Un miel de haute altitude: le miel des abeilles indigènes de la Sierra Norte de Puebla
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Un miel de haute altitude: le miel des abeilles indigènes de la Sierra Norte de Puebla
Temps de lecture estimé: 6 minutesDans les montagnes de la Sierra Norte, au Mexique, vit une espèce particulière d'abeilles. Connue localement sous le nom de pisilnekmej, la Scaptotrigona Mexicana appartient à une famille indigène du continent américain dont le trait distinctif est de ne pas avoir de dard.
Protégées par les communautés autochtones, elles sont élevées dans des ruches traditionnelles, les mancuernas, composées de deux pots en terre cuite scellés ensemble à l'aide d'une pâte humide à base de cendres. Les familles utilisent le miel ainsi obtenu dans la nourriture ou dans des remèdes. D'une odeur épicée et piquante, c'est un miel aux saveurs fortes et complexes avec des notes d'agrumes sur le palais.
En 2012, un comité Sentinelle de Slow Food a été lancé en collaboration avec la coopérative Tosepan Titataniske (dont le nom signifie en Nahuatl signifie "Notre union fait la force"). Les producteurs livrent leur miel et les autres produits de la mancuerna à la coopérative à un juste prix, ensuite la coopérative commercialise le miel, le pollen ou la propolis ou les utilise dans la production de cosmétiques.
Depuis 2018, le comité Sentinelle a pris part à un projet intitulé Autonomisation des jeunes autochtones et de leurs communautés en vue de la défense et de la promotion de leurs traditions alimentaires, financé par le FIDA. L'objectif principal du projet est de former de nouveaux producteurs autochtones, surtout chez les jeunes, et de s'appuyer sur leur travail d'apiculteurs pour promouvoir ce miel unique et sa zone de production par l'intermédiaire de canaux communautaires de tourisme. Slow Food sert aussi de caisse de résonnance à la voix des producteurs du comité Sentinelle dans leur bataille de protection de cette zone contre l'accaparement des terres par les industries minières ou énergétique. En vertu de cette action menée par les apiculteurs jusqu'à aujourd'hui, le Cuetzalan a été reconnu en 2011 "Sanctuaire de l'abeilles indigène Pisilnekmej".
Slow Food s'est entretenu avec Tania Guadalupe García Guerra, la coordinatrice du comité Sentinelle, et Rubén Chico Cruz, un technicien et expert de méliponiculture, l'élevage des abeilles à miel sans dard.
Quels ont été les principales évolutions qu’a connu le comité Sentinelle depuis sa création en 2012?
Le projet a commencé en 2006, lorsque nous avons organisé la production de miel de l'abeille Scaptotrigona Mexicana en collaboration avec nos partenaires, qui vendaient ensuite leur miel 50 pesos le litre. En 2018, le prix a été multiplié par neuf et atteignait 450 pesos le litre. L'Union de coopératives Topesan, qui coordonne la production de miel des abeilles indigènes de la Sierra Norte de Puebla, est actuellement la plus grosse organisation d'éleveurs d'abeilles sans dard du monde. En ce sens, le nom donné au comité Sentinelle a donné un élan très important à la valorisation de ce miel. En effet, le miel de la Scaptotrigona Mexicana était auparavant déprécié car, selon les critères de perception dominants sur le marché, ses caractéristiques ne répondaient pas aux standards du miel d'Apis mellifera. Le fait de donner un nom au comité Sentinelle a permis au miel d'être reconnu et apprécié pour ses caractéristiques intrinsèques.
Que représentent les abeilles et le miel pour votre communauté autochtone? Avez-vous une histoire à nous raconter sur ce produit?
L'élevage de l'abeille Scaptotrigona mexicana, dont le nom en Nahualt est pi12h30tsinekmej (petite abeille), se transmet depuis des générations comme une activité pratiquée à l'échelle du foyer dans les communautés autochtones de la Sierra Nororiental de Puebla. L'activité consiste principalement à créer un endroit sûr où placer les pots contenant les rayons puis à récolter le miel. Le reste est une affaire d'attention et de pratiques traditionnelles: s'il fait froid, il faut couvrir les pots avec une couverture, s'il y a un mort dans la maison, on place une croix et des branches de sureau au-dessus pour les protéger du "mauvais air". En général, le but est de conserver l'harmonie dans la maison, sinon les abeilles risquent de partir. En d'autres mots, l'élevage d'abeilles pitsilnekmej représente un ensemble de savoirs et de croyances qui sont vitaux à la "vision cosmologique" du people Maseual.
Comment la méliponiculture a-t-elle contribué à préserver l'écosystème de la Sierra Norte de Puebla?
La Scaptotrigona mexicana est une espèce indigène de cette région et elle a donc évolué en parallèle avec l'écosystème local. Leur élevage s'est fait en étroite interaction avec les écosystèmes agricoles traditionnels, tels que le milpa et le koujtakiloyan, un système d'agroforesterie hautement diversifié utilisé pour la culture du café. En général, le méliponiculture aide à préserver la richesse de la flore indigène. La pollinisation, par exemple, améliore la production de cultures de rapport comme le poivre, le café, la sapotille, la banane plantain, entre autres. Elle favorise également la production biologique dans la mesure où sa survie exige que l'environnement soit privé de produits chimiques. De plus en plus de gens s'intéressent à cette activité, le nombre de producteurs de miel a donc augmenté. Par ailleurs, de plus en plus prennent aussi conscience que pratiquer cette activité signifie ne plus utiliser d'herbicides ni de produits chimiques.
Quelles sont les autres activités des producteurs du comité Sentinelle?
Les producteurs du comité Sentinelle viennent de familles paysannes dont la production est diversifiée. Pour leur propre consommation, ils utilisent le milpa, un complexe système mésoaméricain d'association de cultures, principalement de haricots, de courge, de piment et de quelites (des herbes sauvages). Par ailleurs, dans les arrière-cours, ou kaltzintan, ils élèvent poulets. dindes et canards et ils cultivent des tomates, des épices et des plantes médicinales ou ornementales. Ils cultivent le café, les poivrons, la cannelle, les sapotes mamey et des agrumes, destinés à la vente. Enfin, certains producteurs sont des artisans qui utilisent des matériaux locaux dans leur production artisanale, d'autres sont des laboureurs journaliers.
Pourquoi cette forme de résistance par la nourriture est-elle importante pour votre communauté?
L'alimentation traditionnelle de notre région est basée sur des produits agricoles locaux qui ont été cultivés ici depuis des décennies dans une relation équilibrée avec l'écosystème. Relancer et diffuser ce type d'aliments signifie promouvoir les cultures agricoles indigènes (ou non) de notre terre et les pratiques productives vertueuses. Nous avons tout à y gagner car il s'agit d'aliments nourrissants, riches, sains et abordables. La nourriture reflète également notre identité culturelle et la préserver signifie préserver nos racines. Dans la région, nos ancêtres vivaient autrefois des espèces comestibles qui poussent sur les parcelles et dans les kaltzintan (arrière-cours), c'est pourquoi promouvoir les aliments traditionnels représente une forme de résistance.
Le miel d'abeilles indigènes de la Sierra Norte de Puebla reçoit l'appui du Fonds international de développement agricole (FIDA) dans le cadre d'un projet d'autonomisation des communautés en vue de la défense et de la promotion de leurs traditions alimentaires. Cet article a été publié pour la première fois sur le site de Slow Food Foundation for Biodiversity
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Date de publication: 16 mai 2019