Alimenter un commerce de cacao durable dans les Îles Salomon

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Alimenter un commerce de cacao durable dans les Îles Salomon

Temps de lecture estimé: 7 minutes
©FIDA / Todd M. Henry

Dans une petite rue poussiéreuse d’Auki, bourg côtier de l’île de Malaita, les locaux d’Arania Enterprises fourmillent d’activité. Des sécheurs de cacao vont et viennent, apportant quantité de fèves de cacao à vendre, et l’entrepôt de la société, d’apparence modeste avec sa charpente en bois, est rempli d’énormes sacs prêts à l’exportation.

Arania, l’un des principaux acheteurs et exportateurs de cacao des Îles Salomon, est en activité depuis plus de 30 ans. Il s’agit d’une entreprise familiale, dirigée par un père et son fils, Brown et David Fono.

En 2016, Arania s’est vu offrir une nouvelle possibilité: l’entreprise a été invitée à devenir un partenaire principal du Programme de développement rural – Phase II (également désigné par son acronme RDP II), appuyé par le FIDA, qui vise à stimuler le développement socioéconomique des agriculteurs des Îles Salomon. Et l’on comprend facilement pour quelles raisons.

Brown et David Fono devant l’entrepôt d’Arania Enterprises, rempli de sacs de 80 kilogrammes de fèves de cacao séchées prêtes à l’exportation

La deuxième phase du programme est axée en priorité sur les communautés et les partenariats. Plus précisément, elle a été conçue selon un modèle qui relie les "maillons de la chaîne" en créant des relations lucratives entre les entreprises agricoles locales, comme Arania, et les petits cultivateurs et sécheurs qui produisent des matières premières présentes en abondance dans les Îles Salomon, comme le cacao et la noix de coco. D’après les observations faites dans le cadre du programme, qui est une initiative conjointe du FIDA, du Gouvernement salomonais, du Ministère australien des affaires étrangères et du commerce, de l’Union européenne et de la Banque mondiale, ce modèle est un excellent moyen d’aider les entreprises locales à moderniser les activités, à accroître la valeur ajoutée à l’échelle locale et à augmenter les revenus.

À l’origine, les acteurs du programme ont contacté Arania en raison de son expérience en matière de commerce de matières premières et de sa connaissance des populations locales, des coutumes tribales et des pratiques agricoles. Les dirigeants d’Arania savaient que le nouveau modèle de partenariat allait changer la façon de collaborer des producteurs locaux et exigerait d’instaurer un certain degré de confiance et de compréhension – ce qui ne s’est pas fait du jour au lendemain.

"Avant, les cultivateurs travaillaient séparément et vendaient des fèves sur le marché libre sans les sécher. Maintenant, ils vendent leurs fèves à des personnes qui vont les sécher, puis nous les vendre", explique David. "Au début, il nous a été très difficile d’instaurer un climat de confiance entre les producteurs, les sécheurs et notre entreprise."

Mais la famille Fono, qui cultive elle-même le cacao, a toujours cherché en priorité à établir de bonnes relations avec les producteurs et sécheurs de cacao avec qui elle travaille. Petit à petit, la confiance s’est installée.

"À présent, tous les membres du partenariat comprennent le fonctionnement de la filière et acceptent leur rôle", souligne David. "Ils ont une attitude positive et voient que le partenariat aide à renforcer leurs moyens d’existence. Le programme marche vraiment."

En tant que partenaire principal du programme, Arania travaille de concert avec trois associations d’agriculteurs de Malaita depuis 2018. L’une d’entre elles est le partenariat d’agriculteurs REVIRESCO, établi dans le village de Faalau, au nord de Malaita. Bobby Kalafiu, coordonnateur de la coopérative, assure la liaison sur le terrain entre Arania et plus de 100 agriculteurs qui cultivent le cacao sur des parcelles de la plantation communautaire. Il achète des fèves aux cultivateurs et les fait sécher de façon traditionnelle au feu et dans des séchoirs solaires plus modernes (mis à disposition dans le cadre du programme) pour ensuite les vendre à Arania.

David et Bobby collaborent souvent très étroitement en vue de gagner la confiance des cultivateurs. Ils donnent également des cours de formation sur les techniques modernes d’agriculture biologique, la gestion des exploitations et le traitement des cultures, et animent des cours spécialisés tels que des ateliers d’éducation financière, afin d’aider les agriculteurs à renforcer leurs moyens d’existence. Étant donné que de nombreux agriculteurs n’ont jamais reçu d’éducation formelle, David et Bobby enseignent par l’exemple et complètent leurs présentations en distribuant des images. 

Bobby Kalafiu, producteur de cacao et coordonnateur de REVIRESCO, se tenant devant un séchoir solaire fourni dans le cadre du Programme de développement rural – Phase II

Bobby distribue également aux agriculteurs des outils mis à disposition dans le cadre du programme et leur montre comment s’en servir. "Nos cours de formation sont très axés sur la pratique et ont lieu ici-même dans la plantation de cacao, où les agriculteurs peuvent apprendre en travaillant eux-mêmes avec les nouveaux outils", dit-il.

Dans le cadre de la formation, David et Bobby enseignent également aux agriculteurs comment cultiver des plants dans la pépinière de REVIRESCO pour ensuite les greffer sur leurs arbres. "Une bonne cosse contient plus de 100 fèves", explique Bobby. Nous plantons les fèves de ces cosses de qualité supérieure dans la pépinière pour cultiver des plants. Nous apprenons ensuite aux agriculteurs à utiliser leurs nouveaux outils pour greffer des brindilles de ces plants sur les arbres adultes."

Les cultivateurs de cacao apprécient les cours de formation. Ils récoltent déjà beaucoup plus de fèves de haute qualité issues de l’agriculture biologique, qu’ils vendent à REVIRESCO à un prix équitable.

Clifton Melza, âgé de 40 ans, est l’un des producteurs de cacao de l’association REVIRESCO comptant parmi les bénéficiaires de l’initiative du programme visant à mettre en relation les maillons de la chaîne. Comme un grand nombre de Salomonais, il a fui Guadalcanal, l’île principale, en 1999, pendant la période où sévissaient une violence ethnique et un conflit civil dévastateurs. Il est retourné à Malaita, son île d’origine, et y cultive le cacao depuis 20 ans. Son activité a véritablement décollé en 2018, lorsque la deuxième phase du programme a commencé à être exécutée dans son village. Il a reçu des outils et une formation dont il avait grandement besoin, et a appris à cultiver des plants et à greffer des brindilles des variétés améliorées sur les arbres qu’il avait déjà. 

Clifton Melza inspectant des arbrisseaux de cacaotier dans la pépinière communautaire de REVIRESCO dans le village de Faalau (Malaita)

Les rendements et la qualité des récoltes de Clifton ont considérablement crû et ses revenus aussi. "Grâce à nos meilleurs revenus, nous pouvons plus facilement payer les frais de scolarité de nos enfants, améliorer notre logement et mieux prendre soin de notre santé", dit-il.

Lorsqu’il n’est pas à l’école ou à la mer pour pêcher et nager avec ses amis, James, le fils de Clifton, âgé de 12 ans, aime passer du temps avec son père sur leur parcelle pour enlever les mauvaises herbes et en apprendre plus sur le cacao. "Les parents ne sont pas les seuls concernés", explique Clifton. "Nous savons que le programme ne sera pas toujours là pour nous aider. Nous travaillons dur pour nous assurer que les améliorations que nous apportons sont durables et pour transmettre nos savoirs à nos enfants. Ce sont eux qui prendront la relève un jour. Nos plantations de cacao sont l’héritage que nous leur laisserons pour leur offrir un avenir meilleur."

Le modèle de partenariat du programme visant à relier les maillons de la chaîne a porté ses fruits pour Clifton, Bobby et David, et tout le monde est gagnant. Le modèle est maintenant reproduit dans toute l’île de Malaita pour profiter à d’autres cultivateurs et sécheurs. Et comme aime à le dire David, des personnes du Pacifique, d’Europe, des États-Unis et de partout ailleurs en profitent également. "Les fèves de cacao de haute qualité qu’Arania Enterprises exporte en vrac depuis Malaita se retrouvent dans de délicieuses tablettes de chocolat quelque part dans le monde."

 

Découvrez l’action du FIDA dans les Îles Salomon.