Un nouveau jour – Entretien avec des bénéficiaires du FIDA

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Un nouveau jour – Entretien avec des bénéficiaires du FIDA

Temps de lecture estimé: 5 minutes

En Tunisie, les étés sont éprouvants. Comme une grande partie de l’Afrique du Nord, ce pays est en proie à la hausse des températures et à une aridité croissante, au recul des précipitations et à l’élévation du niveau de la mer: un cocktail explosif de conditions météorologiques extrêmes.

Et les effets des changements climatiques sont particulièrement frappants dans les zones rurales du pays. Que ce soit à Médenine, dans le sud, ou à Siliana, dans le nord, les habitants affirment qu’il ne pleut qu’une fois par an. Cette quantité d’eau ne suffit pas pour faire pousser les cultures ou pour permettre aux petits exploitants de joindre les deux bouts. 

 

Le nouveau film du FIDA, Un nouveau jour, raconte l’histoire des populations rurales de Tunisie et témoigne de la résilience dont elles font preuve pour s’adapter à l’évolution du climat. La bande-son du film, la chanson «Feeling Good» de Nina Simone, nous rappelle que le monde doit tenir bon face à l’adversité.

Sassia Kharchoufi et Youssef Selmi, deux bénéficiaires du Projet de développement agropastoral et des filières associées dans le Gouvernorat de Médenine (PRODEFIL), sont au cœur de ce récit. Nous les avons rencontrés à Beni Khaddeche, une ville située dans le sud-est de la Tunisie, pour parler de leurs luttes quotidiennes, mais aussi de leurs espoirs et de leurs rêves pour l’avenir.

Pouvez-vous décrire votre quotidien?

Sassia: Mon quotidien a beaucoup changé depuis quelques années. Avant, je ne gagnais que 310 DT (100 USD) par mois en vendant des brebis. Aujourd’hui, mon entreprise de tissage me prend tout mon temps. J’assure le fonctionnement de mes quatre métiers à tisser et de la machine à coudre que j’ai reçus grâce à PRODEFIL, et je passe une grande partie de mon temps à former quatre jeunes femmes au tissage de tapis et d’écharpes, entre autres. J’espère qu’un jour, elles pourront, comme moi, gagner leur indépendance financière. Je continue à exposer mes produits dans des foires, et cela me remplit de joie. Mais ce qui me rend surtout très heureuse, c’est de passer du temps avec mon mari et mes quatre enfants.

Youssef: Mes journées commencent très tôt, dès 5 heures du matin. C’est parfois difficile, mais ce qui me motive, c’est l’idée de subvenir aux besoins de mon épouse et de mes cinq enfants, pour qu’ils vivent heureux et aient tout ce dont ils ont besoin. Je commence par nourrir mes moutons et mes chèvres, puis je pars à la recherche d’un travail journalier pour compléter mes revenus. Cela prend généralement la forme de travaux sur des exploitations de plus grande taille ou de travaux manuels, par exemple le transport du foin ou des travaux de construction. Lorsque je rentre à la maison, je m’occupe de nouveau de mes bêtes. Ma journée se termine rarement avant 17 heures, mais j’ai ensuite le plaisir de passer du temps avec ma famille.

Youssef Selmi, bénéficiaire du projet PRODEFIL en Tunisie

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez pour gagner votre vie?

Sassia: Malgré mon succès, je me heurte encore à de nombreux obstacles. Je dois impérativement participer à différentes foires pour assurer le développement de mon entreprise, mais ce n’est pas toujours facile en raison de la difficulté d’accès aux transports dans ma région.

Je ressens également souvent une pression liée à mes responsabilités familiales. Il n’est jamais facile pour une femme de trouver le bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Mais le plus gros obstacle est sans aucun doute la façon de penser de notre société. Il n’a pas été facile de faire accepter aux gens que les femmes rurales avaient le droit de travailler, mais je ne renoncerai jamais. Ma détermination et l’aide financière dont j’ai bénéficié m’aident à assoir ma réussite.

Sassia Kharchoufi, bénéficiaire du projet PRODEFIL en Tunisie

Youssef: Le manque de disponibilité et le prix des aliments pour animaux m’inquiètent de plus en plus. J’en dépends davantage aujourd’hui parce que mes bêtes passent plus de temps dans leur enclos que dans les champs en raison des changements climatiques, qui ont rendu notre environnement plus chaud et plus sec. Cela signifie non seulement que je dois acheter des aliments, mais aussi que les coûts de l’élevage sont plus élevés.

Je commence réellement à ressentir les retombées financières de la crise climatique, et je ne peux assumer ces coûts tout seul. Je suis inquiet à l’idée de ne plus être capable de posséder mon propre troupeau, car cela voudra dire que ma famille perdra non seulement une source de revenus, mais aussi une source importante de nourriture. Je fais ce que je peux pour éviter cette situation, mais j’ai besoin d’aide. Les petits exploitants, qui se retrouvent en première ligne des changements climatiques, ont besoin d’être soutenus par le reste du monde.

Qu’espérez-vous pour l’avenir?

Sassia: Je suis fière de pouvoir dire que j’ai créé des emplois pour 33 jeunes femmes. Je serais très heureuse de pouvoir aider davantage de filles à acquérir de nouvelles compétences et de leur apprendre à compter sur elles-mêmes. J’espère à l’avenir commencer à exporter mes produits et bâtir une entreprise florissante que je pourrai léguer à ma fille.

Youssef: Même si les temps sont durs, j’ai de l’espoir. J’aimerais, un jour, créer une ferme d’engraissement pour gagner plus d’argent et offrir une vie meilleure à ma famille.

À l’instar de Sassia et Youssef, les populations rurales du monde entier se heurtent à de nombreux obstacles. Le FIDA a conscience du rôle central que jouent chaque petite exploitante et petit exploitant dans notre lutte collective pour une planète en meilleure santé. C’est pourquoi nous continuons à investir en faveur de ces populations, mais c’est aussi pourquoi le reste du monde devrait en faire autant.