prometteuses, ou à obtenir du crédit pour des investissements sur l'exploitation ou des fonds de roulement. Il est nécessaire de se préoccuper également de ce type de questions.

Application des principes – le système de riziculture intensive

Le système de riziculture intensive (SRI) consiste en un ensemble de pratiques permettant de conserver les ressources mais d'en intensifier les effets, conçu pour les environnements où l'eau est abondante. Les principes de base de ce système, mis au point en 1983 à Madagascar, sont le repiquage précoce et bien espacé des plantules, de manière à favoriser une plus forte croissance des racines et de la canopée. Les parcelles doivent demeurer humides mais non saturées. Les paysans sont encouragés à expérimenter des pratiques, en vue de les adapter aux conditions locales et de s'assurer par eux-mêmes qu'elles sont bénéfiques. Bien que certaines variétés réagissent mieux que d'autres aux méthodes du SRI, on affirme obtenir une augmentation des rendements, avec une réduction de 80 à 90% des besoins en semences, et de 25 à 50% de la consommation d'eau d'irrigation. Les partisans du SRI font état d'autres avantages: résistance aux ravageurs et aux maladies; résistance à la sécheresse et aux dégâts provoqués par les orages; réduction de la pollution du sol et des ressources en eau; et réduction des émissions de méthane. Les avantages du SRI ont maintenant été documentés dans plus de 40 pays en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Au Cambodge, plus de 80 000 familles utilisent actuellement les pratiques du SRI, et les rapports font état d'un doublement des rendements en riz, de réductions sensibles de l'utilisation des engrais et des produits agrochimiques, et d'une augmentation des bénéfices des exploitations pouvant atteindre 300%. Les gouvernements des plus grands producteurs de riz (Chine, Inde et Indonésie) apportent désormais leur appui à la vulgarisation du SRI et se sont engagés à étendre de manière significative la production du riz par cette méthode.

Sources: Prasad (2009); Uphoff (2009); Smale et Mahoney (2010)



Séquestration du carbone par le biais de la foresterie: le Programme "Des arbres pour des bénéfices mondiaux", Ouganda

Le Programme "Des arbres pour des bénéfices mondiaux", conduit dans le sud-ouest de l'Ouganda, poursuit un double objectif en rapport avec la RSE et le développement rural durable. Ce programme apporte un appui aux paysans à faibles revenus, en vue de la mise au point de systèmes durables à long terme d'utilisation des terres intégrant des activités de séquestration du carbone. Les activités de séquestration du carbone répondant aux conditions requises incluent l'agroforesterie et l'exploitation du bois d'œuvre à petite échelle; la restauration d'écosystèmes dégradés ou endommagés comme les forêts claires; et la conservation des forêts et des forêts claires menacées par la déforestation. Le "plan vivo" (plan vivant) établi par chaque paysan présente les activités qu'il entend mettre en œuvre sur la parcelle. Les plans font l'objet, de la part de l'organisme chargé de l'exécution du programme, d'une évaluation portant sur la faisabilité technique, l'impact social et environnemental, et le potentiel de séquestration du carbone. Si les plans sont approuvés, les paysans ou les communautés signent un contrat ou un accord de vente relatif au carbone séquestré par le biais des activités prévues. L'élaboration des "plans vivo" est gérée par une ONG locale, Ecotrust qui fournit aux paysans une assistance financière et technique et regroupe les bénéfices carbone de nombreuses communautés ou paysans dans le cadre d'accords types. Des sociétés privées, des institutions ou des individus peuvent acheter des certificats de compensation carbone par l'intermédiaire de l'ONG, qui gère aussi les paiements carbone directs aux paysans.

Les certificats de compensation carbone sont émis par une entité gérée de manière indépendante (la Fondation Plan Vivo), suivant un processus standard utilisé pour évaluer les bénéfices carbone de chaque plan, sur la base de spécifications techniques internationalement reconnues. Chaque certificat porte un numéro de série unique faisant référence au producteur précis, ce qui fournit aux acheteurs une preuve réelle de propriété des réductions d'émissions vérifiées et évite un double comptage des crédits carbone. Les certificats d'émission vendus pour le compte des paysans ou de la communauté correspondent à la séquestration à long terme d'une tonne équivalent CO2.

Le coût par tonne de CO2 séquestré varie entre 6 et 20 USD et inclut les coûts de transaction relatifs à la certification, la vérification et l'appui international, l'assistance technique locale, l'administration et la surveillance, les paiements échelonnés aux paysans, et un fonds carbone communautaire. En moyenne, 60% du prix d'achat de la compensation carbone va directement aux communautés par le biais de versements étalés sur plusieurs années. Les paiements aux paysans sont basés sur les résultats observés, puis investis pour améliorer et diversifier les revenus agricoles. La Fondation Plan Vivo est financée par une taxe sur l'émission des certificats et par les droits d'inscription de l'organisme d'exécution. Le potentiel total de compensation carbone du programme s'élève à 100 000 tonnes de CO2 par an.

Pour les paysans, les bénéfices à court terme incluent les revenus des paiements (selon les prévisions, 900 USD sur une période de dix ans) et une gamme d'avantages en nature provenant des arbres. Les avantages à long terme comprennent la conservation du sol et la restauration des fonctions environnementales et écologiques dans les zones fortement dégradées, y compris la lutte contre le ruissellement et l'érosion du sol, la stabilisation microclimatique, la biodiversité terrestre, et de l'ombre pour les plantations de café. Tous ces facteurs contribuent à accroître les rendements et à améliorer la qualité. D'autres bénéfices devraient résulter de la vente de bois d'œuvre de qualité élevée récolté à la fin de la période de rotation. Une meilleure compréhension des principes de l'agroforesterie et des techniques de gestion des terres conduit aussi à une augmentation de la productivité et de la sécurité alimentaire.

Source: Di Stefano (2010)

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Créer des opportunités dans l'économie rurale non agricole

Points essentiels du rapport

   
 

 

Ranotenie trie du sorgho sur le pas de sa porte à Bema (Madagascar).    

La participation à l'économie rurale non agricole – sous la forme de travail salarié ou de travail indépendant – est un élément de plus en plus important des stratégies de gestion des risques de nombreux ménages ruraux. Pour un nombre croissant de ruraux, en particulier les jeunes d'aujourd'hui, c'est un bon moyen de sortir de la pauvreté. Bien que ce secteur ait été négligé par les hauts responsables dans un grand nombre de pays, son développement, en tant que source de croissance et d'emploi, suscite un nouvel intérêt dans les pays à vocation agricole, ainsi que dans les pays en mutation ou urbanisés.

L'agriculture reste un moteur fondamental du développement économique non agricole puisque chaque dollar de valeur ajoutée dans le secteur agricole génère 30 à
80 centimes de dollars supplémentaires de revenus secondaires ailleurs dans l'économie. Toutefois, aujourd'hui, quatre autres facteurs importants contribuent à stimuler la croissance de l'économie non agricole. Premièrement, l'urbanisation avec, en particulier, le développement des villes petites et moyennes et l'intégration croissante des économies rurale et urbaine. Deuxièmement, les processus de libéralisation et de mondialisation, qui sont susceptibles de favoriser la création d’emplois et la demande de services dans les zones rurales. Troisièmement, les systèmes améliorés de communication et d'information, en particulier l'extension de la couverture de la téléphonie mobile dans les zones rurales. Enfin, l'accroissement des investissements dans les systèmes décentralisés d'énergie renouvelable. Ces facteurs existent à des degrés divers et se combinent différemment selon les pays et les zones d'un même pays, créant différentes possibilités de développer l'économie rurale non agricole.

Si l'on veut exploiter ces nouveaux facteurs, il faut améliorer les incitations et atténuer les risques pour les acteurs concernés, ce qui suppose des investissements en milieu rural dans les infrastructures et les services tels que l'énergie et le transport, et une meilleure gouvernance. Les conditions préalables susceptibles d’encourager les investissements privés sont l'amélioration de la conjoncture économique et l'offre de services d'appui au développement des entreprises et de services financiers adaptés aux besoins des petits entrepreneurs, hommes et femmes. Pour les sociétés, la possibilité de recruter de la main-d'œuvre qualifiée est capitale. Pour les travailleurs ruraux, un environnement amélioré est un environnement dans lequel ils trouvent des emplois décents, où leurs droits et leur capacité d’organisation sont reconnus et où des efforts sont faits pour lutter contre la prévalence des emplois mal payés, précaires et non réglementés – occupés en grande majorité par des femmes – dans le secteur informel. Les migrants ruraux veulent que leurs droits soient reconnus et que leur capacité d’organisation bénéficie d'un soutien, et ils souhaitent pouvoir envoyer de l'argent chez eux facilement et à bas coût. Le rôle des acteurs publics dans la création d'un environnement propice au développement de l'économie rurale non agricole est important, mais il peut se borner en grande partie à faciliter et à catalyser les initiatives prises par d'autres, par exemple, les sociétés privées ou les organisations de travailleurs ruraux.

Il est essentiel de renforcer la capacité des ruraux de tirer parti des débouchés offerts par l'économie rurale non agricole. L'éducation et les compétences revêtent une importance particulière, parce qu'elles permettent aux jeunes et aux adultes vivant dans les zones rurales d’accéder à des emplois intéressants, voire de lancer et de gérer leurs propres entreprises. Les formations techniques et professionnelles, en particulier, doivent être développées, renforcées et mieux ajustées aux besoins actuels des ruraux, qu'il s'agisse de microentrepreneurs ou de travailleurs désireux de rester dans leur zone d'origine ou, au contraire, attirés par la migration.

Le renforcement des capacités sur tous ces fronts exige des formes variées et souvent novatrices de collaboration, dans lesquelles les gouvernements jouent un rôle déterminant en tant qu’animateurs, catalyseurs et médiateurs et dont le secteur privé, les ONG et les donateurs sont des partenaires importants.

L'importance de la formation informelle pour l'économie rurale – le cas du Ghana

Au Ghana, l'économie informelle fournit des emplois à près de 90% de la population active. Des programmes appropriés d'enseignement et de formation axée sur les compétences ciblant l'économie informelle sont par conséquent essentiels pour permettre aux jeunes (ruraux et urbains) de trouver de bonnes opportunités d'emploi.

Toutefois, et alors que le développement des compétences techniques et professionnelles a été l'une des préoccupations des pouvoirs publics au cours des dernières années, il a principalement ciblé le secteur formel plutôt que le secteur informel, et malgré l'existence de toute une gamme de programmes gérés par le secteur public, les ONG et le secteur privé, c'est la formation informelle en cours d'emploi qui constitue le principal mécanisme par lequel les jeunes ruraux et urbains pauvres acquièrent leurs compétences professionnelles.

Il existe, dans le contexte de l'économie informelle, trois types de formation de cet ordre: apprentissage traditionnel dans les secteurs des services et manufacturier, formation informelle en rapport avec le commerce de détail, et formation informelle en rapport avec l'exploitation agricole. Les trois formules présentent un certain nombre d'avantages par rapport aux programmes de formation formelle. Elles sont en prise directe sur le monde du travail; elles permettent aux jeunes d'acquérir des compétences pratiques fondées sur le travail; elles sont peu coûteuses et autofinancées (par le biais de divers arrangements entre l'apprenti et le patron, ou au sein de la famille); et elles cultivent le capital social et facilitent la création de réseaux professionnels informels. Les opportunités et les coûts initiaux sont généralement plus favorables que dans les programmes formels destinés aux personnes pauvres et aux ruraux, y compris celles n'ayant pas acquis de connaissances scolaires formelles. En revanche, ces approches tendent à perpétuer les pratiques et les technologies traditionnelles, et encouragent la répétition plutôt que l'innovation et l'expérimentation. En outre, la formation n'est pas nécessairement dispensée par des personnes dotées de talents pédagogiques, et la gamme des compétences transmises aux stagiaires peut être limitée (notamment, dans le cas des filles, aux "activités féminines" traditionnelles), du fait du contexte et de l'objectif spécifique de la formation. Les stagiaires risquent aussi d'être exploités et traités comme de la main-d'œuvre à bon marché. Pour que la formation axée sur les compétences dans le secteur de l'économie informelle joue un rôle plus efficace de tremplin permettant aux ruraux, jeunes et adultes, de sortir de la pauvreté, les mécanismes informels de formation doivent recevoir un appui plus solide, qui chercherait à surmonter leurs limites sans pour autant leur faire perdre leurs avantages spécifiques. Par ailleurs, un appui adéquat doit être apporté à l'économie informelle dans laquelle s'inscrit la formation, afin que ceux qui possèdent des compétences améliorées puissent bénéficier de bonnes opportunités d'emploi et entrepreneuriales. Une bonne stratégie de développement des compétences doit prendre en compte les voies multiples (formelles et informelles) par lesquelles les jeunes ruraux acquièrent leurs compétences de travailleurs ou d'entrepreneurs dans l'économie informelle, et faire fond sur les points forts spécifiques de chacun plutôt que de poursuivre une formalisation généralisée. Elle doit en outre reconnaître l'importance de la pluralité des activités professionnelles dans les moyens de subsistance ruraux, et chercher à renforcer à la fois la souplesse et l'ampleur des formes existantes de formation formelle et informelle.

Source : Palmer (2007)



"Centres de ressources" et développement des microentreprises rurales au Burkina Faso

Il n'est pas facile de mettre en place des conditions habilitantes, sur le plan institutionnel et sur celui de l'infrastructure, pour le développement des microentreprises. Au Burkina Faso, un contexte politique et économique largement favorable a émergé au cours des années 2000. Le Projet d'appui aux micro-entreprises rurales (PAMER), financé par le FIDA, a profité de cette situation, ciblant les femmes rurales, les jeunes, les microentrepreneurs et les paysans pauvres à la recherche d'autres sources de revenus avec les services de développement des entreprises. En 2006, pour assurer la durabilité de nouvelles entreprises et stimuler l'intérêt du secteur privé, cinq centres de ressources ont été créés au titre du PAMER, à Garango, Ouargaye et Pouytenga dans la région centre-est, et à Orodara et Duna dans la région ouest. Ces centres fournissent une gamme de services allant de l'appui à la mise en place de systèmes de comptabilité et de gestion des stocks, jusqu'à l'aide à l'identification des opportunités de marché. En 2008, le PAMER avait appuyé – ou aidé des personnes à créer – environ 2 700 microentreprises, avec de bons résultats en termes d'augmentation des revenus. Les femmes représentaient les deux tiers environ des microentrepreneurs ayant accès aux services.

Une forte demande sur le marché des services de développement des entreprises dans les zones rurales, à laquelle les prestataires urbains n'étaient pas en mesure de répondre, et l'existence de prestataires de services ruraux dont les capacités ont pu être développées assez facilement ont été les principaux facteurs de succès. Deux outils ont permis d'atteindre la viabilité de ces centres: le recours à des honoraires négociés et l’ouverture de l'accès aux pauvres, tout en évitant de subventionner ou d'exclure les propriétaires d'entreprises plus développées, dont la participation a contribué à la viabilité financière des centres. Forts du succès remporté, le gouvernement et le FIDA financent actuellement l'appui à 60 nouveaux centres.
Sources: FIDA (2007); PNUD (2009)

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Que faut-il faire et comment?

Points essentiels du rapport

   
 

 

Bintou Sambou, 45 ans, dans la maison qu'elle construit pour sa famille à Bignona, une ville du Sénégal, le vendredi 28 mai 2010.    

Dix ans après le début du nouveau millénaire, lutter contre la pauvreté rurale tout en nourrissant une population mondiale croissante dans un contexte de pénurie environnementale et de changement climatique en perpétuelle aggravation représente un formidable défi. Une action énergique est requise dès maintenant pour rectifier les nombreux facteurs qui perpétuent la marginalisation de l'économie rurale. Il faut faire en sorte que les femmes, les hommes et les jeunes des zones rurales puissent saisir les nouvelles chances de participer à la croissance économique, et les aider à mieux maîtriser les risques. Par-dessus tout, cette action doit transformer les zones rurales, actuellement en plein marasme, en lieux où les jeunes d'aujourd'hui désireront vivre et où ils pourront satisfaire leurs aspirations. Comment parvenir à de tels résultats? Bien entendu, la réponse n'est pas simple. Les pays présentent de profondes différences sur de nombreux points: niveau de développement économique; schémas de croissance; ampleur et profondeur de la pauvreté rurale, et taille et structure du secteur agricole et du secteur rural. À l'intérieur des pays, les situations sont très variables selon les zones, si bien que les possibilités de croissance peuvent varier du tout au tout. Par conséquent, il n'existe pas de solution universelle pour le développement rural et la réduction de la pauvreté rurale. Les domaines prioritaires, les questions à régler et les rôles des différents acteurs varieront en fonction du contexte.

Néanmoins, il est nécessaire de dépasser les approches sectorielles étroites et strictement séquentielles de la croissance rurale. L'agriculture continue à jouer un rôle majeur dans le développement économique d'un grand nombre de pays, et elle reste un moyen primordial de sortir de la pauvreté pour un grand nombre de femmes, d’hommes et de jeunes vivant en milieu rural – en particulier ceux qui peuvent en faire une "entreprise prospère". De plus, dans toutes les régions en développement, les petits agriculteurs sont confrontés à des défis majeurs – bien que très divers. La priorité accordée à l’agriculture, en vue de les aider à faire face à ces défis, doit rester un élément central des efforts visant à la réduction de la pauvreté mais aussi le développement économique. En toutes circonstances, l'objectif ultime doit être le développement de systèmes d'agriculture paysanne productifs, bien intégrés dans des marchés dynamiques (pour les services environnementaux ou les produits alimentaires et agricoles), durables au plan environnemental et résistants face aux risques et aux chocs. Ces trois éléments sont des caractéristiques essentielles d'une agriculture paysanne viable, considérée comme une stratégie de subsistance pour la génération de demain. Un secteur agricole dynamique ainsi qu'une série de nouveaux facteurs peuvent aussi favoriser l’essor de l'économie rurale non agricole dans une grande variété de contextes nationaux. Si l'on veut multiplier les possibilités de réduction de la pauvreté rurale et de croissance économique, il est nécessaire d'adopter une approche diversifiée de la croissance rurale et de miser sur l'économie rurale non agricole au sens large.

Pour mettre l'accent sur ces deux secteurs – agriculture paysanne et économie rurale non agricole –, il convient de focaliser les efforts et les investissements sur quatre domaines:

Au lendemain de la crise alimentaire, la communauté des donateurs internationaux a lancé une série d'initiatives visant à appuyer les efforts déployés par les pays en développement pour promouvoir l'agriculture paysanne. Elle a aussi indiqué sa détermination à aider les pays en développement à atténuer le changement climatique et à s’y adapter. Mais les investissements dans l'agriculture et l'économie rurale non agricole restent bien inférieurs aux niveaux requis, et l'élan donné par ces initiatives récentes doit être maintenu. Le programme d'action proposé dans le présent rapport fait écho aux préoccupations internationales croissantes tout en proposant des idées d’initiatives concrètes. L'accroissement des investissements dans les domaines mis en exergue dans le rapport – dont certains ont été totalement négligés ces dernières années – peut permettre de conduire à titre pilote de nouvelles approches et méthodes de travail dans le cadre d’itinéraires d'apprentissage, de promouvoir l’analyse et la réforme des politiques et de financer la transposition à plus grande échelle des petites initiatives performantes. De plus, un grand nombre de pays en développement et de pays récemment développés ont été aux prises avec les problèmes abordés dans le rapport. Il existe donc un énorme besoin d'amélioration du partage des connaissances entre les pays en développement.
 
On estime aujourd'hui à approximativement 1 milliard le nombre de ruraux pauvres dans le monde. Mais il y a de bonnes raisons de penser qu’il est possible de réduire la pauvreté rurale de manière importante si l'on crée de nouvelles possibilités de promouvoir la croissance rurale et si l'on améliore le contexte de risque.

L'enjeu n'est pas seulement le présent pour 1 milliard de ruraux pauvres et la perspective de la sécurité alimentaire pour tous, mais aussi le monde rural et son avenir, patrimoine de la génération rurale de demain.

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