Investir dans un avenir meilleur : l’Afrique orientale et australe

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Investir dans un avenir meilleur : l’Afrique orientale et australe

Temps de lecture estimé: 7 minutes
© FIDA/Imani Nsamila

Cette année, le FIDA appelle à investir davantage dans les populations rurales afin de garantir un avenir meilleur pour tous et pour toutes, partout dans le monde. Nous nous sommes entretenus avec Sara Mbago-Bhunu, Directrice régionale du FIDA pour l'Afrique orientale et australe, afin de comprendre à quoi ressemble la vie des populations rurales dans la région et quelle différence seraient en mesure de faire davantage d’investissements dans le secteur.

La région s'étend de la mer Rouge, le long de la côte de l'Érythrée, jusqu’au nouveau fragile État du Soudan du Sud, en passant par le berceau de l'humanité qu'est la vallée du Grand Rift, pour s’étendre jusqu'à l'Angola et ses abondantes ressources, et traverser l'océan Indien, jusqu'aux îles de Madagascar et des Seychelles.

Quels sont les principaux défis à relever dans la région?

Dans la diversité de ses paysages et de ses populations, l'Afrique orientale et australe est confrontée à toute une série de difficultés, qui commencent dans les champs, pour toucher également aux questions d’alimentation ou de financements.

Tout d'abord, notre sécurité alimentaire est menacée par un enchaînement de crises. À l'heure actuelle, 36,1 millions de personnes souffrent d'une faim aiguë dans la Corne de l'Afrique, tandis qu’après le cyclone Freddy de nombreux pans de la population ont connu la faim car des familles déjà vulnérables font face avec énormément de difficultés à l’inflation des prix de denrées alimentaires essentielles. Dans certaines régions, le prix du maïs, une denrée de base, a triplé.

Aujourd’hui déjà, près de la moitié des Africains victimes de sous-alimentation vivent en Afrique de l'Est. La région est fortement dépendante des importations de denrées alimentaires, car les systèmes alimentaires manquent de cohésion et une grande partie de la nourriture est perdue avant d'être consommée. Résultat : de nombreuses personnes n'ont pas accès à une alimentation nourrissante pour un prix abordable.

Comme partout ailleurs dans le monde, la région ressent les effets des changements climatiques. La hausse des températures et la modification des régimes pluviométriques ont d’importantes conséquences sur les populations rurales. Les pertes de bétail augmentent en raison du nombre croissant de nuisibles, nous produisons des aliments moins nutritifs, les nappes phréatiques s'épuisent et les sols se dégradent.

Dans la diversité de ses paysages et de ses populations l'Afrique orientale et australe est confrontée à toute une série de difficultés ©FIDA/Imani Nsamila

Dans la diversité de ses paysages et de ses populations l'Afrique orientale et australe est confrontée à toute une série de difficultés ©FIDA/Imani Nsamila

Plus de sept sur dix des 633 millions de personnes vivant dans la région sont des enfants et des jeunes, qui ne contribuent donc pas directement à une économie qui a déjà du mal à créer des emplois. 

La crise croissante de la dette ne fait qu'aggraver ces problèmes. Au moins dix pays souffrent actuellement de graves problèmes d'endettement, et nombre d'entre eux sont encore en train de se relever de la pandémie de COVID-19. L'allégement de la dette internationale est tragiquement nécessaire, et investir dans des systèmes alimentaires durables peut permettre de nourrir la région tout en offrant des moyens d’existence à la population.

Quelle différence le FIDA a-t-il fait dans la région?

Ces 25 dernières années, le FIDA a fourni des financements à hauteur de 5,6 milliards d'USD à la région et a mobilisé 7,2 milliards d'USD supplémentaires par l'intermédiaire de ses partenaires. Cela a profité à environ 40 millions de personnes dans 17 pays. J'ai la chance d'avoir pu constater par moi-même la différence que ces investissements font dans la vie des gens.

Par exemple, PRODEFI II au Burundi a renforcé la résilience aux changements climatiques en améliorant l'accès à l'eau de près de 20 000 exploitations agricoles, en réhabilitant plus de 29 000 hectares de terres pour la production agricole, en facilitant l’accès à des services financiers à 47 000 ménages et en fournissant des intrants agricoles, tels que des semences et des engrais, à près de 83 000 ménages.

Hawa Uso et sa fille dans leur village. © Worku Gadisa

Hawa Uso a vécu la majeure partie de sa vie dans une petite hutte au toit de chaume dans un village rural d'Éthiopie. Avec une seule vache et deux chèvres, sa famille a toujours survécu au prix de grandes difficultés. Aujourd'hui, les choses ont bien changé. Elle possède trois bœufs, deux vaches, huit chèvres et trois poules, et sa famille vit dans une maison avec un toit en tôle. Le Projet de renforcement de la résilience des moyens d'existence dans les basses terres financé par le FIDA a transformé sa vie et celle d’autres membres de sa communauté en permettant de trouver avec eux ce dont ils avaient besoin pour prospérer.

Quelles sont les possibilités encore inexploitées de la région que davantage d'investissements pourraient permettre de mettre à profit?

Je vois cinq grandes possibilités encore inexploitées dans la région.

Premièrement, la région dispose de vastes capacités de production d'énergie renouvelable, notamment éolienne, hydroélectrique et solaire. Or quand l’approvisionnement énergétique est plus fiable, les petits producteurs peuvent transformer les aliments et réduire les pertes alimentaires, créer de la valeur ajoutée et augmenter leurs revenus, tout en limitant la dégradation de l'environnement causée par le manque d'accès aux sources d'énergie verte.

Nous savons que cela fonctionne. Au Rwanda, des coopératives agricoles soutenues par le FIDA utilisent la technologie des Solar Bubble Dryers, des séchoirs solaires qui offrent une alternative peu coûteuse, mobile et ne nécessitant pas de combustible pour sécher les cultures au soleil, comme le maïs et les haricots. Alors que les agriculteurs perdaient auparavant un tiers de leur récolte, ce chiffre est descendu désormais à moins de 10%. Ils augmentent ainsi leurs revenus tout en améliorant leur sécurité alimentaire et en réduisant le gaspillage de nourriture. 

Deuxièmement, la région a mis un pied dans la porte de l'économie numérique mondiale et ses 11 500 milliards d’USD. Mais après les centres numériques basés dans les zones urbaines, nous devons étendre cette opportunité aux zones rurales. En Éthiopie, nous travaillons avec les agriculteurs pour promouvoir les activités agroforestières qui peuvent tirer profit des marchés du carbone.

Troisièmement, l'intégration régionale promet des gains économiques à long terme. Le système de paiement panafricain vise à harmoniser les échanges transfrontaliers et les taxes, ouvrant ainsi un énorme marché alimentaire tout en construisant des systèmes alimentaires régionaux moins dépendants des importations de denrées alimentaires et d'engrais.

Quatrièmement, la région dispose d'un secteur privé extrêmement dynamique qui peut catalyser une croissance économique inclusive soutenue. En impliquant davantage d'acteurs du secteur privé, nous pouvons réduire les risques d’investissements dans les petits exploitants agricoles. Par exemple, le FIDA soutient des activités dirigées par des femmes à Madagascar en leur accordant des prêts pour développer leurs petites entreprises tout en attirant le cofinancement d'autres investisseurs.

Enfin, la plupart des pays de la région ont un littoral ou une grande étendue d'eau, et de nombreuses communautés ont une histoire et des liens culturels très riches avec la mer. Cela signifie qu'ils pourraient tirer parti de l'économie bleue, en diversifiant leurs économies grâce à la pêche et à l'aquaculture. Nous avons vu la différence que l'économie bleue peut faire au Mozambique, mais les investissements dans la région sont encore très insuffisants.

Quel message adressez-vous aux décideurs qui s’apprêtent à fixer le montant de leur contribution au FIDA?

Je les invite à augmenter leurs contributions au FIDA. Nous sommes confrontés à des défis sans précédent, mais nos investissements ont déjà changé la vie d’un nombre immense d’hommes et de femmes et renforcé la résilience des communautés rurales en Afrique de l'Est et en Afrique australe. Nous pourrions et nous devons faire bien plus encore.