Jeunes et autochtones, aux prises avec les changements climatiques

IFAD Asset Request Portlet

Agrégateur de contenus

Jeunes et autochtones, aux prises avec les changements climatiques

Temps de lecture estimé: 5 minutes
© FIDA/Francesco Cabras

De jeunes autochtones originaires de trois continents réfléchissent aux effets des changements climatiques sur leurs communautés et à la façon dont les peuples autochtones s’appuient à la fois sur leurs traditions et sur les technologies pour faire face à des phénomènes météorologiques de moins en moins prévisibles.

Brijlal Chaudhari – Les autochtones savent lire le climat et ses changements

Brijlal avec sa tante et sa mère, gardiennes des savoirs et des traditions du peuple Tharu. Photo reproduite avec la permission de Brijlal Chaudhari 

Brijlal est membre de la communauté autochtone Tharu, issue des contreforts de l’Himalaya. Il est le fondateur de Global Home for Indigenous Peoples, une organisation qui plaide pour les droits et les modes de vie des communautés autochtones.

La mousson est une bénédiction, parce que c’est l’océan, les montagnes, le vent et la forêt qui mêlent leurs efforts pour apporter la pluie.

Les premières pluies sont un signal, c’est le temps de planter le riz. Tout le monde coopère, s’entraide pour planter; nous travaillons avec le ciel, les saisons, le climat.

Mais petit à petit les choses ont changé.

Mon grand-père savait lire les nuages. Il pouvait prédire l’arrivée de la mousson, mais aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile à déchiffrer. Les nuages ne nous parlent plus.

Et la forêt auprès de laquelle nous vivions s’est éloignée, car de nombreux arbres ont été coupés pour faire place à l’agriculture. Lorsqu’il pleut, la forêt conserve l’eau dans ses entrailles et nous en fait don toute l’année. Mais avec le recul de la forêt, il y a de moins en moins d’eau. Cette année, il n’a pas plu, et nous n’avions pas d’eau à boire.

Nous essayons de ramener la forêt en plantant des arbres. J’espère que nous pourrons retourner aux pratiques agricoles traditionnelles, utilisant peu d’engrais chimiques et économes en semences. Ce savoir traditionnel doit être transmis de génération en génération. Ce que ma mère m’a appris, j’ai le devoir de l’enseigner à mes propres enfants.

Margaret Tunda Lepore – Il faut protéger les identités autochtones

Tunda travaille à préserver l’identité des populations autochtones. Photo reproduite avec la permission de Margaret Tunda Lepore

Tunda fait partie de la communauté autochtone masaaï au Kenya. Elle défend la préservation des pratiques culturelles traditionnelles, les droits fonciers et l’autonomisation des communautés.

Je viens des hauts plateaux des Masaaï, qui étaient auparavant très verts. Mais nous avons connu la pire sécheresse de notre histoire ces trois dernières années. Pour la première fois, il n’y a pas d’herbe.

Beaucoup de gens ont perdu leurs bêtes. Mais quand être bergers fait partie de votre identité, il vous faut un troupeau.

Malgré ces difficultés, les communautés pastorales ont démontré leur résilience. Nous avons réorganisé nos pâturages pour favoriser le mouvement des troupeaux, ce qui permet à l’herbe de repousser avant de répéter l’opération. 

Quand j’étais enfant, tous mes repas contenaient de la viande. Aujourd’hui, nos troupeaux sont plus petits, nous avons donc diversifié notre alimentation et mangeons plus de légumes.

Je fais partie d’un groupe appelé Femmes Kopito et nous construisons des jardins à étages. Nous ne pouvons pas cultiver beaucoup de terres parce qu’il est difficile de les arroser pendant la saison sèche. Mais les jardins à étages nous permettent de recycler notre eau. Nous filtrons l’eau que nous utilisons en cuisine ou dans la maison à l’aide de cendres, et nous pouvons l’utiliser le lendemain pour arroser nos plantes.

Le monde doit encourager nos efforts quand nous cherchons à conserver les semences et les races indigènes adaptées à nos territoires. Il peut nous aider à exercer une influence sur les politiques publiques et à défendre les systèmes alimentaires et les droits des populations autochtones. Tout le travail mené par les peuples autochtones pour survivre et assurer la conservation de leur identité doit être défendu.

Tania Eulalia Martínez Cruz – Combiner le meilleur des deux mondes pour s’adapter à une planète en mutation

Les communautés de la région où habite Tania ont recours aux cultures intercalaires pour rester autosuffisantes. © Conrado Perez

Tania est originaire d’Oaxaca, au Mexique. Elle est chercheuse associée à l’Université libre de Bruxelles, où elle travaille sur les systèmes des peuples autochtones touchant à l’eau, à l’alimentation et aux savoirs. Elle s’appuie sur ses recherches pour plaider en faveur des systèmes de savoirs des populations autochtones et défendre leur rôle dans les politiques alimentaires et hydriques.

Les évolutions technologiques doivent aussi tenir compte des savoirs et des systèmes autochtones. Dans les montagnes de ma région natale d’Oaxaca, dans le sud du Mexique, les populations autochtones utilisent le système milpa, qui associe les « trois sœurs »: maïs, haricots et courge. Le maïs est l’aliment de base, les haricots fixent l’azote et le courge réduit l’érosion hydrique et des sols. C’est la symbiose des savoirs autochtones.

Bien que comptant parmi les communautés les plus résilientes du monde, les populations autochtones peinent à s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Autrefois elles pouvaient faire face à ces conditions extrêmes qui restaient occasionnelles parce qu’elles plantaient leurs cultures sur différentes parcelles comme le veut la tradition. Si je cultive une parcelle près de la rivière, et que des pluies torrentielles emportent soudain mes cultures, il reste le champ que je cultive en haut de la montagne. Si les vents emportent ces cultures-là, j’ai sans doute une autre parcelle ailleurs dans le village. C’est ce qu’on appelle la résilience.

Mais au fil du temps et des migrations pour trouver du travail, le nombre de personnes restées pour cultiver la terre s’est réduit, et elles ont perdu en autosuffisance.

À mesure que les migrations se poursuivaient, de moins en moins de champs ont été cultivés. Et lorsque la tempête Matthew a frappé et conduit à la fermeture des routes en 2010, les communautés autochtones rurales ont eu du mal à s’approvisionner en nourriture. Les gens ont commencé à penser que s’ils ne pouvaient plus être autosuffisants, ils ne pouvaient plus être résilients non plus. C’est alors qu’ils ont décidé d’encourager le changement technologique dans les champs tout en conservant l’essentiel: le maïs, les semences indigènes et les cultures intercalaires.

Aujourd’hui, ils organisent des concours à qui produira le plus. Et ils ont retrouvé leur autosuffisance.